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Les militaires impuissants contre Boko Haram

Marie-Ange Pioerron23 mai 2014

Le principal sujet reste inchangé par rapport à la semaine passée. Le Nigeria, avec les attaques repétées de Boko Haram, domine toujours l'actualité africaine dans les médias allemands.

Chris Olukolade, porte-parole de l'armée nigériane
Chris Olukolade, porte-parole de l'armée nigérianeImage : picture alliance/AP Photo

Après le sommet du samedi 17 mai à Paris, qui a réuni des chefs d'État de la région autour des présidents français et nigérian, la Frankfurter Allgemeine Zeitung a choisi ce titre "Déclaration de guerre à Boko Haram" , tandis que la Berliner Zeitung écrit que les pays riverains du Nigeria déclarent la guerre aux islamistes. Mais, souligne le journal dans un autre article, sur place l'armée nigériane est impuissante contre les combattants de Boko Haram. Les experts s'interrogent: pourquoi les 130 000 soldats des forces armées nigérianes ne peuvent-ils neutraliser les quelques milliers de combattants de Boko Haram. L'armée nigériane, après des missions réussies en Sierra Leone et au Liberia, avait pourtant une excellente réputation. De plus pendant la majeure partie des 50 années de son histoire, l'Etat nigérian a été dirigé par des militaires, ce qui laisse supposer que les généraux ont leurs troupes bien en main. Mais la hiérarchie militaire, par crainte d'un contre coup d'État, a toujours préfére maintenir les troupes dans un état de faiblesse. A quoi il faut ajouter, poursuit le journal, que l'armée a dû s'acquitter jusqu'à présent d'autres tâches. Elle était occupée soit à des missions de paix dans les pays voisins, soit à la lutte contre les troubles dans le delta du Niger. Bref, l'armée nigériane est mal équipée, et peu motivée.

Attentat à Jos le 20.05.2014Image : picture-alliance/dpa

Le Tagesspiegel de Berlin relève que l'énorme force de destruction des bombes utilisées lors des derniers attentats à Jos est un indice supplémentaire des capacités de Boko Haram, la secte étant de nouveau en mesure de construire et de mettre à feu des engins explosifs complexes. De plus en plus d'experts, note encore le journal, présument qu'il existe une collaboration secrète entre d'une part des éléments de la caste politique et de l'armée, de l'autre les terroristes islamistes. Avec le nouvel attentat à Jos, Boko Haram veut aussi montrer que le terrain d'opération des islamistes va bien au-delà de leurs anciens fiefs dans le nord-est du Nigeria. La ville de Jos et l'Etat du Plateau - dans le centre du pays - pourraient devenir un nouveau front.

Goodluck Jonathan et Angela Merkel à Bruxelles en avril 2014Image : Reuters

Nouvelle politique africaine de l'Allemagne

On ne s'écarte pas vraiment du Nigeria avec les articles que consacre la presse allemande à la future politique africaine de l'Allemagne telle qu'elle est définie dans un document de 15 pages adopté mercredi dernier par le gouvernement. Le hasard aura voulu, lit-on dans die tageszeitung, que l'Allemagne adopte un nouveau concept pour l'Afrique au moment même où Boko Haram fait régner la terreur au Nigeria. Le fait est, note le journal, que l'Allemagne mise beaucoup plus aujourd'hui sur le militaire que sous le gouvernement précédent, lorsque le ministre des affaires étrangères s'appelait Guido Westerwelle. Et pourtant tout le monde sait que l'Allemagne ne bougera pas le petit doigt contre Boko Haram. L'Allemagne est synonyme au Nigeria d'entreprises de BTP, de machines et de voitures. C'est un pays dans lequel des responsables politiques nigérians viennent se faire soigner quand ils ne veulent pas que cela se sache. Que fera donc l'Allemagne? Doit-elle faire quelque chose? Il n'y a à cette question aucune réponse claire. Le plus grand pays d'Afrique se dirige vers un conflit à côté duquel l'horreur en Centrafrique est un jeu d'enfant. Cela en dit plus, estime le journal, sur le rôle de l'Allemagne en Afrique que tous les concepts.

Enfants ghanéens agitant des drapeaux allemandsImage : picture-alliance/dpa

A l'inverse de la tageszeitung, le Tagesspiegel de Berlin est d'avis que l'Allemagne - conformément à sa tradition - mise plus sur le civil que sur le militaire. Pas question d'un envoi accru de casques bleus allemands en Afrique. L'engagement allemand est avant tout d'ordre civil. Il s'agit d'encourager l'agriculture, la formation professionnelle, la recherche, et de rendre l'Afrique plus attrayante pour les firmes allemandes. Pour ce qui est de ses priorités régionales, poursuit le journal, l'Allemagne veut se concentrer sur le Mali et le Sahel. Elle veut aider à la reconstruction économique dans la région des Grands Lacs et assainir le traitement des "minerais du sang" qui dans l'est de la République démocratique du Congo surtout ont engendré une instabilité chronique. Mais la Monusco, la mission de l'ONU présente sur place, ne devrait pas pouvoir compter sur un accroissement de l'appui allemand.

Drapeau de l'Azawad à Kidal en juillet 2013Image : Kenzo Tribouillard/AFP/Getty Images

Mali: un piège pour l'UE

L'Allemagne a peut-être l'intention de centrer son action sur un pays comme le Mali, mais la presse allemande, elle, est restée assez discrète sur les affrontememnts de cette semaine à Kidal, avec débandade de l'armée malienne et prise de contrôle de la ville par le MNLA - l'une des rébellions touareg. Quel drôle de cadeau d'anniversaire, écrit die Tageszeitung, pour la mission européenne de formation militaire, qui est entrée le 15 mai dans sa deuxième année. Si plus rien ne va pour l'armée malienne dans le nord du Mali, cela ne tient certainement pas à la mauvaise qualité des programmes de formation. Les problèmes au Mali sont politiques. Il n'y a toujours aucun processus de réconciliation réussi entre le gouvernement malien et les sécessionistes touaregs. Un gouvernement qui mise seulement sur de meilleurs soldats sans faire une meilleure politique n'apportera jamais la paix au Mali. En limitant son action à la formation militaire, l'Union européenne se fait l'otage d'un échec politique.

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