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La démocratie nigériane en danger ?

Katrin Gänsler et Sandrine Blanchard11 juin 2014

Les défis se multiplient pour le président Goodluck Jonathan: la secte islamiste Boko Haram dans le nord, un nouvel émir hostile nommé à Kano... et une opération de l'armée pour empêcher des journaux de paraître.

Les journalistes ont peur d'être censurés
Image : Pius Utomi Ekpei/AFP/Getty Images

La dégradation de la situation, à quelques mois de la présidentielle de 2015, et qui fait craindre à certains Nigérians pour leur démocratie.

Descentes de l'armée dans des rédactions

Les kiosques nigérians se remplissent chaque matin de dizaines de titres qui, pour certains, ne mâchent pas leurs mots. Voilà du moins comment cela se passe en temps normal. Car en ce moment, les éditorialistes n'ont pas la vie facile. Il y a quelques jours, l'armée a fouillé plusieurs quotidiens comme "Leadership" ou "The Nation". Des soldats auraient même mis à sac certains de leurs locaux. Plusieurs journaux n'ont ainsi pas pu être distribués, ce qui inquiète Garba Mohammed, président du Syndicat des journalistes nigérians:

« Pour nous, cela représente un danger pour la démocratie au Nigéria, et pour le journalisme dans notre pays. Cela instille la peur dans la profession. Nous […] estimons que l'armée doit tirer les conséquences de ses actes. »

Rien à voir avec un musèlement des rédactions, rétorque un porte-parole de l'armée. Selon lui, l'opération avait pour objectif d'empêcher la publication d'informations sensibles.

Image : AFP/Getty Images

La sécurité, un argument fallacieux

L'argument sécuritaire qui ne convainc pas Muhammad Moustapha Yahaya, directeur de l'ONG « Groupe d'action démocratique », à Kano, dans le nord :

« C'est tellement antidémocratique que c'en est décourageant. J'attends du président et des autres responsables qu'ils condamnent cette attitude. »

Mais pour l'instant, du côté des autorités, personne ne souhaite réagir.

Tensions politiques

Image : Amino Abubakar/AFP/Getty Images

A cela s'ajoute le bras de fer politique, renforcé par la nomination, à Kano, d'un émir ouvertement hostile au président : Sanoussi Lamido Sanoussi, ancien patron de la banque centrale, démis de ses fonctions en février par le président Goodluck pour détournement de fonds. Le gouverneur de l'Etat de Kano lui aussi s'est détourné du PDP, le parti du chef de l'Etat pour rejoindre les rangs de l'APC, parti d'opposition.

Ignatius Kaigama quant à lui, l'archevêque de Jos, dans l'Etat du Plateau, veut garder l'espoir que les rivalités politiques n'entacheront pas le dialogue interreligieux :

« C'est le Nigéria! … mais le nouvel émir est quelqu'un d'éclairé. Il est conscient de l'importance d'une cohabitation pacifique entre chrétiens et musulmans »

A l'heure où se prépare déjà la campagne pour la présidentielle de février 2015, la population civile serait la première victime d'un attisement, à des fins politiques, des tensions interconfessionnelles.