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Les défis qui se présentent au Burundi

Domitille Kiramvu30 juillet 2015

Spéculations, conjectures, supputations, ébauches de solutions tiennent le haut du pavé de toutes les conversations au Burundi. Une tribune de Domitille Kiramvu, journaliste burundaise en exil.

Domitille Kiramvu
Image : DW

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Malgré le désaveu, les protestations et la condamnation unanimes d’une partie importante des burundais et de la communauté internationale sur la candidature de NkurunzizaPierre au 3è mandat, les élections à cette fin viennent d’être organisées à la hussarde dans un climat de fortes tensions et de violations des droits de l’homme. Ce passage en force oblige les tenants du refus (opposition politique, organisations de la société civile et des droits de l’homme, communauté internationale, …) à passer sous les fourches caudines, pour envisager une issue salvatrice. Spéculations, conjectures, supputations, ébauches de solutions tiennent le haut du pavé de toutes les conversations : acteurs politiques éclairés, profanes et protagonistes de tous bords s’interrogent sur l’issue d’une telle situation et le moins que l’on puisse dire est que le consensus, et encore moins l’unanimité, sont loin d’être dégagés. A cela s’ajoutent les atermoiements d’une médiation qui a démarré sur des chapeaux de roue, mais qui s’est heurtée à la fourberie d’un gouvernement dont le souci est tout, sauf les supplications et les pleurs d’un peuple qui ne sait à quel saint se vouer ! Cette médiation en perte de vitesse pour ne pas dire à l’agonie, reste médusée et hésitante, ne parvient pas à se dégager de ce panier de crabes pour se mettre au-dessus de la mêlée afin de jouer son rôle de catalyseur de l’émergence de solutions.

Face à cet embrouillamini, tel dans le radeau de la méduse ou dans l’arche de Noé, c’est le sauve-qui-peut, des fuites en solo, des alliances qui se nouent et se dénouent au gré de la direction du vent ou de la force des acteurs en présence. Des solutions les unes plus éphémères, plus surréalistes, idéalistes et audacieuses que les autres sont suggérées toutes les minutes mais aucune n’emporte l’adhésion des uns et des autres. La constante reste toujours la lancinante question : que de sang versé, que de morts, que d’emprisonnements, que de citoyens innocents déversés sur les chemins incertains de l’exil, que d’intimidations, que d’humiliations, que de privations ? Tout cela pour en en arriver et en rester là ? A qui la faute ? La déloyauté de l’adversaire ou l’impéritie des contestataires, toutes catégories confondues ? Les règlements de compte se profilent à l’horizon avec un comportement tantôt accusateur, tantôt auto défensif et adamique du pécheur pris en flagrant délit.

Un gouvernement de transition, d’union nationale, un conseil pour le respect des accords d’Arusha et de l’Etat de Droit au Burundi ? Une lutte armée jusqu’au finish ? Un coup d’Etat ? La poursuite des négociations (par qui ? pour quoi ? Avec quel médiateur et quelle forme ?). Des sanctions internationales ciblées ou de tous ordres pour asphyxier et ramener à la raison l’arrogante mafia au pouvoir à Bujumbura.

Toutes ces solutions ont en commun deux éléments essentiels. D’une part l’agacement face à l’humiliante et infamante violation de la légalité constitutionnelle par ceux-là même censés en assurer le strict respect. D’autre part l’absence d’un leadership monolithique, capable de fédérer, coordonner, canaliser les différentes initiatives, actions et faire entendre d’une seule voix les objectifs poursuivis, leur matérialisation, voire même le chronogramme des actions. Ce dernier aspect constitue un boulet aux pieds des victimes du pouvoir et Dieu seul sait qu’ils sont nombreux, un handicap d’autant dommageable que le pouvoir en profite pour tirer les ficelles au profit de la désagrégation et des ralliements contre nature.

Dans un tel contexte de désorganisation, chacun se croit investi du rôle sacré de meneur de jeu. Les anciens collaborateurs du régime, ayant activement participé à la conception et l’érection du système nauséabond, tout aussi comptables de la déliquescence de l’Etat que ceux qu’ils prétendent combattre, dans leur dessein qui cache mal leur volonté de régler leurs comptes à ceux qui ont occasionné leur déchéance, se maquillent spontanément de la crème de la virginité politique et se font passer pour des censeurs, les faucons devenant des colombes.

Des retraités politiques en mal de visibilité nous rappellent au bon souvenir des hauts faits qu’ils ont imprimés à leur passage au sommet de l’Etat, oubliant du coup qu’ils ont été aussi vomis par le peuple du fait de leur dérive autoritaire et leurs orientations liberticides.

De jeunes loups, des néophytes de tout acabit s’en prennent aux dinosaures et nous font miroiterdes heures de gloire, une fois leur proposition agréée. Voilà l’image peu idyllique et pitoyable que présentent les tenants du changement au Burundi !

Osons espérer que le temps aidant, le réalisme politique prendra le pas sur les ego, les fourbes et mesquines spéculations des uns et des autres, pour imposer une stature et une posture dignes d’homme d’Etat.