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Les partis politiques dissous, où va le Mali ?

14 mai 2025

Pour le sociologue Mohamed Amara, la dissolution des partis politiques fragilise le Mali qui a besoin d'unité pour faire face à la situation sécuritaire.

Bamako 2023 | Assimi Goita chef de la transition, le 22 septembre lors du référendum sur la constitution
Pour de nombreux observateurs, les militaires sont décidés à conserver le pouvoirImage : AP Photo/picture alliance

Les militaires au pouvoir à Bamako, ont dissous mardi (13.05.2025), les "partis politiques et les organisations à caractère politique", selon un décret présidentiel lu à la télévision publique, une décision redoutée depuis plusieurs semaines par l'opposition.

Ce que pensent les Maliens de l'interdiction des partis politiques - la correspondance de Mahamadou Kane

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La dissolution des partis survient après l'organisation par ces derniers d'une manifestation ayant réuni plusieurs centaines de personnes, le 3 mai, à Bamako pour dénoncer cette éventualité, dans un rare acte de défiance vis-à-vis des militaires. Il existe à ce jour environ 300 partis politiques recensés au Mali

Mohamed Amara est sociologue malien, joint par la DW, il analyse ici cette dissolution des partis partis politiques.

Retranscription de l'interview :

Mohamed Amara : D'un point de vue factuel, c’est, pour les autorités, une manière de remettre de l'ordre dans le paysage politique malien alors que de l'autre côté, c'est à dire du point de vue des partis politiques, c'est plutôt une manière de les faire taire et de les mettre à l'écart de toute gestion du pouvoir.

DW : Pour les autorités maliennes de transition, il s'agit de mettre de l'ordre au niveau des partis politiques, ces autorités disent qu'il y a trop de partis politiques et qu'il faut mettre de l'ordre. Est-ce que c'est un argument qui ne tient pas ?

C'est un argument qui peut s'expliquer, se comprendre de leur point de vue. Mais si on prend du recul, si on essaye d'être objectif, quand on regarde l'histoire sociopolitique du Mali, quand on regarde les différents pouvoirs, qu'il s'agisse des pouvoirs civils ou militaires, démocratiques ou militaires, il y a toujours une possibilité de trouver un terrain d'entente pour se parler et se comprendre lorsqu'il s'agit de faire une réforme. On peut effectivement remettre de l'ordre dans le paysage politique en s'appuyant sur les différentes institutions.

Par exemple, la Cour suprême effectue un travail annuel qui est un travail d'évaluation des partis, des comptes etc. Et ce travail-là pourrait servir à remettre de l'ordre sans passer par la dissolution ou la suspension. Et dernier élément important par rapport à cette dissolution, je pense que d'un point de vue dialogue, il aurait été préférable de se retrouver avec l'ensemble des acteurs sociopolitiques maliens pour trouver un terrain d'entente. La possibilité de se parler, d'échanger, permettrait de désamorcer des crises parce que le risque de cette dissolution aujourd'hui, c’est l’ouverture d'une nouvelle crise politique qui va certainement bénéficier aux groupes narcoterroristes qui évoluent dans le Sahel, notamment dans la zone des trois frontières.

DW : Peut-on dire qu'avec la dissolution des partis politiques, c'est la fin du multipartisme et c'est aussi la fin même du mouvement démocratique au Mali ?

"Le multipartisme est inscrit dans la Constitution", Mohamed Amara (Sociologue)

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Je le pense moins. C'est une question à la fois juridique et sociologique. Le multipartisme est inscrit dans la Constitution malienne, même celle de 2023 qui le consacre très clairement. Cela signifie par ailleurs que le Mali est aussi un pays de résistance. Il ne faut pas oublier cela. Vous savez par le passé, on a connu le régime de Moussa Traoré, 23 ans de règne, où il y avait qu'un parti unique. Et cela n'a pas empêché les Maliens de résister avec différentes formes de résistance. Pour en tout cas revenir dans un régime constitutionnel, dans une autre constitution démocratique qui a abouti à la chute du régime en mars 1991. Je ferai l'hypothèse que cette dissolution ne consacrerait pas la fin du multipartisme ni la fin de la démocratie au regard de l'histoire sociopolitique du Mali.

DW : Donc pour vous, une résistance va se mettre en place pour contrer cette dissolution ?

Les acteurs politiques, associatifs, voire syndicaux et même pour le régime de transition actuelle, tout le monde a intérêt à ce qu’il y ait un rassemblement, une unité entre les Maliens, pour éviter que la crise sécuritaire, la crise même entre le Mali et d'autres pays comme l'Algérie, ne profite aux ennemis du Mali. D'où l'importance de trouver un terrain d'entente et résister ne veut pas dire simplement se mettre à l'écart, mais c’est aussi trouver un terrain d'entente, se parler et faire en sorte que le Mali ne devienne pas le pays qui fait la Une, mais pas dans le bon sens des choses.

DW : Pour certains, les militaires vont mettre en place une nouvelle charte des partis politiques et favoriseront la création de partis qui leur seraient favorables.

C'est ce qui est sous-entendu, mais moi je reste plutôt sur les faits, Ce que je peux dire, c'est que si demain, il y a ce que vous dites, c'est à dire la mise en place de nouveaux partis, d'une nouvelle charte des partis politiques qui ne conviendrait qu’aux autorités de la transition, la conséquence première, ce serait encore l'aggravation des tensions sociopolitiques. Et cela ne profitera à personne aujourd'hui au Mali, quand on regarde la situation du pays, la situation géopolitique, mais aussi la situation sécuritaire.