La mission Atalante fait toujours débat
18 mai 2012La Süddeutsche Zeitung revient notamment sur un raid qui a eu lieu mardi dernier contre une base de pirates somaliens. Pour la première fois depuis le lancement de la mission en 2008, un hélicoptère de la force européenne a visé des dépôts de carburant et des bateaux sur une plage. Précisons que l'opération n'a fait aucune victime. Le journal rappelle que jusqu'à présent, les forces internationales n'avaient agi contre les pirates que sur la mer. Mais en mars dernier, l'Union européenne a décidé de lutter plus énergiquement contre le phénomène : elle a prolongé sa mission jusqu'à décembre 2014 et elle l'a étendue. Désormais, les unités européennes ont le droit de mener des opérations sur la côte. Si personne à Bruxelles ne doute que d'autres frappes de ce genre suivront, l'utilité militaire de la mission, même élargie ne fait pas l'unanimité. Certains stratèges estiment par exemple que les pirates ne tarderont pas à transférer leurs bases dans l'arrière-pays. Or, personne au sein de l'Union européenne n'a l'intention de les suivre jusque là.
En Allemagne, la mission Atalante fait débat
La Süddeutsche Zeitung relève que la marine allemande n'a pas participé au premier raid sur terre. Le quotidien suisse de langue allemande Neue Zürcher Zeitung revient sur les raisons de ce débat. La semaine dernière, la Chambre basse du Parlement allemand a approuvé l'extension de la mission à l'issue de discussions houleuses. Le journal commente en particulier l'attitude des sociaux démocrates qui ont massivement rejeté la proposition. Curieux, lorsqu'on pense que c'est l'un des leurs qui avait fait en sorte que l'Allemagne prenne part à Atalante à ses débuts. On est tenté de croire que le SPD cherche plutôt un sujet de polémique alors qu'il est en baisse dans les intentions de vote et dans les sondages à un an des élections législatives. Pour ce qui est du bilan de la mission, die Tageszeitung a interrogé Kerstin Petretto, de l'Institut de recherche sur la paix et la politique de sécurité de l'université de Hambourg. Selon la chercheuse, l'engagement militaire ne peut être qu'une mesure provisoire. Ce qu'il faut pour combattre réellement la piraterie, c'est une coopération avec les autorités somaliennes locales. Pour l'heure, il n'en est rien si ce n'est la construction de prisons et le soutien aux tribunaux. Il faut absolument chercher le dialogue avec les Somaliens car le problème ne peut se régler sans eux, estime madame Petretto.
Trois semaines pour empêcher une catastrophe dans le Sahel
La Süddeutsche Zeitung a réalisé une interview avec Ertharin Cousin, la nouvelle chef du Programme alimentaire mondial, alors qu'elle venait juste d'effectuer son premier voyage en tant que directrice exécutive du PAM dans le Sahel. L'ancienne diplomate estime qu'il reste environ trois semaines pour empêcher que la crise alimentaire qui frappe 15 millions de personnes dans la région devienne une catastrophe. Trois semaines pour acheminer des vivres, de l'argent liquide et des bons qui permettront aux populations de tenir jusqu'aux prochaines récoltes. A la question du journaliste de savoir si la crise financière a eu une influence sur les pays donateurs, Ertharin Cousin répond avec conviction que le monde est généreux. Le budget 2011 du PAM a certes légèrement diminué mais elle assure que le programme a aussi réussi à diminuer ses coûts et qu'il a donc réussi à soutenir autant de personnes que l'année précédente. Elle admet aussi que les crises au Mali et au Nigeria rendent son travail plus difficile. En plus de l'insécurité alimentaire, le PAM doit désormais aussi venir en aide à 90.000 réfugiés en Mauritanie et au Niger.
Le "jihad africain"
Der Tagesspiegel publie cette semaine un long article intitulé "le jihad africain". Un article qui s'interroge sur la secte islamiste Boko Haram qui sévit donc justement au Nigeria. Un pays qui, depuis mi-2011, vit au rythme quasi quotidien d'attentats revendiqués par Boko Haram, un groupe créé en 2002 par Mohammed Yusuf. Un homme que les dignitaires politiques et religieux détestaient en particulier parce que lors de ses sermons, Mohammed Yusuf n'hésitait pas à citer les noms de ceux qui pillaient sans scrupule le peuple. Boko Haram en langue haoussa veut dire "l'éducation occidentale est un péché". Mais en réalité, le principal ennemi de son fondateur n'était pas l'Occident mais les élites politiques nigeriannes qui ont prouvé par leur manière de gouverner que l'éducation occidentale n'est pas utile à ceux qui ne gouvernent pas. Je dis "était" car Mohammed Yusuf a été tué en 2009 lors d'une garde à vue, sans procès. Depuis sa mort, les attaques se sont multipliées.
Qui se cache derrière Boko Haram ?
Le gouvernement nigérian ne sait toujours pas exactement à qui il a à faire. Nombreux sont ceux, y compris parmi les experts occidentaux, qui estiment que Boko Haram est lié avec le réseau terroriste Al-Qaïda, d'ailleurs la secte s'en réclame elle-même. Sans exclure l'hypothèse, Der Tagesspiegel observe que cette affirmation présente des avantages pour tous les partis et intrigue par conséquent. Al-Qaïda permet en effet à Boko Haram de se rendre intéressant, dangereux et puissant au niveau international. Le gouvernement nigérian peut, lui, transformer un problème national en une nouvelle manifestation du terrorisme international. Cela justifie au passage des demandes d'aide occidentale pour renforcer son appareil sécuritaire. L'Occident, enfin, dispose d'un solide argumentaire pour expliquer les attentats terroristes au Nigeria. Bref, tout le monde y trouve son compte. Beaucoup de Nigérians en revanche considèrent que Boko Haram est bien davantage une réaction à la marginalisation économique du Nord. Dans les 12 États qui ont introduit le droit islamique depuis 2000, plus de 80% de la population vit sous le seuil de pauvreté, écrit le journal.
Carte blanche au cinéma
C'est le quotidien Neues Deuschland qui s'interesse au film documentaire "Carte blanche" réalisé en 2011 par Heidi Specogna. La réalisatrice suisse a suivi les hommes et les femmes envoyés par la Cour pénale internationale partis en République centrafricaine, pour chercher des preuves dans le dossier Jean-Pierre Bemba. "Carte Blanche" documente toutes les enquêtes préléminaires qui ont finalement mené à la mise en accusation formelle de Jean-Pierre Bemba. C'était en 2010 à la Haye, soit deux ans après son arrestation.
Le film a déjà ceci d'interessant que la réalistarice a eu une liberté relativement importante sur le tournage même si certaines limites lui ont été imposées. Pour des raisons de sécurité, les témoins sont par exemple floutés. Mais même avec cette liberté, le documentaire ne peut au final montrer que ce qui est aussi assez facilement démontrable sur place, à savoir la pratique systématique et devant témoins de viols. Ce qui est plus compliqué en revanche, c'est montrer le lien entre le simple soldat et son chef, tout en haut de la chaîne de commandements. Voilà le véritable enjeu du procès, voilà aussi pourquoi le film porte ce titre. Plus la carte est blanche, plus il est difficile de prononcer un jugement pour des crimes spécifiques.
Auteur : Konstanze von Kotze
Édition : Fréjus Quenum