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Les Chiliens en colère contre un système inégalitaire

21 octobre 2019

Des émeutes ont déjà fait plusieurs morts en quelques jours au Chili. Le gouvernement Piñera répond au malaise social en envoyant l'armée.

Protest in Chile
Image : picture-alliance/AP Photo/E. Felix

'Le prix du ticket de métro n'a été qu'un détonateur' (Franck Gaudichaud) - MP3-Stereo

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Ce sont des scènes d‘émeutes comme le Chili n'en avait pas vues depuis des décennies. Au moins onze personnes ont été tuées en trois jours de protestation. Des manifestations qui dérapent, des aéroports quasi bloqués, des magasins pillés… en réponse, le président Sebastian Piñera a élargi l'état d'urgence à plusieurs provinces du pays. 

>>> Ecoutez l'analyse de Franck Gaudichaud en cliquant sur l'image ci-dessus. Il est enseignant à l'Université Toulouse 2 Jean Jaurès et spécialiste du Chili et des mouvements sociaux en Amérique latine*. 


Tout est parti, vendredi 18 octobre, de l'annonce de la hausse du prix des transports, la deuxième depuis le début de l'année. Des protestataires en colère appellent alors à prendre les trains sans billet valide. D'autres dégradent plusieurs stations de métro, en incendient certaines.

Manifestation à Osorno, dans le sud du pays (région de Los Lagos)Image : picture-alliance/NurPhoto/F. Lavoz

Ces actes de vandalisme ne plaisent pas à tout le monde. Antonio Valladares et Gladys Zuniga font partie des habitants de Santiago volontaires pour déblayer et éteindre les feux. 

"Ils disent qu'ils sont mécontents, mais on est tous mécontent ! Et ça, c'est pas des façons. A mon avis, les gens qui mettent le feu ne sont pas vraiment ceux qui sont affectés par ce qui se passe", s'énerve Antonio.

Gladys, elle, regrette la violence employée. "Ça aurait pu être bien si tout le monde était sorti en tapant sur des casseroles pour protester, mais faire ça?  On n'a jamais touché au métro, même quand il y avait des conflits sous la dictature de Pinochet. Parce que les gens savaient que le métro, il est à nous tous."

Une station de métro incendiée, le 19 octobre, à SantiagoImage : AFP/J. Torrest

Le métro comme symbole

En fin de semaine dernière, les autorités bouclent l'ensemble des stations de Santiago. Le président Sebastian Piñera décrète l'état d'urgence dans la capitale et confie la protection de la population à un militaire, le général Javier Iturriaga. Celui-ci instaure un couvre-feu total dans la capitale à partir de dimanche matin.

L'état d'urgence est étendu ensuite à plusieurs autres régions du pays, gagnées par la contestation. Le président Piñera déclare, encadré de généraux: "Nous sommes en guerre  contre un ennemi puissant et implacable qui ne respecte rien ni personne et qui n'a de limites ni dans la violence et ni dans le crime."

Un malaise social profond

Les revendications des Chiliens vont au-delà des prix du transport. Ils critiquent la privatisation de fait des secteurs de la santé et de l'éducation, la chute des pensions de retraite. Ils réclament une meilleure répartition des richesses, dans leur pays qui est celui au plus fort PIB et la meilleure prévision de croissance d'Amérique du Sud. L'oasis de prospérité dépeint il y a peu encore par le président s'avère être un mirage inégalitaire.

Les chars dans les rues de Santiago ravivent de mauvais souvenirsImage : picture-alliance/AP Photo/L. Hidalgo

Répression sans ménagement

Plusieurs manifestants sont morts dans la répression de ce mouvement social, dans les incendies, les pillages. Plus de 1460 personnes ont été arrêtées à travers le pays, d'après les autorités. Près de 10 000 membres des forces de l'ordre patrouillent dans la capitale.

Au vu de la gravité de la situation, les footballeurs internationaux chiliens s'en mêlent aussi. Plusieurs d'entre eux, comme Claudio Bravo (capitaine de l'équipe nationale chilienne et gardien remplaçant de Manchester-City), Gary Medel (vainqueur de la Copa América 2014 et 2015) ou encore Arturo Vidal (FC Barcelone), appellent les dirigeants à écouter le peuple" et leur réclament de trouver des solutions pour régler rapidement la crise de façon pacifique.

Le déploiement d'une telle force militaire pour réprimer les émeutes rappelle en effet les heures de la dictature à certains Chiliens, celle d'Augusto Pinochet qui les a terrorisés entre 1974 et 1990. D'ailleurs, des manifestants s'en sont pris aussi aux locaux du plus grand quotidien chilien, El Mercurio, réputé soutenir à l'époque le régime militaire de Pinochet.

*Franck Gaudichaud a coordonné "Gouverner et résister dans une société néolibérale", paru en 2016 aux Editions de L'Harmattan.

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