Le président gabonais est-il encore apte à gouverner malgré l'AVC dont il a été victime l'an dernier ? Une question délicate sur laquelle la Cour d'appel de Libreville doit se pencher ce lundi
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"J'exige la transparence sur la capacité du président de la République de mon pays à exercer ses fonctions" (Jean Gaspard Ntoutoume Ayi)
L'exigence de transparence du collectif "Appel à agir" s'est pour le moment heurtée à un mur. Le pouvoir gabonais refuse d'en dire plus sur l'état de santé du président Bongo. Une situation qui en rappelle beaucoup d'autres : une véritable opacité entoure ce sujet sur le continent.
Qu'il s'agisse d'Ibrahim Boubacar Keita, Paul Biya, Idriss Déby Itno ou Alassane Ouattara : aucun d'entre eux ne communique un certificat médical en cas d'ennuis de santé. Laissant ainsi la voie libre aux rumeurs. Comme par exemple avec Paul Biya : le président camerounais a en effet plusieurs fois été donné pour mort. L’on se rappelle aussi de l’opacité qui a entouré l’état de santé du président du Nigeria. En 2017, Muhammadu Buhari, âgé de 76 ans avait été hospitalisé pendant sept semaines à Londres au Royaume-Uni pour raisons médicales. Les rumeurs les plus folles ont fait état de son décès, comme ce fut le cas pour son prédécesseur Umaru Yar'Adua decedé en Arabie saoudite fin 2009.
Une situation qui irrite Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, membre fondateur du collectif« Appel à agir » et commissaire en charge du budget à l'Union nationale, un parti d'opposition au Gabon : "Si en tant que Gabonais, j'exige la transparence sur la capacité du président de la République de mon pays à exercer ses fonctions, je suis partisan de ce qu'il en soit ainsi pour tous les autres pays. Pour preuve, les Algériens l'ont exigé et ont fini par l'obtenir. Cette situation ne peut pas être acceptable et accepté par un citoyen d'un pays quel qu'il soit."
A quand la retraite ?
Ces dirigeants africains qui s'accrochent au pouvoir malgré leur grand âge. Ils sont plusieurs à multiplier les mandats à la tête de leur pays, quitte, dans certains cas, à modifier la constitution pour rester en place.
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Ces dirigeants africains accrochés au pouvoir
Ils sont plusieurs dirigeants africains à multiplier les mandats à la tête de leur pays, quitte, dans certains cas, à modifier la Constitution pour rester en place. Par ordre d'arrivée au pouvoir, revue de ces chefs d'Etat - jeunes et beaucoup moins jeunes - qui s'accrochent à leur fauteuil.
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Teodoro Obiang Nguema
Teodoro Obiang Nguema, qui fête ses 40 ans à la tête de la Guinée équatoriale samedi (03.08.2019), détient le record de longévité des chefs d'Etat en exercice sur le continent africain, à l'exclusion des monarques. Le président équato-guinéen est seulement devancé par Elizabeth II qui occupe le trône d'Angleterre depuis plus de 67 ans.
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José Eduardo Dos Santos
Agé de 69 ans, José Eduardo Dos Santos dirige l'Angola depuis 1979, soit près de 33 ans, sans avoir jamais été élu. La nouvelle Constitution de 2010 ne prévoit plus l'organisation d'élection présidentielle. Le président du parti qui remporte le plus de voix aux législatives devient automatiquement président. Dos Santos pourrait en toute légalité, rester au pouvoir encore quelques années.
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Paul Biya
Agé de 79 ans, Paul Biya dirige le Cameroun depuis près de 30 ans. Après des scrutins présidentiels critiqués pour leur manque de transparence en 1997 et 2004, Paul Biya fait modifier la Constitution en 2007 pour pouvoir briguer à nouveau la magistrature suprême. Il est réélu en 2011 alors que l'opposition crie à la fraude.
