Guinée : vers des élections en décembre ?
13 mai 2025
En Guinée, l'annonce n'est pas nouvelle mais elle a été réaffirmée.
Les élections présidentielle et législatives se tiendront "en décembre". C'est en tout cas, ce qu'a assuré le Premier ministre Amadou Oury Bah, lors d'une interview.
Selon lui, "tout est fait" pour que ces élections se déroulent comme prévu. Il faut dire que le chef de la junte au pouvoir, le général Mamadi Doumbouya avait promis dans ses vœux du Nouvel An, que 2025 serait une "année électorale cruciale pour parachever le retour à l'ordre constitutionnel".
Un référendum constitutionnel est prévu le 21 septembre prochain. Mais, en dépit des gages donnés par les autorités au pouvoir, certains Guinéens restent sceptiques. C'est le cas de Ibrahima Diallo, il est l'un des responsables du Front national pour la défense de la Constitution le FNDC, un regroupement civique très actif en Guinée.
Lisez ou écoutez l'interview de la DW avec Ibrahima Diallo.
Ibrahim Diallo : On ne peut pas avoir des élections normales et sérieuses d'ici la fin de cette année parce que déjá le recensement biométrique à vocation électorale qui est engagée n'est pas encore à son terme. Donc ce n'est pas sûr qu'on aura même un fichier électoral avant la fin de cette année.
Même le référendum annoncé n'aura pas lieu en septembre.
Peut être, et encore si j'utilise le conditionnel, en décembre on pourra organiser le référendum mais tout le reste n'est techniquement pas possible du tout.
DW : Selon le Premier ministre pourtant tout est fait pour que ces élections puissent avoir lieu. Il dit qu'il y a une mobilisation pour l'enrôlement qui doit permettre justement la constitution du fichier électoral. Sur le terrain vous n'observez pas cette mobilisation pour l'enrôlement électoral ?
ID : Non, pas du tout. Pour l'enrôlement, ils ont tout fait dans la précipitation.
L'enrôlement n'a pas commencé dans les ambassades et consulat de la Guinée à l'international et à l'intérieur du pays on a parlé de l'enrôlement qui a commencé normalement le 15 avril et qui doit se terminer le 31 mai. Mais nous n'avons pas encore franchi le seuil de 1.000.000 de guinéens recensés.
Il y a certaines localités aujourd'hui qui n'ont même pas vu l'ombre d'un agent recenseur.
Le Premier ministre est dans une fuite en avant, ils ont besoin de l'argent, ils ont besoin de financement de la venant de la communauté internationale pour soutenir le processus électoral...
DW : Depuis quelques temps des voix s'élèvent pour soutenir la candidature du général Mamadi Doumbouya. Est-ce qu'on se dirige selon vous vers un scénario un peu comme on l'a vu au Gabon avec l'élection de Brice Clotaire Oligui Nguema?
ID : Aujourd'hui, ça ne fait l'ombre d'aucun doute que Mamadi Doumbouya veut se porter candidat.
En contradiction avec l'engagement pris par Doumbia à la prise du pouvoir pour dire qu'il ne sera pas candidat, on est en train d'assister effectivement au scénario du Gabon mais en Guinée, la majorité de la population n'est pas dans l'esprit d'accompagner cette candidature.
Je crois qu'ils sont en train de tout faire aujourd'hui pour faire le forcing afin d'obtenir cela, si toutefois ils confirmaient cette candidature là.
DW : On s'interroge sur l'absence de certaines figures importantes de la politique guinéenne qui sont hors du pays et qui visiblement ne pourront pas participer au scrutin. Quel regard vous portez sur cette situation ?
ID : C'est dans la logique de la stratégie développée par la junte au pouvoir de mettre hors d'état de nuire toutes les figures de l'opposition et de la société civile qui peuvent s'opposer.
Mais je crois que comme la junte n'a pas une assise sociale et que encore une fois, les acteurs sociopolitiques ont une assise sociale et ont la légitimité aujourd'hui auprès de la population, même étant à l'extérieur de pouvoir donner des consignes afin que les citoyens s'opposent à la violation de l'engagement pris par les militaires.