Le Royaume-Uni face aux émeutes racistes et anti-migrants
6 août 2024Le Royaume-Uni n’avait plus connu de telles émeutes depuis 2011, suite à la mort d'un jeune homme métis alors tué par la police au nord de Londres.
Cette fois, c’est la mort de trois fillettes la semaine dernière et de fausses rumeurs sur le profil du suspect, qui ont déclenché une flambée de violences racistes et islamophobes dans le pays.
Le gouvernement a annoncé aujourd’hui la mobilisation de 6.000 policiers spécialisés et promet d’envoyer les émeutiers en prison.
Des années de rhétorique anti-migrants
La désinformation et les messages de haine qui prolifèrent sur les réseaux sociaux, la banalisation du discours d’extrême-droite dans un climat économique morose, la rhétorique anti-migrants du parti conservateur, au pouvoir pendant les 14 dernières années : ce sont autant de facteurs qui peuvent expliquer la flambée de violences qui secoue actuellement le Royaume-Uni, quatre semaines à peine après l’arrivée du parti travailliste au pouvoir.
Celui-ci dénonce le climat délétère laissé par le précédent gouvernement, lorsque l’ex Premier ministre Rishi Sunak tentait de rallier les électeurs en faisant de la lutte contre les traversées clandestines de la Manche sa priorité. Sa campagne au slogan "Stop the boats" - "Arrêtez les bateaux" - s’était notamment traduit par l’accord controversé et finalement avorté de renvoyer les migrants illégaux vers le Rwanda.
Propagation de fausses informations
Justement, des rumeurs non étayées avaient attribué l’attaque au couteau du 29 juillet qui a coûté la vie à trois fillettes à Southport, près de Liverpool, à un demandeur d’asile musulman arrivé sur un de ces bateaux par la Manche.
Des informations en partie démenties par la police, qui a précisé que le meurtrier présumé était né à Cardiff, au Pays de Galles.
Ce rappel de la vérité n’a pas empêché la poursuite des saccages d'hôtels hébergeant des demandeurs d’asile, de mosquées et de commerces gérés par des personnes de confession musulmane, les voitures incendiées. Les émeutiers sont en majorité des hommes blancs.
Plusieurs pays, dont l’Indonésie et le Nigeria, ont conseillé à leurs ressortissants vivant au Royaume-Uni de rester vigilants.
Des musulmans vivent dans la peur
Aujourd’hui, une partie de la communauté musulmane au Royaume-Uni vit dans la peur, comme en témoignent ces habitants de Londres.
"Je suis très stressé. C'est un moment très difficile. Nous n'avons jamais vu ce genre de groupes d'extrême droite être actifs contre les immigrés. Nous vivons dans la peur et l'angoisse que quelque chose puisse nous arriver", explique cet homme. Une autre Londonienne affirme se sentir menacée : "J'ai peur de sortir de chez moi. Nous, les musulmans, ne sommes pas des terroristes. C'est ce que je ressens. Nous ne sommes pas en sécurité."
Les rassemblements d’extrême droite s’organisent sur internet, par des canaux de discussion comme Telegram, et sans véritables meneurs.
Le média public britannique, la BBC, a ainsi analysé des centaines de messages sur les réseaux sociaux et des groupes de la messagerie Telegram. Conclusion : les fausses rumeurs sont diffusées par des influenceurs qui restent anonymes et ne montrent pas leur visage.
Elon Musk annonce une "guerre civile inévitable"
Selon l’ONG britannique Hope Not Hate, le manque de contrôle sur Telegram en a fait une espace d’épanouissement pour les groupes d'extrême droite. Dans une étude menée entre 2020 et 2023, Hope Not Hate a analysé 1,7 million de discussions portant sur des théories du complot au Royaume-Uni.
Si la majorité ne comporte pas d’hostilité ciblée, l'organisation a noté la présence significative et préoccupante de messages de haine, en premier lieu pour diffuser des idées antisémites, islamophobes ou anti-LGBTQ+.
Les influenceurs anonymes se voient confortés par des personnalités comme l’extrémiste de droite Tommy Robinson, un agitateur anti-musulman et qui prône la suprématie des blancs.
Tommy Robinson, dont le compte avait été suspendu sur Twitter, a été réautorisé sur la plateforme rebaptisée X, au nom de la liberté d’expression vantée par son patron, Elon Musk.
Ce dernier a d’ailleurs a commenté une publication dénonçant une immigration de masse au Royaume-Uni. "La guerre civile est inévitable", a répondu le milliardaire. Un commentaire “injustifiable” et “irresponsable”, s'insurge le gouvernement britannique.