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Yoweri Museveni
Arrivé au pouvoir par les armes en 1986, le président ougandais a mis fin à une dictature pour en instaurer une autre. Proche des Etats-Unis, Yoweri Museveni dirige le pays depuis 26 ans, grâce à des modifications successives de la Constitution. La dernière a annulé la limitation du nombre de mandats, ce qui lui a permis d'être réélu en 2011, après un scrutin entaché de fraudes.
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Mswati III
Dernier monarque absolu d'Afrique, Mswati III a succédé en 1986 à son père Sobhuza II après une période de régence de quatre ans. Agé seulement de 43 ans, il gouverne son pays par décret et refuse la démocratie. Le Swaziland est l'un des pays les plus pauvres du monde, avec près de 26% de la population atteinte du sida.
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Blaise Compaoré
Âgé de 61 ans, Blaise Compaoré dirige le Burkina Faso depuis 25 ans. Arrivé au pouvoir par un coup d'Etat en 1987, il est élu une première fois en 1991, lors d'un scrutin boycotté par l'opposition. Un amendement de la Constitution lui permet d'être réélu en 2005, puis en 2010, officiellement pour un dernier mandat. Mais ses adversaires lui prêtent l'intention de se représenter en 2014.
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Robert Mugabe
Lorsqu'il devient Premier ministre en 1980, Robert Mugabe incarne l'espoir du Zimbabwe. Elu président sept ans plus tard, le "père de l'indépendance" impose un régime dictatorial et fait plonger l'ancien grenier à blé d'Afrique dans la crise alimentaire et financière. Depuis 2008, il partage le pouvoir avec son rival Morgan Tsvangirai. Le Zimbabwe attend toujours les réformes promises.
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Idriss Déby Itno
Idriss Déby Itno, né en 1952, commence sa carrière en rébellion. Fin 1990, il chasse son ancien compagnon d'armes Hissène Habré du pouvoir, avant d'être désigné président du Tchad en 1991. Il fait modifier la Constitution en 2004 pour rester en poste. Des rebelles tentent par deux fois, en 2006 et 2008, de le renverser. En vain. En 2011, il est réélu dès le premier tour pour un quatrième mandat.
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Denis Sassou Nguesso
Denis Sassou Nguesso est un cas particulier : arrivé au pouvoir en 1979 au Congo (Brazzaville), il est battu en 1992 à la première élection pluripartite du pays. De retour d’exil en 1997, il reprend le pouvoir par la force. La Constitution adoptée en 2002 limite à 70 ans l’âge requis pour être candidat à la présidentielle. Denis Sassou Nguesso, 69 ans, devrait donc céder la place en 2016.
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Constitution incomplète ?
Louis Keumayou : "il est important qu'on rassure les populations"
En réponse aux exigences du collectif"Appel à agir", Libreville affirme que la constitution gabonaise n'oblige pas le président Ali Bongo à se soumettre à une expertise médicale devant prouver son aptitude à diriger le pays. Une fausse excuse selon l'analyste politique camerounais Louis Keumayou : "Il y a beaucoup de choses que la Constitution ne dit pas. La Constitution n'est pas un document figé dans le temps. Et donc, de ce point de vue, je ne pense pas qu'il serait saugrenue aujourd'hui de se poser la question et d'avoir une réponse objective sur les facultés du président gabonais actuel à diriger son pays ou pas. Il est important qu'on rassure les populations et de ce point de vue, le contrôle et les examens des personnes qui dirigent les Etats ne seraient pas une mauvaise idée."
Laurent Monty Etoughe: "les dirigeants doivent rassurer leurs électeurs"
Rappelons que, gravement malade, l'ancien président tunisien Habib Bourguiba avait ainsi été destitué de ses fonctions pour sénilité, en 1987. Puis remplacé par celui qui était son Premier ministre, Zine el-Abidine Ben Ali. En Allemagne, les tremblements dont a été victime, à plusieurs reprises, la chancelière Angela Merkel ont suscité de nombreuses inquiétudes au sein de l'opinion. Plusieurs journaux estiment en effet que son état de santé est désormais un enjeu politique.