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L'expérience de la RDC en matière de gestion des épidémies

6 décembre 2024

Une maladie inconnue est apparue la fin octobre dans la région de Panzi. L'épidémiologiste Yap Boum expose les mesures à prendre.

Un Congolais en train de se faire vacciner contre le virus de la Mpox
L'épidémie de Mpox a fait près de 600 morts depuis le début de l'année en RDC Image : Ernest Muhero/DW

Les premières données recueillies indiquent que la maladie affecte surtout les plus jeunes et que 40 % des cas concernent des enfants de moins de cinq ans. Les symptômes ressemblent à ceux d'une grippe : fièvre, toux et céphalées.

Écoutez les explications du prof Yap Boum II, biologiste épidémiologiste, directeur exécutif de l'institut Pasteur de Bangui.

DW : Professeur Yap Boum, bonjour. Vous êtes épidémiologiste. La République démocratique du Congo (RDC) est en "alerte maximale" après la détection d'une mystérieuse maladie qui a déjà fait des dizaines de morts en un peu plus d'un mois selon les dernières estimations, a déclaré jeudi le ministre de la Santé. Expliquez-nous la conduite à tenir en cas d'apparition d'une telle épidémie ?

Yap Boum : La RDC fait face à de nombreux défis. On a le Mpox, la variole du singe, et maintenant on a cette maladie ou ces décès mystérieux qu'il faut investiguer. En général, ce qui se passe, c'est que les épidémiologistes avec la communauté – c'est important de mentionner l'importance de la communauté – doivent définir quels sont les profils des personnes. Le temps : quand est-ce que ça a commencé, comment ça se propage et le lieu. Dans quel environnement est-ce qu'on a retrouvé les personnes qui ont été malades et les personnes qui sont décédées ? Ça permet de construire l'histoire de la maladie pour revenir en général à ce que nous appelons le cas zéro, le cas index. Quel a été le premier cas ? Ou alors qui a survécu, mais qui aurait transmis la maladie ? C'est la première chose.

La RDC est le pays le plus touché par le virus de la mpox Image : Ruth Alonga/DW

La deuxième chose, c'est de comprendre à quel type de maladie on fait face. Et pour cela, il y a des prélèvements sanguins qui sont faits, des analyses biologiques qui sont réalisées en fonction de ce que nous connaissons.

On va chercher Ebola, on va chercher Marburg, on va chercher les maladies auxquelles nous sommes de plus en plus souvent confrontés.

Et quand les tests reviennent négatifs, à ce moment, on peut faire du séquençage du génome complet pour voir si ce n'est pas les germes ou les virus habituels. Qu'est-ce que cela peut être ?

Mais ayant aussi à l'idée que ça peut ne pas être des germes spécifiques, ça peut aussi être des décès qui pourraient être liés à l'état des populations, dont la malnutrition.

On a vu que la population dans ce cas est plutôt jeune ou plutôt âgée.

Donc, il y a toutes ces questions qui vont être posées, mais avec un engagement critique de la communauté qui seul connaît l'histoire de ce qui se passe.

C'est un travail de fourmi, un travail d'investigation que les épidémiologistes vont fournir avec les biologistes, avec les laboratoires, avec ceux qui font de la génomique, de la biologie moléculaire pour arriver à trouver quel est le germe, quel est l'agent qui déclenche ce phénomène. Et en parallèle de ça, toute une réponse se met en place pour pouvoir contenir ce phénomène, cet événement.

C'est comme ça qu'on fonctionne. Il y a plusieurs partenaires impliqués, Africa CDC, l'OMS et plusieurs autres partenaires, pour pouvoir comprendre et circonscrire.

DW : Vous parlez d'Ebola, de la fièvre hémorragique de Marburg, de la rougeole, du choléra, de la Mpox, d'Ebola. Pourquoi tant d'épidémies en RDC ?

Yap Boum : Il faut dire que la RDC est un écosystème à part entière.

Il y a un écosystème en termes de forêt relativement important et le fait des changements climatiques, des problèmes sécuritaires.

On a un rapprochement de plus en plus important des populations vers la forêt et vers les animaux.

Parce que ces épidémies, ces maladies sont pour la plupart des zoonoses, des zoonoses comme le porc, la variole du singe et d'autres qui sont contaminées, qui passent des animaux aux humains.

Et le fait d'avoir cette proximité plus importante du fait de ce que j'ai mentionné, les déplacements des populations pour des raisons sécuritaires, pour des raisons liées aux changements climatiques, fait que la transmission de virus entre les animaux et les humains va augmenter.

Donc, l'écosystème de la RDC, qui est l'un des poumons de la planète, mais également renforce une faune relativement importante, augmente les risques d'émergence de ces différents pathogènes.

L'interview de Yab Boum

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C'est un environnement où il est important de renforcer la recherche, mais surtout la surveillance, car de nouveaux virus, de nouveaux pathogènes pourront émerger. C'est la même chose pour les pays riverains comme la Centrafrique, qui ont un écosystème similaire avec une grande forêt.

Et le fait que ce rapprochement augmente va nous pousser vers une émergence de maladies émergentes et réémergentes comme les maladies virales que l'on rencontre en ce moment.

DW : Est-ce que les autorités sanitaires congolaises sont outillées pour faire face à ces épidémies ?

Yap Boum : l'un des gros avantages de la RDC, c'est le nombre important d'épidémies qu'ils ont connues.

Le nombre. Ils ont eu plus de dix épidémies d'Ebola depuis la découverte d'Ebola, il y a eu l'épidémie de Covid et les épidémies de choléra et de rougeole.

Donc, il y a vraiment une pléthore d'épidémies et maintenant de Mpox qui fait que le système de surveillance et le ministère de la Santé sont relativement bien équipés en RDC.

Cependant, le pays étant grand, complexe en termes d'accessibilité des populations, mais également en termes géographiques, fait que la réponse à une épidémie qui se ferait facilement dans d'autres pays est encore plus compliquée en RDC.

Donc, les outils peuvent être présents, mais les ressources pour faire le même travail, arriver au même résultat doivent être beaucoup plus importantes, ce qui complexifie la réponse aux épidémies en RDC.

Il  y a besoin de mobiliser davantage de ressources, de pouvoir former davantage les travailleurs de santé, mais surtout aussi de l'engagement des populations qui doit être renouvelé à chaque fois qu'il y a une épidémie.

Au ieu de faire ce qu'on a eu l'habitude de faire, c'est-à-dire les pompiers, il y a une épidémie et on vient y répondre.

C'est le moment de véritablement établir et renforcer un système de santé qui soit suffisamment résilient pour pouvoir absorber toute épidémie, quelle qu'elle soit. C'est un défi. C'est un véritable challenge auquel le ministère de la Santé et ses différents partenaires africains, l'OMS et les autres, doivent répondre.