Les Kurdes de Turquie en colère
28 décembre 2012 C'est dans une ambiance tendue que des milliers de personnes se sont réunies en début de matinée à Ankara, la capitale (photo), et également dans les villages d'Ortasu et de Gülyazi, situés à la frontière irakienne. Sur les maisons de cette bourgade accrochée aux montagnes, ont été déployées des drapeaux noirs en signe de deuil. Aucun représentant de l'armée ni de l'Etat n'est présent ce matin. L'ambiance est lourde et potentiellement explosive.
Dans ce village kurde, la population commémore ce vendredi la mort de 34 des leurs, 34 civils dont 17 mineurs, qui ont été tués lors d'un bombardement de l'aviation turque, il y a tout juste un an. Ces civils avaient été pris pour cible alors qu'ils revenaient du Nord de l'Irak où ils avaient chargé leurs mules de produits de contrebande : sucre, thé et essence.
Une affaire entourée de mystères
Ce massacre a créé à l'époque un tollé auprès de l'opinion publique et notamment auprès des 20 millions de Kurdes du pays. Jusqu'ici, aucune excuse officielle n'a été présentée par l'Etat. Et si des compensations financières ont bel et bien été proposées, les familles des victimes ont refusé de les encaisser tant que la vérité ne sera pas faite sur cette bavure de l'armée turque.
En un an, aucune conclusion officilelle n'a été tirée sur cette affaire : qui a donné l'ordre de tirer sur ces civils ? Est-ce l'arnée ou le gouvernement ? Est-ce une erreur de jugement ou un bombardement volontaire ? Ces civils ont-ils été pris pour des combattants kurdes du PKK, cette organisation armée qui lutte contre Ankara depuis trois décennies ? Pour l'instant, aucun responsable n'a été identifié ni mis en cause.
Situation explosive
Ce massacre, l'absence de réponse et de justice ont mis le feu aux poudres dans cette région et auprès de la population kurde de Turquie. La défiance envers les autorités est généralisée et la désillusion totale envers un gouvernement qui entre 2005 et 2009 avait pourtant donné des signes très prometteurs pour tenter de résoudre la question kurde. Une question qui empoisonne la vie politique du pays depuis 30 ans.
Ce massacre d'Uludere a inauguré une année 2012 particulièrement violente avec des affrontements très meurtiers entre le PKK et l'armée. Une année durant laquelle de nombreux sympathisants kurdes ont été arrêtés, sans parler des grèves de la faim menées par des détenus kurdes qui ont fait monter la tension cet automne. Si jamais l'année 2013 n'apportait pas de de réponses satisfaisante sur ce massacre d'Uludere, on peut craindre que la tension et les violences vécues en 2012 se poursuivent dans le sud est du pays.