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Les raisons de la montée de la xénophobie en Afrique du Sud

4 septembre 2019

Après trois jours de violences, le calme est revenu à Johannesburg. La situation économique exacerbe les tensions.

Südafrika, Johannesburg: Ausschreitungen in Malvern
Image : Getty Images/AFP/M. Spatari

"Les inégalités sont criantes" (Achille Mbembe)

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L'Afrique du Sud, qui se dispute avec le Nigeria le titre de première puissance économique du continent, traverse une période de crise avec une croissance quasiment nulle.

Le pays a échappé de peu à la récession au second trimestre de cette année.

Par ailleurs, le chômage frôle les 30%. Conséquence : la colère gronde contre les étrangers africains qui sont venus travailler dans le pays. Ceux-ci sont accusés de s’accaparer les emplois.

Selon Achille Mbembe, historien et politologue camerounais, "les investissements étrangers directs ont dépéri, la monnaie flotte. Les inégalités sont absolument criantes. L’Afrique du Sud est très loin d’être un modèle du point de vue de la gestion économique. C’est peut-être l’une des causes des frustrations qui sont mal dirigées."

L’universitaire Camerounais Achille MbembeImage : Stephan Brendgen

Mauvaise gouvernance économique et politique

Selon David Zoumenou, chercheur principal à l'Institut d'études de sécurité (ISS) de Pretoria, l’absence de politique économique et sociale cohérente est également à l’origine de cette explosion sociale. Sans oublier  la corruption de l’élite sud-africaine qui s’est accaparé les richesses du pays.

Une vue de Soweto, la banlieue noire située à une vingtaine de kilomètres de Johannesburg.Image : wikipedia/Matt-80

"Très peu de richesses ont été allouées à la réponse aux besoins sociaux énormes dans les Township à Soweto, Alexandra, au Cap. Il y  a aussi certains Africains qui ont  transformé des quartiers africains entiers en lieux de proxénétisme, de distribution de drogues, de production de fausse monnaie. Les autres Sud-Africains voient cela d’un très mauvais œil et réagissent de cette manière-là", réagit pour sa part le politologue congolais Hubert Kabasu Babu.

Cette chasse aux ressortissants africains vivants en Afrique du Sud a poussé le Nigeria à renforcer la sécurité autour des enseignes sud-africaines sur sol pour éviter des actes de représailles.

Le géant sud-africain MTN, leader des télécommunications en Afrique, a annoncé  ce mercredi 4 septembre qu'il fermait toutes ses agences au Nigeria, son plus grand marché avec 190 millions d'habitants.

Appel au calme

Le président Cyril Ramaphosa a une nouvelle fois condamné les violences qui ont éclaté dimanche à Johannesburg et qui se sont par la suite propagées à capitale politique Pretoria et dans la province du KwaZulu-Natal dans l’est du pays.

"S'en prendre à des étrangers n'est pas la bonne attitude", a-t-il déclaré lors de l’ouverture  des travaux du Forum économique mondial Afrique au Cap ce mercredi 4 septembre.

Le président Cyril Ramaphosa a appelé au calme.Image : AFP/P. Magakoe

Depuis le début des violences, au moins cinq personnes ont été tuées et près de 300 arrêtées, selon la police. Des dizaines de magasins ont été détruits et des camions soupçonnés d'être conduits par des étrangers ont également été brûlés.

Boycott

Une boutique appartenant au géant sud-africain MTN, leader des télécommunications en Afrique.Image : picture-alliance/dpa/Godong

Suite à ces violences,  le Nigeria a décidé de boycotter le Forum économique mondial Afrique.

Le vice-président nigérian Yemi Osinbajo qui devait participer au Forum a annulé son déplacement 24 heures après la convocation par Abuja de l'ambassadeur d'Afrique du Sud.

L'Afrique du Sud, première puissance industrielle du continent, connait souvent des actes de violences xénophobes, sur fond de chômage et de pauvreté.

Sept personnes avaient été tuées en 2015 au cours de pillages visant des commerces tenus par des étrangers à Johannesburg et à Durban. Des émeutes xénophobes avaient fait 62 morts dans le pays en 2008.

Une voiture calcinée au bord d’une rue de la banlieue de Johannesburg.Image : picture-alliance/AP Photo

Par ailleurs, selon un rapport publié fin août de l’ONG de défense des droits de l’Homme Human Rights Watch (HRW), depuis mars 2018, des dizaines de chauffeurs routiers ont été tués dans des attaques visant des étrangers.