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Libye: la mission Irini dans le viseur d'Ankara

Anne Le Touzé | Avec agences
23 novembre 2020

La Turquie a empêché la fouille d'un navire cargo que la mission européenne Irini soupçonnait de transporter des armes vers la Libye.

La frégate Hambourg assure la surveillance de l'embargo libyen dans le cadre de la mission Irini
La frégate Hambourg assure la surveillance de l'embargo libyen dans le cadre de la mission IriniImage : picture-alliance/dpa

Selon le magazine Der Spiegel, qui a révélé l'incident, le cargo "Rosaline A" se trouvait à environ 200 km au nord de la ville libyenne de Benghazi lorsqu'il a été intercepté dimanche par la frégate "Hambourg" de la Bundeswehr. Cette dernière avait été informée par la mission européenne "Irini" de la possible présence d'armes illégales à bord du navire turc.

Mais ce qui aurait dû être une opération de routine pour la mission chargée de veiller au respect de l'embargo sur les armes a tourné au fiasco. Alors qu'ils s'apprétaient à inspecter le bateau, les soldats allemands ont été arrêtés dans leur élan: le gouvernement turc venait de s'opposer au contrôle de la cargaison.

Selon Ankara, le navire intercepté transportait des denrées et du matériel humanitaire à destination de Misrata. Le chef de la diplomatie turque a dénoncé une intervention "inacceptable" et contraint les militaires allemands à quitter le navire. Et le cargo a pu continuer sa route.

Violations de l'embargo sur les armes

Ce n'est pas le premier incident du genre. En septembre, la Bundeswehr avait déjà intercepté un cargo en route pour la Libye. Cette fois, le soupçon avait été rapidement confirmé: le bateau transportait une sorte de kérozène bien spéciale, utilisée pour ravitailler les avions de combat.

La marine allemande a intercepté en septembre un cargo saoudien contenant du kérozène et en route pour la LibyeImage : Bundeswehr/dpa/picture-alliance

Le même mois, l'Union européenne a sanctionné un armateur turc et des entreprises de plusieurs pays pour violation de l'embargo.

Le soutien de la Turquie est pourtant nécessaire au bon déroulement de la mission Irini. Lancée en avril par les Européens, elle vise à faire respecter l'embargo décrété par les Nations unies en Libye, en vue de mettre fin au conflit qui déchire la Libye depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011.

Mais depuis le début, Ankara accuse Bruxelles d'empêcher seulement les livraisons d'armes au gouvernement de Tripoli reconnu par la communauté internationale et qu'Ankara soutient ouvertement.

Selon le gouvernement turc, les Européens fermeraient en revanche les yeux sur les violations de l'embargo pour les armes destinées au maréchal Haftar. Celui-ci contrôle l'Est de la Libye et il est soutenu par la Russie, les Émirats arabes unis et l'Égypte.

Die Linke demande l'arrêt des livraisons de matériel militaire à la Turquie

L'Allemagne fournit par exemple des sous-marins de type 214 à la Turquie, mais aussi à la GrèceImage : picture-alliance/dpa/H. Pfeiffer

L'incident entre la Turquie et l'Allemagne a été abordé ce lundi au Bundestag. Le parti libéral FDP a réclamé une position ferme de la part de la diplomatie allemande pour ne pas compromettre la mission Irini. Le parti de gauche Die Linke a appelé le gouvernement à stopper ses livraisons de matériel militaire à Ankara.

Depuis 2004, l'Allemagne a en effet exporté pour un milliard et demi d'euros de navires et autres équipements maritimes à la Turquie mais ces livraisons sont de plus en plus contestées vu le conflit qui oppose la Turquie et la Grèce en Méditerranée orientale.

Selon l'agence de presse allemande DPA, c'est peut-être justement ce conflit qui pourrait expliquer l'opposition de la Turquie au travail de la mission Irini: le chef de la mission est grec.

Menaces de sanctions européennes

L'UE a un double intérêt à résoudre le conflit libyen car les bandes de passeurs criminels profitent du chaos pour envoyer des milliers de migrants en Méditerranée.

Dans un communiqué commun, les ministres des Affaires étrangères de l'Allemagne, de la France, de l'Italie et du Royaume-Uni ont salué les progrès des négociations de paix interlibyennes mais ils ont aussi menacé de sanctions ceux qui font obstacle aux pourparlers qui visent à la mise en place d'institutions de transition jusqu'aux élections prévues dans le pays le 24 décembre 2021.