Au Soudan, l'Onu et les ONG sur place continuent d'appeler à protéger et accompagner les civils, premiers à souffrir de la violence des affrontements.
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Les témoignages des ONG présentes sur le terrain se recoupent. Ils décrivent des cadavres jonchant les rues, des civils tués dans leur tentative de fuite, des dizaines de milliers de femmes enceintes sans hôpitaux à proximité.
Au Soudan, les combats entre les paramilitaires et l'armée soudanaise ont repris mercredi matin (21.06.2023) après un cessez-le-feu de trois jours, et avec eux, les crimes de masse perpétrés sur les civils. On comptabilise à ce jour des milliers de tués et plus de 2,5 millions de personnes déplacées au Soudan ou dans les pays voisins. Pour l'instant, aucune amélioration n'est en vue.
Civils et organisations visés par les exactions
A Al-Geneina, dans la région du Darfour, civils et associations humanitaires sont ciblés directement par les milices. Mohammed Assan est directeur du réseau Darfour pour les droits de l'Homme.
"Les civils, depuis plus de deux mois, ne sont pas autorisés à sortir d'Al-Geneina.", témoigne-t-il à l'agence Reuters. "Lorsque les femmes sortent, les milices les violent et les tuent. Quand les hommes sortent, ils les tuent aussi. Cette zone est totalement détruite. J'ai perdu l'un de mes employés, c'était une bonne personne, il a laissé trois enfants et sa femme.
Selon l'activiste, les Forces de Soutien Rapide ciblent maintenant les organisations et les activistes. Ces derniers sont témoins des violations commises par les milices, et il s'agirait d'une manière de détruire les informations.
Al-Geneina est coupée en grande partie des réseaux téléphoniques depuis des semaines, mais les témoignages, confirmés par des ONG telles que Médecins Sans Frontières, affluent selon Reuters.
Il existe des signes avant-coureurs d'une répétition des atrocités perpétrées au Darfour après 2003, lorsque les milices "Janjaweed", dont est issue la FSR, avaient aidé le gouvernement à écraser une rébellion de groupes principalement non arabes au Darfour. Un conflit ethnique, donc - les Masalit, ethnie non-arabe à la peau plus foncée, seraient spécifiquement pris pour cible par les milices.
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Afflux à la frontière tchadienne : "il y a eu des massacres"
De l'autre côté de la frontière, à Arde, au Tchad, même son de cloche. Laura Lo Castro, représentante du Haut-Commissariat aux Réfugiés au Tchad, rapporte les témoignages des réfugiés sur le terrain : "Ils ont décrit des scènes terrifiantes, où tout le monde a dû fuir pour sauver sa vie. Il y a eu des massacres et donc, dans leur fuite, ils ont parfois dû malheureusement laisser derrière eux des petits enfants qui ne pouvaient pas courir, des personnes blessées et des personnes âgées".
Elle estime que 15.000 réfugiés soudanais sont arrivés en l'espace de 48 heures.
L'Onu estime que les exactions à l'origine de la fuite forcée de tous ces habitants du Darfour pourraient constituer des "crimes contre l'humanité". Les forces en présence, de leur côté, s'accusent mutuellement des violences perpétrées.
Guerre au Soudan : les réfugiés à la frontière tchadienne en images
Depuis le début du conflit au Soudan, l'est du Tchad a vu affluer 90 000 réfugiés soudanais et retournés tchadiens du Darfour, selon le HCR. Reportage photo de notre correspondant dans les camps de Toumtouma et Borota.
Image : Blaise Dariustone/DW
Femmes et enfants retournés tchadiens au camp de Toumtouma
Plus de 6500 Tchadiens sont accueillis à Toumtouma près de la frontière soudanaise. En majorité des femmes et des enfants, ils avaient fui les combats entre les rebelles et l'armée tchadienne entre 2006 et 2008 au Tchad. Cela fait d'eux des "retournés", soit des populations forcées au retour dans leur pays d'origine alors qu'elles l'avaient fui par le passé.
Image : Blaise Dariustone/DW
Prise en charge médicale d'une famille tchadienne dans le camp de Toumtouma
Les organisations humanitaires tentent de fournir une prise en charge médicale dans ces camps, comme ici dans une clinique mobile à Toumtouma. Selon l'UNHCR, 11.166 personnes prises en charge à la frontière avaient reçu des services de santé au 23 mai 2023. De nombreuses familles avec enfants sont concernées et cherchent des traitements contre la malaria.
Image : Blaise Dariustone/DW
Distribution du Programme alimentaire mondial (PAM) dans le camp de Toumtouma
Ce samedi 20 mai 2023, le Programme alimentaire mondial organisait une distribution de vivres à destination de retournés tchadiens du camp de Toumtouma. Le 24 mai, le PAM a lancé un appel de fonds à hauteur de 810 millions de dollars sur les six prochains mois afin de soutenir l'aide humanitaire dans la Corne de l'Afrique.
