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Mali : un juge islamiste bénéficie des honneurs du pouvoir

14 novembre 2022

Un juge malien a été honoré alors qu'il est présenté comme l’un des membres importants des autorités djihadistes qui avaient gouverné Tombouctou en 2012 et réputé proche d'Al-Qaïda.

Mali | Forces de maintien de la paix de l'ONU à Tombouctou
La situation est désormais plus calme dans la région de TombouctouImage : MICHELE CATTANI/AFP/Getty Images

Le juge islamique Houka Houka Ag Alhousseini avait été arrêté janvier 2014 et remis aux autorités maliennes pour les exactions commises à Tombouctou en 2012 avant d’être libéré deux ans plus tard. Il a pourtant récemment été honoré par le gouverneur de la région de Tombouctou qui lui a délivré une "attestation de reconnaissance" pour "services rendus en faveur du retour de la paix.

Cette décision est un acte surprenant car, selon plusieurs témoins, le juge islamique Houka Houka Ag Alhousseini, réputé proche d'Al-Qaïda et influent dans la région de Tombouctou, a récemment conditionné la réouverture des écoles à une totale séparation des garçons et des filles ainsi qu’au port de vêtements conformes selon lui à l’islam.

La sécurité d'abord 

Mais de nombreuses personnes jointes par DW dans le cercle de Goundam estiment que la décision prise par le gouverneur de la région de Tombouctou, Bakoun Kanté,a pour objectif de protéger les populations dans des zones où l’autorité de l’Etat n’est plus assurée.

Adou Cissé, habitant du cercle de Goundam a dit à la DW que "Cela est dû aux conditions d'insécurité puisque l'Etat n'est pas dans la zone où il se trouve mais du moment que nous ne sommes pas dans un Etat islamique, que nous sommes dans un Etat laïc, cela va être très difficile."

Houka Houka Ag Alhousseini, libéré par les autorités maliennes le 15 août 2014, au titre de mesures dites "de confiance" prises lors de négociations entre l'Etat et certains groupes armés, collaborait jusque-là avec les autorités maliennes.

Le double personnage de Houka Houka

Mais depuis peu son attitude a changé, affirme Cheick Boubacar Doucouré, maire de la commune rurale de Télé dans le cercle de Goundam qui dit "qu'au début, il collaborait mais il commence à devenir une épine dans le pied puisque lui aussi commence à se radicaliser. Sinon c’était un homme qui travaillait avec l’administration malienne et qui essayait de respecter toutes les décisions administratives. Tout ce qui vient de la justice, tout ce qui vient de l’administration, il ne s’en mêlait pas. Il se mêlait uniquement des problèmes qui concernent le code islamique et c’est sur cette base qu’il rendait son jugement. Mais une fois que les gens venaient avec les papiers de l’administration, il ne s’en mêlait plus."

Des troupes de la mission de l'ONU au Mali patrouillent dans la ville de TombouctouImage : Nicolas Remene/Le Pictorium/IMAGO

L’attestation de reconnaissance de son action en faveur de la paix, délivrée par les autorités maliennes, est donc, dans ce contexte, difficile à comprendre. "Vous savez que le gouverneur est un politicien. Les politiciens ont un langage diplomatique qui tranche un peu avec certains principes. A mon sens, si on lui rend hommage ou on lui donne un certificat pour services rendus, cela doit être en rapport à sa position d’avant, c’est-à-dire quand il respectait toutes les décisions de l’administration. Puisqu'il permettait à celle-ci de transcender certaines situations très délicates. Mais maintenant, avec sa nouvelle prise de position, je suis un peu étonné", ajoute Cheick Boubacar Doucouré.

Sanctions internationales 

Le juge religieux Houka Houka Ag Alhousseini est cité par dans un rapport de l'Onu comme l'une des personnes relâchées par Bamako bien que "formellement accusées de faits susceptibles de constituer des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre ou d'autres graves abus des droits de l'homme". 

A ce titre, il fait l'objet de sanctions de l'Onu pour ses agissements faisant obstacle à la mise en œuvre de l'accord paix conclu en 2015 entre l'Etat malienet un certain nombre de groupes armés.