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ReligionsBosnie-Herzégovine

Les racines de l'islam en Europe

28 août 2024

Alors l'extrême-droite en Europe pratique régulièrement une rhétorique islamophobe, l'islam est présent sur le continent depuis plus d'un millénaire.

Vue sur la mosquée Hajji-Alija
La mosquée Hajji-Alija dans le village de Pocitelj en Bosnie date du 14è siècle.Image : GTW/imageBROKER/picture alliance

En Allemagne se jouent le week-end prochain deux élections régionales dans l’est du pays. Et que ce soit en Thuringe ou en Saxe, l’extrême droite est en tête des sondages. En Thuringe, le parti AfD est même donné gagnant, avec à sa tête Björn Höcke, l’un des leaders les plus radicaux du parti.  

Celui-ci dénonce non seulement l’immigration, mais aussi l’islam. Il y a quelques années, Björn Höcke avait déclaré que les minarets et l’islam devaient s’arrêter au Bosphore, donc à la frontière de l’Europe.  

Des déclarations islamophobes qui sont loin de la réalité historique du continent européen, où les musulmans, les chrétiens et les juifs vivent ensemble depuis des siècles. 

Ainsi, au Moyen Age, l'Andalousie espagnole a longtemps été sous influence musulmane. Mais surtout, la religion et la culture de l'islam ont eu une influence significative sur les pays du sud-est de l'Europe.  

La diffusion de l’Islam sous l’Empire ottoman   

Cette identité fait partie de l'Europe de la même manière que le christianisme et le judaïsme font partie des sociétés du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord. 

C'est particulièrement évident dans les Balkans, où l'islam est arrivé avec l'expansion de l'Empire ottoman après 1453. En Bosnie-Herzégovine, au Kosovo et en Albanie, les musulmans constituent la majorité de la population, tandis qu'en Macédoine du Nord, les Albanais musulmans représentent environ un tiers de la population. De nombreux Roms d'Europe du Sud-Est sont également musulmans.  

La diffusion de l'islam dans les Balkans a été un processus historique complexe. Il ne s'agissait pas d'une avancée rapide et violente, mais essentiellement d'une évolution progressive qui a pris entre 100 et 150 ans.  

La préoccupation des Ottomans n’était pas leur expansion religieuse, mais l’appropriation des ressources naturelles et les gains économiques, explique Gudrun Krämer, professeure émérite d'études islamiques à l'Université libre de Berlin, dans son ouvrage de référence "Histoire de l'islam".  

Les nouveaux dirigeants s'intéressaient à la terre et aux riches gisements d'or et d'argent pour fabriquer leur monnaie. Les conflits tournaient alors moins autour de questions religieuses que de la lutte des peuples conquis pour l'indépendance et la préservation de leur identité culturelle.  

L'Alhambra de Grenade, en Espagne, témoigne du passé islamique de l'AndalousieImage : Pedro Salaverria/Colourbox

Le récit des nationalistes  

La façon dont ce passé est considéré est aujourd'hui encore au cœur de la coexistence des groupes religieux et ethniques dans les Balkans. Les milieux nationalistes de la région considèrent en effet la diffusion de l’islam comme faisant partie d'une stratégie de domination politique.    

Toutefois, l’historien et spécialiste de la région, Mehmet Hacisalihoglu, note aussi le développement d’une image plus réaliste de l'Empire ottoman et de la propagation de l'islam.  

En se penchant sur le matériel pédagogique des écoles de Macédoine du Nord, il a observé que "les manuels scolaires en Macédoine du Nord et aussi en Serbie représentent ce processus d'islamisation avec plus de fidélité aujourd'hui que par le passé".  

Ainsi, en Macédoine du Nord, l'Etat a promis, en 2001, dans un accord sur les droits des minorités, de présenter de manière fidèle l'histoire du pays, de la minorité musulmane, et de s'abstenir de toute exagération nationaliste.  

Comment les religieux interagissent avec la politique

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Diversité religieuse  

La période ottomane dans les Balkans était caractérisée par la diversité religieuse : les chrétiens catholiques et orthodoxes, les musulmans sunnites et les juifs, vivaient côte à côte ensemble dans les villes.  

Le système du Millet, qui protégeait les minorités confessionnelles, a permis une "vie indépendante et autonome" pour toutes les religions, souligne Mehmet Hacisalihoglu.  

Bien que les zones d'habitation soient généralement séparées, les gens se réunissaient sur la place du marché. Il n'y avait souvent qu'une centaine de mètres entre l'église, la synagogue et la mosquée, comme on peut encore le voir aujourd'hui dans la capitale bulgare, Sofia, par exemple.  

"Les non-musulmans reconnus comme monothéistes ont continué à jouir d'un haut degré d'autonomie au sein d'un ordre hiérarchique dominé par les musulmans sunnites", écrit Gudrun Krämer.  

En 1878, l'Autriche a occupé la Bosnie et a officiellement reconnu les musulmans en tant que communauté. Les Habsbourg ont fondé la Communauté islamique de Bosnie en tant qu'organisation de musulmans et ont introduit le bureau du grand Mufti, qui est encore aujourd'hui le plus haut représentant des musulmans de Bosnie.  

Prière à la mosquée Gazi-Husrev-Beg de Sarajevo à la fin du mois de Ramadan en avril 2024Image : Armin Durgut/PIXSELL/DeFodi Images/picture alliance

Bosnie : l'islam dans un Etat laïc  

Depuis lors, un islam ayant une longue expérience de la cohabitation avec d'autres religions et ethnies dans un Etat laïc a pu ainsi s'établir dans l’actuelle Bosnie-Herzégovine, où la communauté musulmane a une approche libérale des thèmes de société.  

Par la suite, l'effondrement de la Yougoslavie et la guerre de Bosnie ont dessiné des frontières plus nettes entre les groupes ethniques et les religions, Constitutionnellement, l'Etat et la religion sont séparés dans tous les pays des Balkans. Mais la religion est devenue un facteur politique pendant la guerre et un facteur plus fort dans la formation de l'identité.  

L’image de l’envahisseur ottoman  

Si dans le sud-est du continent, les musulmans, les chrétiens et les juifs vivent ensemble depuis des siècles, les musulmans des Balkans ne sont toutefois pas considérés comme étant pleinement des Européens, estime l'auteur britannico-pakistanais Tharik Hussain, qui explique ce manque de reconnaissance par la domination ottomane.  

"Les Ottomans étaient considérés comme des ennemis de l'Europe chrétienne occidentale, d'où l'identité européenne moderne a émergé, explique-t-il. Cette identité comporte aussi une attitude islamophobe, elle fait partie de l'ADN de l'Europe", malgré la longue histoire de l'islam dans les Balkans.