Dans une semaine, le 9 novembre, 26 œuvres d’art pillées au Palais d’Abomey au XIXe siècle devraient être restituées au Bénin par la France.
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La restitution de ces 26 œuvres des trésors royaux d’Abomey était l’une des promesses faites par Emmanuel Macron, fin novembre 2017 à l’université de Ouagadougou. Elle est aussi le fruit d’incessantes demandes formulées depuis plusieurs années par de nombreuses associations françaises, béninoises et africaines.
"Le retour des œuvres d’art au Tchad doit être échelonné" (Arnaud Dingammadji)
Michel Adovi Goeh-Akué, professeur d'histoire togolais à la retraite s'en réjouit : "Ça veut dire que les Français et globalement les Européens commencent par comprendre que l’Afrique a une civilisation. Elle a des éléments de civilisation et qu'il faut rendre ces choses aux Africains pour qu'ils puissent en jouir et les présenter comme l'âme de leur peuple. Il est important que toute l'Afrique retrouve son âme et sa mémoire à travers ces œuvres qui sont gardées là-bas."
L’ancien président béninois, Nicéphore Dieudonné Soglo salue lui aussi, le retour au pays de ces objets d’art qui font, explique-t-il à la DW, la fierté de son pays et de toute l’Afrique. Mais il plaide pour que tous les objets spoliés aux autres pays africains soient également restitués.
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C’est que réclament aussi beaucoup de Tchadiens, joints par la DW. En effet, selon rapport Sarr-Savoy, 9 296 œuvres d'art tchadiennes pourraient être restituées. Ce qui fait de ce pays le premier concerné.
Mais l'historien tchadien Arnaud Dingammadji, recommande que le rapatriement de ces milliers d'œuvres soit échelonné et préparé : "Je pense qu'il faut que le Tchad et la France négocient les conditions du transport des pièces tchadiennes. On ne peut pas les remettre d'un seul coup au Tchad. Ça sera un peu difficile de les exposer dans le seul musée national. Donc, peut-être qu'il faut échelonner ça dans le temps pour permettre au Tchad de construire de nouveaux musées, peut-être en province, à Sarh, à Abéché, à Moundou et ailleurs", suggère Arnaud Dingammadji.
La France restitue des objets d'art au Bénin
Avant le retour prévu à la mi-novembre, les 26 objets d'art de l'ancien royaume du Dahomey seront exposés au Musée du Quai Branly à Paris.
Image : Lois Lammerhuber/musée-du-quai-Branly
Exposition spéciale à Paris
Près de 130 ans après leur entrée dans la collection française, les objets d'art vont être maintenant restitués au Bénin. Mais avant leur retour, les œuvres de l'ancien royaume du Dahomey (qui s'étendait le long de la baie du Bénin sur près de 300 km, de l'actuel ouest du Nigeria à l'actuel Ghana) feront l'objet d'une exposition spéciale à Paris du 26 au 31 octobre.
Image : Michel Euler/AP/dpa/picture alliance
Un royaume redouté
Fondé au XVIIe siècle, le puissant royaume du Dahomey a existé pendant environ 260 ans, jusqu'à ce que les troupes françaises l'envahissent et finissent par conquérir le pays en 1890. Béhanzin (photo) est considéré comme le dernier souverain indépendant. Il a mené la résistance contre les envahisseurs, mais a finalement dû se rendre. Béhanzin a vécu en exil avec sa famille jusqu'à sa mort.
Au cours de la conquête par les troupes françaises en 1892, de nombreux objets, dont ces trois statues royales, ont été volés au palais royal d'Abomey et apportés en France. Ils y ont d'abord été exposés au musée ethnologique du Trocadéro avant de déménager en 2006 au musée du Quai Branly, initié par l'ancien président Jacques Chirac et qui a coûté plus de 235 millions d'euros.
Image : picture-alliance/dpa/G. Julien
L'arrivée au Bénin attendue avec impatience
Indépendant depuis 1960, a écrit au gouvernement français en 2016 pour demander la restitution de ses œuvres. Lorsque les œuvres d'art arriveront dans leur pays d'origine, elles seront d'abord exposées dans la maison du gouverneur, dans la ville côtière de Ouidah. Ensuite, elles seront envoyées à l'ancienne ville royale d'Abomey, où un tout nouveau musée doit être construit.
Image : Stefan Heunis/AFP/Getty Images
Une promesse tenue
En 2017, le président français Emmanuel Macron s'était engagé à faciliter une loi sur la restitution de l'art spolié. Jusqu'alors, les biens culturels détenus par la France étaient soumis à un cadre juridique particulier. En 2020, la loi permettant le transfert des collections a été adoptée.
Image : Ludovic Marin/AFP via Getty Images
L'épée d'El Hadj Omar
Outre la restitution des trésors d'art béninois, la France s'était engagée à l'époque à renvoyer au Sénégal une épée de grande valeur ayant appartenu au chef de guerre et érudit musulman El Hadj Omar. Il s'agit du premier retour effectué par la France dans une de ses anciennes colonies en 2019. Sur cette photo, le président sénégalais Macky Sall réceptionne l'épée.
Image : AFP Seyllou/AFP via Getty Images
Sculpture de valeur
Outre les statues royales mentionnées au début, d'autres insignes royaux, tels que des sceptres et des autels portatifs, seront restitués au Bénin. Cette chaise royale richement décorée sera également restituée à l'Afrique de l'Ouest. Outre le Bénin, le Sénégal, le Mali, le Tchad, la Côte d'Ivoire, l'Éthiopie et Madagascar ont présenté des demandes de restitution à la France.
Image : Pauline Guyon/musée-du-quai-Branly
Héritage perdu
On estime que l'Europe possède 90% du patrimoine culturel de l'Afrique. Les collections du Musée du Quai Branly à Paris contiennent à elles seules environ 70.000 œuvres d'art provenant d'Afrique subsaharienne. Plus de la moitié ont été acquises pendant la période coloniale française - des enquêtes sont actuellement en cours pour déterminer si elles proviennent d'un contexte d'injustice.
Image : Pauline Guyon/musée-du-quai-Branly
Restitutuion prévue pour la mi-novembre
D'autres pays européens se sont également engagés à restituer aux pays d'origine les œuvres d'art issues de l'injustice coloniale. L'Allemagne, par exemple, veut rendre au Nigeria les bronzes dits du Bénin à partir de 2022. En France, le président Macron signera les documents officiels de rétrocession au Bénin le 9 novembre. Les œuvres d'art devraient y arriver quelques jours après.
Image : Pauline Guyon/musée-du-quai-Branly
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Malgré les lois, les trafics existent toujours
L'historien Michel Adovi Goeh-Akué regrette pour sa part le fait que les trafics d'objets de valeur se poursuivent : "La paupérisation de nos populations conduit certaines familles, certaines ethnies à continuer de vendre les éléments du patrimoine. Les lois sur les patrimoines ont interdit aujourd'hui la vente. Mais ça se poursuit encore."
Après le Tchad, les Etats qui pourraient voir le plus d'œuvres d'art revenir chez eux sont le Cameroun avec 7.838 œuvres d'art, Madagascar avec 7.781 œuvres et enfin le Mali avec 6910 œuvres.
Précision : les biens patrimoniaux conservés par les musées de France sont inaliénables et imprescriptibles, ils ne peuvent donc pas changer de propriétaire, quelle que soit la circonstance historique de leur acquisition. C’est pourquoi, depuis le 24 décembre 2020, une loi autorise la France à restituer, à certains pays africains, certains de leurs biens culturels conservés au musée du quai Branly à Paris.