Guinée-Bissau : Cédéao et UA appellent à restaurer l'ordre
2 décembre 2025
Près d'une semaine après le coup d'État militaire en Guinée-Bissau, une délégation de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, la Cédéao, est arrivée ce lundi 1er décembre à Bissau, la capitale. À sa tête : le chef de l'État sierra-léonais Julius Maada Bio, dont le pays assure actuellement la présidence tournante de la Cédéao. Et un objectif : tenter une médiation auprès des nouvelles autorités militaires du pays.
La délégation compte aussi le président de la Commission de la Cédéao, l'ancien ministre gambien des Affaires étrangères, Omar Alieu Touray, la représentante de la Cédéao à Bissau, Ngoyi Ukaeje, et le représentant de l'Onu en Afrique de l'Ouest, Leonardo Simão.
"Nous avons décidé de ne pas nous contenter d'observer seulement cette crise, mais d'aider de manière active", a déclaré Julius Maada Bio lors de sa première prise de position sur le dossier et avant même de rencontrer les nouvelles autorités.
Au menu des exigences de la Cédéao : la publication des résultats des élections du 23 novembre et la restauration rapide de l'ordre constitutionnel en Guinée-Bissau.
Tolérance zéro
En attendant, le général Horta N'Tam, qui a dirigé le coup d'État, a formé, samedi, un gouvernement de transition et s'est donné comme priorités la lutte contre la corruption et le trafic de drogue.
Une déclaration pour le moins inattendue dans un pays qui, depuis deux décennies, sert de transit au trafic de cocaïne en provenance de Colombie et en direction de l'Europe. Un trafic qui prospère avec la complicité bienveillante de l'armée dans ce pays.
Le général Horta N'Tam a aussi promis une discipline stricte en matière de gestion des fonds publics.
En ce qui concerne le calendrier, il s'agirait "de mener à bien les projets en cours du gouvernement destitué" et de transférer le pouvoir à un gouvernement, élu dans un délai d'un an.
Une ligne qu'a défendue également Ilídio Vieira Té, nommé Premier ministre et ministre des Finances. Il a promis d'assumer ses fonctions avec "responsabilité et patriotisme".
"Notre mission", a-t-il déclaré", est de garantir la sécurité, de maintenir les services publics et de créer les préalables politiques nécessaires au retour de l'ordre constitutionnel."
Les deux hommes sont considérés comme des très proches d'Umaro Sissoco Embaló, le président bissau-guinéen déchu et tous deux ont promis une transition courte. "Un an - pas plus", a dit le général Horta N'Tam.
Cela étant, la plupart des citoyens bissau-guinéen considèrent le nouveau gouvernement comme illégitime. Le PAIGC, le plus grand parti d'opposition, dirigé par Domingos Simões Pereira, voit dans le coup d'État une tentative du président Umaro Sissoco Embaló d'empêcher la publication des résultats de la présidentielle, alors qu'il se sait perdant.
"C'est une manœuvre pour dissimuler la vérité", estime un porte-parole du Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert. De nombreux opposants politiques, dont Domingos Simões Pereira, lui-même, ont été interpellés dans les jours qui ont suivi le putsch.
Manifestations et répression
Dans les rues de Bissau aussi, la colère est de mise. Ce weekend, des milliers de personnes, souvent jeunes, ont manifesté pour dire non à la dictature. "Vive la démocratie et la liberté", ont-ils crié... avant d'être dispersés par les forces de sécurité à coup de gaz lacrymogène et de tirs.
Plusieurs manifestants, dont des activistes du mouvement des droits civiques "Pó de Terra", ont été interpellés. Des rapports faisant état de mauvais traitements circulent, mais on ne dispose pas encore de chiffres précis.
"L'époque dans laquelle nous vivons est empreinte d'incertitudes", explique Vigário Luís Balanta, le chef du mouvement "Pó de Terra". "C'est la poursuite du même régime injuste qui nous a gouvernés ces dernières années. Nous devons continuer à nous battre, pour le peuple et pour la liberté. Les dirigeants militaires n'ont aucune légitimité – ils doivent démissionner !"
La communauté internationale s'inquiète, elle, de l'évolution de la situation en Guinée-Bissau. L'Union africaine a suspendu le pays de toutes les activités et organes de l'organisation.
Dans un communiqué, l'UA a également qualifié le coup d'État militaire d'"atteinte grave à l'ordre démocratique et constitutionnel". Elle exige le retour à l'ordre constitutionnel et la libération immédiate de tous les prisonniers politiques, y compris les agents électoraux et les soutiens de Fernando Dias, candidat à la présidentielle. Sans quoi, la Guinée-Bissau s'expose à des sanctions.
Embaló en route pour Brazzaville
Alors qu'il avait d'abord trouvé refuge au Sénégal, le président déchu a poursuivi son voyage vendredi vers Brazzaville, sur invitation du président Denis Sassou Nguesso. Le 28 novembre, Umaro Sissoco Embaló a atterri dans la capitale congolaise à bord d'un avion affrété par l'État congolais, accompagné de quelques membres de sa famille.
Dans son pays, alors que le régime militaire essaye de garder le contrôle, la résistance s'amplifie. Les observateurs politiques estiment toutefois peu probable que la mission de la Cédéao puisse aboutir dans l'immédiat à une solution politique, ou à un changement de cap de la part des militaires.