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RDC : de porteur à jardinier, le récit de Pacifique Elie

15 mars 2022

A Goma, cela va faire plus de deux décennies que des familles vivent au quotidien dans l’insécurité. Privés de perspectives d’avenir, certains jeunes décident d’aller chercher du travail en dehors de la ville.

DR Kongo, Gartenarbeit in Goma
Image : Wendy Bashi/DW

Quand on rencontre Pacifique Elie pour la première fois, c’est son regard perçant qui retient l’attention. Au premier regard on se sent scruté… le jeune homme est méfiant, il ne se sent pas toujours en sécurité, il n’a pas toujours envie de revenir sur ce qui s’est passé « là-bas » dans la forêt.

Lui, ce dont il aime parler c’est de ses fruits et légumes. Il se sent en sécurité dans son potager, c’est le seul endroit où son visage s’irradie et qu’il baisse la garde.

"J’ai été fait porteur contre ma propre volonté" (Pacifique Elie)

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Cet épisode sombre de sa vie, il l’a vécu entre 2018 et 2019. Alors qu’il se rendait à Masisi, il a été enlevé par un groupe Maï Maï.  "J’ai été fait porteur contre ma propre volonté. J’ai même vu des enfants qui ont été contraints de transporter des charges supérieures à leur capacité. Moi-même je n’avais pas la capacité de transporter 50 kilos mais ils m’ont imposé de le faire et je l’ai fait. C’était pénible mais je m’en suis sorti. Puis j’ai décidé de rentrer chez moi et de supporter la situation à Goma. Grâce au travail de la terre, j’arrive peu à peu à subvenir à mes besoins. "

"Sauvé par ses légumes ! "

Pacifique Elie a un prénom composé et il en est fier. Il n’arrête pas de dire à qui veut l’entendre que ce n’est pas pour rien qu’il s’appelle Pacifique. Ce jeune homme, à peine âgé de 23 ans, a vécu des choses qu’il veut à tout prix oublier et dont il ne parle pas beaucoup.

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A son retour à Goma, il a été recueilli par monsieur Fataki Mastaki qui s’occupe d'un potager dans un couvent de la ville. C’est là-bas qu’avec d’autres jeunes, Pacifique Elie essaye de se reconstruire. "Ces jeunes, normalement, ils viennent de familles nombreuses, de familles à problème. Je vais prendre l’exemple du premier contingent d’enfants, Pacifique en faisait partie. C’étaient des enfants qu’on chassait de l’école parce qu’ils ne pouvaient pas payer les frais scolaires. A cela s’ajoute l’insécurité qui règne dans les villages et qui empêche les familles d’aller aux champs. Je leur ai proposé de leur montrer mon jardin afin de leur apprendre à cultiver la terre. "

Image : Wendy Bashi/DW

Le travail de la terre a été la bouée de sauvetage pour beaucoup de jeunes. Grâce aux épinards et autres feuilles de manioc, ils peuvent espérer devenir autonomes financièrement et aider leurs parents. "Sans la terre, il n’y a pas de nourriture, que vous soyez président de la République ou ministre, retenez que c’est grâce à la terre que vous tenez bon, que vous avez de la force. Parce que c’est la terre qui produit tout ce que vous mangez. Le travail de la terre est très important pour tout être humain parce que si nous voyons tout ce qui se passe avec le changement climatique, on nous demande toujours d’améliorer la terre, de renouveler les sols, de planter les arbres. Nous ne pouvons y arriver qu’en travaillant la terre. "

La dure réalité des jeunes qui s’enrôlent

Certains n’ont pas eu les mêmes chances que Pacifique Elie. Ils essayent tant bien que mal de reconstruire leurs vies grâce à des initiatives mises en place par des ONG locales. Espérance Kazi est basée à Béni dans le Nord Kivu, elle sensibilise la population à travers des activités spécifiques ou encore dans des radios communautaires. "Le recrutement se fait facilement, on peut juste leur promettre que chaque mois ils auront juste 100 dollars. Et facilement, ils rejoignent les groupes armés. Nous sensibilisons les jeunes à quitter les groupes armés et à revenir à la vie normale. Nous ne garantissons rien à ces jeunes mais nous leur montrons les conséquences de leurs actes et nous leur disons que si quelqu’un a besoin de travailler pour ce pays, de combattre l’ennemi, il doit juste adhérer aux forces loyalistes, les FARDC. "

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Aujourd’hui, Pacifique Elie, en plus de travailler avec monsieur Fataki Mastaki, a commencé un petit potager chez ses parents. Le week-end, il propose ses services dans les villas cossus de Goma. Parfois, il lui arrive de croiser ses anciens ravisseurs mais la loi du silence s’impose alors à lui comme aux autres jeunes.

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