Les maux tabous des immigrés
29 décembre 2010Pour Moustapha, tout a commencé avec son divorce, il y a trois ans. Cette épreuve douloureuse, associée à des problèmes de santé, a plongé le Germano-Marocain dans la dépression :
« J'avais du mal à me concentrer, tout me semblait insurmontable. Je préférais rester à la maison sans voir personne. Puis j'ai commencé à ne plus aller à mon travail, sans excuse. J'avais encore un emploi à l'époque. Je n'arrivais à parler à personne de mes problèmes. Finalement j'ai réussi à raconter à de bons amis turcs ce qui m'arrivait. »
C'est grâce à ses amis que Moustapha a découvert le service du docteur Michael Schott à l'hôpital Sainte-Marie de Duisbourg, un service spécialisé dans l'aide psychologique aux personnes d'origine immigrée. Les besoins sont manifestement considérables : trois mois après sa création en 2007, le dispensaire comptait déjà 500 noms sur sa liste d'attente. Ce qui n'étonne pas Michael Schott :
« Chez les migrants, on constate souvent que les affections psychiques sont juste un symptôme de plus larges difficultés et problèmes de nature sociale. Il y a des sujets tabous dont on ne peut pas parler directement, et c'est le cas de la dépression. »
Moustapha a, lui aussi, eu du mal à accepter sa dépression. Dans les cercles culturels orientaux, explique-t-il, on a vite fait d'être considéré comme un "fou" si on montre des faiblesses psychiques. Au dispensaire du Dr. Schott, il a trouvé le réconfort qu'il cherchait : contrairement aux services de psychatrie classiques, où l'on soigne uniquement la maladie et ses symptômes, l'individu et son origine culturelle y sont au premier plan. Michael Schott :
« Une maladie n'a pas de culture et le fait que nous nous concentrions sur la personne lui donne l'impression d'être entendue dans sa particularité culturelle. »
Actuellement, l'équipe du Dr. Schott traite près de 400 patients par trimestre, dont environ 85% d'origine turque. Les femmes semblent avoir moins de difficultés à franchir la porte du dispensaire puisqu'elles représentent 70% des patients. Moustapha, lui, a eu besoin de quelques séances seulement. Aujourd'hui, à 37 ans, il vient de déménager dans un appartement fraîchement rénové et va bientôt commencer une formation de peintre en bâtiment.
Un récent rapport d'un groupe de travail sur les risques psychosociaux a mis en relief les déficits en matière de soins psychiques pour les migrants en Allemagne. Outre la barrière linguistique, de nombreuses personnes d'origine étrangère ont souvent du mal à s'orienter dans le système de santé allemand.
Auteurs : Ulrike Hummel / Anne Le Touzé
Edition : Sébastien Martineau