Herta Müller, écrivaine du déracinement
9 octobre 2009Emigrée de Roumanie, mais l'allemand comme patrie, écrit la Süddeutsche Zeitung. Herta Müller est née en 1953 dans la région du Banat et s'est installée en 1987 à Berlin-Ouest. Dans son pays, les autorités avaient interdit la publication de ses œuvres.
Prix Nobel pour une apatride, titre la Tageszeitung. La grande littérature ne parle pas simplement de conflits, estime le journal. Elle ne se contente pas de raconter ce que les hommes peuvent faire aux hommes, mais perpétue le souvenir des bouleversements provoqués par de telles expériences. Herta Müller aide à les rendre compréhensibles pour des personnes qui ne les ont pas vécues. La récompense attribuée à l'écrivaine n'est pas en soi un prix pour la littérature de langue allemande, mais pour une littérature qui traduit en mots la réalité historique et le souvenir.
La Frankfurter Rundschau se réjouit pour une lauréate digne du Prix Nobel, qui dépeint l'expérience de la dictature sans sentimentalité ni morale. Chez Herta Müller, il s'agit de l'expérience humaine, qui selon les destins peut être bonne ou mauvaise. Dans son cas elle était souvent très mauvaise, elle a été victime de la Securitate, les services secrets roumains. Mais aujourd'hui, elle a tout à coup la chance d'être célèbre dans le monde entier – si c'est bien une chance.
Herta Müller n'est pas un auteur national allemand, estime die Welt, mais un écrivain qui, comme le dit l'Académie suédoise, « dessine les paysages du déracinement ». Ses livres reflètent l'expérience du totalitarisme, de l'omniprésence de la peur, de la méfiance et de la violence. Le souvenir de la dictature de Ceausescu et la difficulté de s'acclimater en occident constituent la base biographique de ses romans. Son œuvre évoque l'histoire d'une minorité allemande, mais elle a une portée universelle. C'est précisément cela qui a été récompensé par le prix Nobel.
La Kölnische Rundschau se montre plus critique. Herta Müller allie sans aucun doute la force de la langue et la dimension politique. Toutefois, des destins comparables au sien génèrent aussi des livres en Afrique, en Asie ou en Amérique, mais c'est en Europe que le jury a de nouveau trouvé son lauréat. Au cours des 15 dernières années, rappelle le quotidien, seulement trois auteurs non européens ont obtenu le prix Nobel de littérature.