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"Le prétexte d'une répression aveugle au Burundi"

Domitille Kiramvu7 août 2015

Des Burundais ont peur de possibles massacres pour venger la mort du bras droit du président Nkurunziza, craint par tous. Écoutez ou lisez la tribune de notre consoeur et ex- correspondante au Burundi, Domitille Kiramvu.

Domitille Kiramvu
Image : DW

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"Pierre Nkurunziza président de la République du Burundi s’est adressé à la nation pour la toute première fois à la suite de l’assassinat d’un citoyen burundais. Il a fait un hommage appuyé au général Adolphe Nshimirimana, ex ADG des services des renseignements burundais, pour ses services rendus à la nation et a demandé au peuple burundais de suivre l’exemple de la sagesse, de l’amour et du patriotisme du général assassiné le dimanche 2 août.

Une bonne partie de ce message était particulièrement adressée à la population de Kamenge qui est restée calme alors que les quartiers environnants participaient aux manifestations anti-troisième mandat. Manifestations que Nkurunziza a qualifiées de mouvement insurrectionnel. Il lui a demandé de maîtriser sa colère comme le ferait le général Adolphe Nshimirimana dans cette période difficile. Bien plus, Nkurunziza a donné 7 jours aux services de sécurité pour connaître et arrêter les assassins du général. Il s’agit d’une injonction étonnante et bizarre.

Des assassinats restés impunis


Au Burundi, les enquêtes sur plusieurs dossiers d’assassinat n’ont jamais abouti. Spécialement les dossiers qui impliquaient le général assassiné. Je cite ici quelques dossiers: assassinat de l’échangeur Brown Ndarishikanye en 2006, assassinat de l’activiste anti-corruption Ernest Manirumva en 2009, massacres de Gatumba en septembre 2011, des centaines d’exécutions de militants du Fnl d’Agathon Rwasa après les élections de 2010, assassinat des trois sœurs italiennes en septembre 2014, etc...

Le délai de 7 jours donné aux services de sécurité et même pas à la justice, montre à suffisance que les assassins sont déjà désignés d’avance et pourrait devenir un prétexte pour une répression aveugle contre tout ce monde opposé au troisième mandat. Le message à la nation confirme aussi l’importance du général Nshimirimana dans le système d’un président qui semblait jusqu’ici insensible à la mort de ses citoyens.

Ernest Manirumva a été assassiné en 2009Image : DW


En mars 2009, le général de brigade Salum Ndikumana, commandant en second du contingent burundais en Somalie est mort dans un crash d’avion. Nkurunziza ne s’est même pas déplacé à l’aéroport pour accueillir sa dépouille. En septembre 2009, le général major Juvenal Niyoyunguruza commandant de l’Amisom a été assassiné par les "Al Shabbab" somaliens. Pierre Nkurunziza n’a rien dit. Il s’est montré plutôt en train de chanter dans une église le jour des obsèques du général. Nkurunziza a raconté à qui voulait le croire qu’il était en train de prier pour lui. À trois reprises, le contingent burundais en Somalie a enregistré des pertes énormes. Nkurunziza n’a jamais salué les dépouilles de ceux qu’il avait envoyés se battre pour la paix en dehors du Burundi.

La mort non élucidée d'Ernest Manirumva

En avril 2009, tout le Burundi et la communauté diplomatique ont été choqués par l’assassinat du vice-président de l’Olucom Ernest Manirumva. Une campagne vigoureuse de recherche de la vérité sur cet assassinat a duré plus de 5 ans. Nkurunziza n’a jamais prononcé le nom d'Ernest Manirumva. Des centaines de citoyens ont été exécutés de 2010 à 2013, parce qu’ils avaient eu le tort d’appartenir au Fnl d’Agathon Rwasa. Une centaine de jeunes citoyens ont été tués depuis avril 2015, juste parce qu’ils protestaient contre le troisième mandat, le président de l’UPD Zigamibanga Zed Feruzi a été assassiné. Nkurunziza est reste muet.

Juste une fois, Nkurunziza s’est déplacé sur le lieu de massacres des citoyens et a parlé. C’était en septembre 2011 à Gatumba. En une journée seulement, il connaissait les auteurs des massacres et demandait aux services de renseignements de les arrêter. Et qui étaient ces assassins pointés du doigt par le président Nkurunziza ? Ses opposants Alexis Sinduhije et Rwasa Agathon. Plus tard les enquêtes de la radio RPA ont révélé une piste menant vers Adolphe Nshimirimana. Celui-ci n’a jamais été inquiété et n’a jamais comparu en justice. Maintenant, il donne 7 jours à son armée et à sa police pour trouver les assassins. J’espère qu’on n’assistera pas à la répétition générale de pratiques déjà connues: la répression des opposants.

Qui a tué le bras droit du président?

La principale interrogation est la suivante : qui a tué cet homme qui était craint par tout le monde, y compris l’armée et la police, et le président Nkurunziza en personne? Et qu’est-ce qui va suivre cet assassinat ? L’interrogation reste. Si je ne me trompe, il va y avoir des arrestations massives, des enlèvements suivis de tortures et des tueries des opposants à Nkurunziza et à son parti.


Si c’est Nkurunziza qui l’a fait assassiner pour l’écarter un peu parce qu’il avait déjà pris trop de place dans le système, il se cassera en mille morceaux pour chercher des boucs émissaires, pour que la vérité ne soit pas découverte. Ces boucs émissaires seront arrêtés et tués. Aussi les adeptes du général ne manqueront pas de le venger. Les victimes seront donc, dans les deux cas, des gens de l’opposition, de la société civile et des frondeurs.

" Le général était craint de Pierre Nkurunziza lui-même"Image : picture-alliance/dpa/C. Karaba

Une enquête indépendante s'impose


Si ce sont les gens de l’opposition qui l’ont assassiné, la chasse à l’homme va s’accentuer. Parce qu’elle était là depuis 2010. Et ce sera toujours les membres de l’opposition et ceux de la société civile qui seront visés. Il n’y aura plus d’emprisonnements. Ils vont être tués. Purement et simplement. Quoiqu’il en soit, ça m’étonnerait que Nkurunziza ait fait assassiner le général Adolphe Nshimirimana. Mis a part qu’ii avait peur de lui, on ne peut pas couper une branche d’arbre sur laquelle on est assis. Adolphe Nshimirimana était le président de la République du Burundi. Il lui manquait seulement la signature.


Cela étant, pour éviter une hécatombe de plus au Burundi, une enquête minutieuse, indépendante, respectueuse des procédures et des garanties légales s’impose. Une enquête internationale, s’il le faut. Autrement, l’assassinat du général Adolphe Nshimirimana risque d’enfoncer le Burundi dans une crise profonde et inextricable.

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