Image : Blaise Dariustone/DW
Un avion du Programme alimentaire mondial (PAM) à Farchada pour transporter le personnel humanitaire depuis N'Djamena
Le Programme alimentaire mondial, ou World Food Program (WFP, sur la queue de l'appareil), dispose de 100 avions, 5.600 camions et 30 navires en service chaque jour. L'organisation a publié un rapport ce lundi 29 mai qui place la région parmi les "points chauds" de l'insécurité alimentaire dans le monde.
Image : Blaise Dariustone/DW
Les habitants du village d'Abéché se fournissent en eau non loin du camp de Toumtouma
A proximité du camp de Toumtouma, des villageois se fournissent en eau au puits. L'afflux de retournés tchadiens et de réfugiés soudanais inquiète les villageois environnants, qui ont déjà un accès compliqué à l'eau et à la nourriture. Les retombées de la crise au Soudan touchent aussi des populations qui n'ont pas eu à se déplacer.
Image : Blaise Dariustone/DW
Rassemblement des réfugiés soudanais du camp de Borota par le HCR
Dans le camp de Borota, ce sont majoritairement des réfugiés soudanais originaires de la région du Darfour, de l'autre côté de la frontière, qui sont pris en charge. Dimanche 21 mai 2023, plus 30.000 Soudanais avaient trouvé refuge dans ce village tchadien situé à environ cinq kilomètres du Soudan.
Image : Blaise Dariustone/DW
Adam Seid, réfugié soudanais, arrive dans le camp de Borota dans l'Est du Tchad
Adam Seid a fui le Soudan pour le camp de Borota. Il arrive ici sur sa charrette avec les quelques affaires qu'il a pu rassembler avant de quitter son pays. Les camps tchadiens sont si proches de la frontière que certains réfugiés font des allers-retours dans les villages soudanais voisins pour récupérer des affaires personnelles à leurs risques et périls.
Image : Blaise Dariustone/DW
Famille réfugiée soudanaise dans le camp de Borota
Les familles sur place sont éparpillées sur des centaines de mètres. Elle tendent des pagnes ou des voiles de toutes les couleurs pour se protéger du soleil. Beaucoup de ces femmes ont perdu leur mari, tué au Soudan, ou des enfants, morts pendant le trajet qui a suivi leur fuite.
Image : Blaise Dariustone/DW
Borno Khamis Haroun, réfugiée soudanaise dans le camp de Borota, à l'Est du Tchad
Borno Khamis Haroun a fui Konga, dans le Darfour, avec ses cinq enfants. "Mon mari était parti chercher des fagots, c'est comme ça qu'il a été tué", a déclaré à la DW la jeune femme de 25 ans. Après deux jours de marche, ils ont rejoint le camp de Borota et leur abri de fortune. "Actuellement nous n'avons pas à manger, les enfants sont malades", ajoute-t-elle.
Image : Blaise Dariustone/DW
Prise en charge d'un nourrisson par un volontaire du HCR au camp de Borota, à l'Est du Tchad
La présence du HCR permet notamment d'évaluer le nombre d'enfants ayant besoin d'une prise en charge. Selon le HCR au 23 mai 2023, 66% des personnes pré-enregistrées à la frontière tchadienne depuis le début du conflit sont des enfants.
Image : Blaise Dariustone/DW
La délégation du HCR enregistre une réfugiée soudanaise dans le camp de Borota
La délégation du Haut commissariat aux réfugiés présente à Borota dimanche 21 mai pré-enregistrait les personnes présentes pour évaluer l'évolution de la situation et les besoins des familles qui affluent dans les camps tchadiens. Il est nécessaire d'être enregistré dans le camp pour recevoir une aide alimentaire. En attendant, beaucoup de réfugiés dépendent de la générosité de leurs voisins.
Image : Blaise Dariustone/DW
Ahmat Hassane, réfugié soudanais à Borota, de retour du marché avec son âne
Ahmat Hassane revient du marché dans le village voisin avec de la nourriture. Seuls ceux qui ont pu prendre la fuite avec de l'argent peuvent se permettre de se rendre au marché de Borota. La situation alimentaire sur place reste inquiétante et beaucoup ne peuvent compter que sur l'aide humanitaire pour se nourrir.
Image : Blaise Dariustone/DW
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Une situation sanitaire alarmante
La situation au Soudan alarme aussi l'Organisation mondiale de la Santé. 11 millions de personnes ont actuellement besoin d'une assistance sanitaire et deux tiers des établissements de santé sont hors service, selon l'OMS.
Le porte-parole du Secrétaire général de l'Onu, Fahran Haq, renouvelait ce mercredi (21.06.2023) l'engagement de l'institution à soutenir la société civile : "Nous continuerons à acheminer l'aide, qu'il y ait ou non un cessez-le-feu. Mais nous continuons également à demander la fin des combats, afin de pouvoir atteindre toutes les personnes dans le besoin au Soudan, où qu'elles se trouvent."
17.000 tonnes d'aide ont été acheminées vers différentes régions du pays ces quatre dernières semaines, selon l'Onu. L'organisation estime que 25 des 48 millions de Soudanais ne peuvent survivre sans aide humanitaire.
La communauté internationale a promis, lundi (19.06.2023), 1,5 milliard de dollars d'aide, soit la moitié des besoins avancés par les agences humanitaires.