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"La plupart des Libyens veulent sortir de cette galère !"

17 avril 2024

Abdoulaye Bathily démissionne de ses fonctions d'Envoyé spécial de l'Onu en Libye. Il a expliqué ne pas pouvoir agir du fait de l'égoïsme des dirigeants libyens qui ne prennent pas en compte les besoins de la population.

Portrait d'Abdoulaye Bathily, les bras croisés (photo de 2023)
Abdoulaye Bathily en a assez de se battre contre des moulins à vent, en LibyeImage : Yousef Murad/AP Photo/picture alliance

C'est d'abord de sa déception dont Abdoulaye Bathily a fait part au Conseil de sécurité.

L'émissaire des Nations unies pour la Libye a démissionné hier (16.04.2024) de ses fonctions. Selon lui, l'Onu ne peut pas réussir à stabiliser le pays tant que les dirigeants libyens placent "leurs intérêts personnels au-dessus des besoins du pays". Avec cette nouvelle démission d'un émissaire de l'Onu, les espoirs de paix s'éloignent encore un peu plus.

Des bâtons dans les roues de l'Onu

"J'ai présenté ma démission au secrétaire général et je lui en ai exposé les diverses raisons", a annoncé Abdoulaye Bathily, confirmant devant la presse son départ de la Manul, la Mission des Nations unies en Libye.

Selon lui, de nombreux efforts ont été entrepris sous sa direction, ces 18 derniers mois, mais le manque de volonté politique lui a mis des bâtons dans les roues.

"Nous avons assisté, ces derniers mois, au développement d'initiatives parallèles dont l'objectif - même s'il n'est pas déclaré - est de perturber le processus mené par les Nations unies.", a-t-il déclaré.

Abdoulaye Bathily d'ajouter : "C'est très triste, d'autant que la majeure partie de la population libyenne veut sortir de cette galère. Des Libyens sont venus me voir et m'ont demandé une formule qui passerait outre les dirigeants qui ne veulent pas mettre fin à la crise du pays, qui veulent prolonger leurs souffrances."

La Libye, en guerre civile depuis 2011, est en ruinesImage : KARIM SAHIB/AFP

La rivalité entre deux hommes

Deux hommes se disputent la tête de l'exécutif libyen : le gouvernement reconnu par l'Onu est celui basé dans l'Ouest, à Tripoli, et dirigé par Abdelhamid Dbeibah. L'autre, qui siège dans l'Est, à Benghazi, est celui du maréchal Haftar.

La lutte entre ces deux camps  est déjà venue à bout du prédécesseur d'Abdoulaye Bathily, Jan Kurbis. Celui-ci a démissionné en novembre 2021. Avant lui, déjà, le cinquième émissaire de l'Onu pour la Libye, Ghassan Salamé, avait aussi jeté l'éponge, en mars 2020.

La Libye est plongée dans la guerre civile depuis l'intervention militaire franco-britannique soutenue par l'Otan, en 2011, et le renversement de Mouammar Kadhafi.

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Pas de démocratie en vue

"On nous a promis la démocratie en 2011. Mais il n'y a aucune démocratie à l'horizon", constate Abdoulaye Bathily, amer.

"Tant que nous compterons sur les soi-disant dirigeants libyens, nous ne pourrons pas trouver de solution, car leur légitimité est remise en question. La Chambre des représentants a été élue en 2014. Cela fait dix ans maintenant. Nous parlons de légitimité alors que les mandats ont expiré. Le Haut Conseil d'Etat a été élu en 2012. Nous sommes en 2024 !"

Evidemment, ces déclarations n'ont pas plus à Taher al-Sunni, ambassadeur de la Libye près l'Onu qui lui a rétorqué : "Mes mots s'adressent à ceux qui brandissent des slogans de justice et les droits humains comme étendard. Parce que nous continuons d'en entendre certains qui continuent à nous faire la morale et à critiquer la situation dans notre pays, à nous donner des leçons sur les principes d'humanité et de démocratie, tout en fermant les yeux sur les scènes de tuerie et de destruction à Gaza, tout en faisant la sourde oreille aux cris des enfants et des femmes ensevelis sous les décombres."

Mais pour Abdoulaye Bathily, les dirigeants libyens font preuve de "mauvaise volonté" : "Dans les circonstances actuelles, il n'est pas possible pour l'Onu d'être couronnée de succès. Ils freinent toute tentative de solution."

Et il appelle les Nations unies à se préoccuper davantage de la population libyenne :

"Les dirigeants libyens doivent parvenir à un règlement politique de la crise, basé sur des négociations et des compromis. Nous ne pouvons pas permettre que les aspirations de 2,8 millions d'électeurs libyens inscrits sur les listes électorales soient éclipsées par les intérêts égoïstes de quelques-uns. J'appelle le Conseil [de sécurité] à prendre en compte les rêves légitimes [des civils libyens]".

Depuis le début de la guerre, des puissances étrangères ont soutenu les deux camps antagonistes, parfois jusqu'à l'envoi de mercenaires en Libye : la Turquie et le Qatar à l'ouest, la Russie, l'Arabie Saoudite et l'Egypte à l'est.

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