Alors que se déroule la conférence sur les investissements miniers à Lubumbashi, les grandes entreprises ont encore du mal à accepter l'augmentation des taxes prévues dans le nouveau règlement.
Image : Reuters/P. Jones
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"Les communautés locales vont tirer profit des revenus"
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En décidant de réajuster les différentes taxes à la faveur de ce nouveau code, les autorités congolaises entendent reprendre en mains un secteur minier duquel le pays ne tirerait pas suffisamment de recettes.
La République démocratique du Congo (RDC) dispose d'un sous-sol extrêmement riche avec par exemple le cuivre dans le Katanga, le diamant dans le Kasaï, l'or présent dans le Kivu et en Ituri. Mais aussi plus des deux tiers de la production mondiale de cobalt.
Le nouveau code minier prévoit une hausse générale des taxes qui passe de 2% à 3,5% des revenus, voire de 2% à 10 % pour certains minerais qualifiés de stratégiques tels que le cobalt.
Une taxe de 50% sur les revenues exceptionnels a aussi été mise en place ainsi que la suppression d'une garantie de dix ans sur les investissements réalisés.
Pour Joseph Bobia, du Réseau d'éveil et de gestion des ressources naturelles en RDC, il était temps qu'une nouvelle réglementation se mette en place.
La RDC a tout à gagner à ce nouveau règlementImage : picture-alliance/AP Phtoo/A. Sundaram
"Le processus a pris énormément de temps, tous se sont investis pour que on arrive à ce code minier. Bien qu'il ne soit pas parfait, commençons à l'appliquer, pour que chaque partie, surtout la RDC, tire son profit et les communautés locales aussi."
Les grands acteurs du secteur "peaufinent leur stratégie"
Les grandes entreprises que la DW a contactées ont toutes refusé de faire des commentaires sur le contenu de ce nouveau code, que certaines jugent pourtant difficile à digérer. Elles disent peaufiner leur stratégie pour réagir.
Mais pour la fédération congolaise de l'or et du diamant, ce nouveau code viendra rééquilibrer le partage des revenus. Son président Albert Kalondji Mulopoé explique que les grandes entreprises doivent affronter les réalités de la loi.
"Elles n'ont pas à se plaindre. Si elles veulent travailler, elles pourront gagner et faire gagner à l'État congolais pour qu'il ait les moyens pour redistribuer ce revenu à la population pour combattre la misère", affirme-t-il.
"Au lieu d'avoir toujours la main tendue, nous avons la matière première", se félicite le président de la fédération.
La prochaine étape concernera la réaction des grands groupes miniers comme l'anglo-suisse Glencore, le sud-africain Randgold ou le Canadien Ivanohe.
Si la cessation de la production semble peu envisageable au vu de l'envolée du prix des minéraux, un recours devant une juridiction internationale semble la solution la plus probable à ce stade.
Nouveau code minier en RDC: fin de l'âge d'or pour les multinationales
Le président Kabila a promulgué un nouveau code minier malgré le lobbying des sociétés minières contre la hausse des taxes et la fin d'une clause de stabilité des contrats. Voici ce qui va changer pour les opérateurs.
Image : Reuters/P. Jones
Le cobalt "substance stratégique"
Le taux de la redevance sur le cobalt, dont la RDC a fourni les deux tiers de la demande mondiale en 2017, devrait passer de 2 à 10%. Un décret du Premier ministre va vraisemblablement classer ce minerai rare, indispensable aux batteries nouvelle génération des voitures électriques, parmi les "substances stratégiques". Le cuivre est également concerné par cette hausse.
Le nouveau code prévoit aussi une rénégociation régulière des contrats et une participation d’au moins 10% des personnes physiques de nationalité congolaise dans le capital social des sociétés minières. L'ancien code de 2002, adopté en pleine guerre, visait à attirer et rassurer les investisseurs étrangers en leur accordant des droits et des facilités dans le régime fiscal.
Image : picture-alliance/dpa/J. Bätz
Des recettes substantielles pour l'État
Selon le communiqué de la présidence congolaise, le nouveau code minier doit "rapporter à l'Etat des recettes substantielles pour son développement économique et social". La moitié des recettes d’exportation sont destinées au pouvoir central, 20 % au pouvoir provincial, 15% aux entités territoriales décentralisées et 15% aux générations futures.
Image : picture-alliance/dpa/J. Bätz
Un boom qui doit profiter aux populations
Plusieurs ONG de la société civile ont fait pression sur le président Kabila pour qu'il ne cède pas face aux opérateurs miniers. Elles espèrent que le pays bénéficiera du boom minier qui se dessine. "Pour une fois, la population va pouvoir profiter des retombées de l'embellie", affirme ainsi Jérôme Sekana, président de l'ONG "Toile d'araignée" qui regroupe plusieurs journalistes économiques.
Image : Getty Images/AFP/F. Scoppa
Les prédateurs encore à l'œuvre
D'autres groupements citoyens, au contraire, pensent que les Congolais ne verront pas la couleur des recettes minières. "Les multinationales et le régime #Kabila se disputent chacun leurs intérêts, pas ceux du peuple congolais. Deux camps prédateurs se disputent le butin du #Congo!", a dénoncé par exemple le mouvement Lucha sur son compte Twitter.
Image : picture alliance/AP Photo/S. van Zuydam
La porte ouverte à la corruption
En juillet 2017, Global Witness qualifiait le secteur minier congolais de "distributeur automatique de billets" pour le régime de Joseph Kabila. Aujourd'hui, l'ONG britannique prévient qu'une "application au cas par cas de la nouvelle loi risque d'ouvrir la porte à des accords corrompus de la part de sociétés sans scrupule qui cherchent un traitement préférentiel".
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Revirement des sociétés minières
Après avoir tenté d'empêcher l'adoption du code, les sociétés minières (dont Rangold, Glencore et China Molybdenum) ont d'ailleurs changé de tactique. Elles ont fait des "propositions" au ministre des Mines et "attendent un rendez-vous" avec Martin Kwabelulu. Elles se retirent en outre de la Fédération des entreprises congolaises (FEC), qui "ne représente pas correctement leurs intérêts".