1. Aller au contenu
  2. Aller au menu principal
  3. Voir les autres sites DW

Que signifie "être allemand" ?

23 mai 2024

Etre allemand - ou allemande - c'est davantage que de détenir la nationalité. Mais quoi ? Et quels avantages en tirent des personnes nées en Afrique qui ont obtenu un passeport allemand ?

Un homme tend vers l'objectif un passeport allemand (archive de 2007)
Il est désormais possible d'acquérir la nationalité allemande même en étant né(e) à l'étranger de parents non-allemandsImage : Lutz P. Kayser/picture alliance

L'Allemagne célèbre aujourd'hui [23.05.24] les 75 ans de sa Loi fondamentale. Equivalent de la Constitution, ce texte définit les règles de fonctionnement de la République fédérale, et il ancre ses valeurs démocratiques et libérales, ainsi que la défense des droits et libertés fondamentales.

La Loi fondamentale remonte à 1949, année où émerge un Etat allemand concurrent, de l'autre côté du Rideau de fer : la RDA – ancienne Allemagne de l'Est. Depuis la réunification de 1990, les deux Etats ont fusionné et la Loi fondamentale s'applique désormais sur l'ensemble du territoire allemand. Mais qu'est-ce que cela veut dire, d'être allemand ?

Le président Steinmeier devant le Bundestag, durant son allocution à l'occasion des cérémonies sur les 75 ans de la Loi fondamentale allemandeImage : Kay Nietfeld/dpa/picture alliance

La nationalité mais pas seulement

Sur le papier, c'est simple : être allemand ou allemande, cela signifie avoir la nationalité allemande.

Dans les faits, c'est beaucoup plus complexe. Car se sentir allemand ou allemande pose la question de l'identité personnelle et de la nation. 

Alors, nous avons demandé à plusieurs personnes nées en Afrique qui ont obtenu la nationalité allemande une fois adulte, ce que cela signifie pour eux, d'être allemand.

Plusieurs nous ont affirmé que le passeport allemand leur apporte d'abord une sécurité supplémentaire, en cas de problème politique ou de santé à l'étranger, par exemple.

La Loi fondamentale allemande a 75 ans // Inondations : le calvaire des Brésiliens

This browser does not support the audio element.

Les rapports avec l'administration

Il facilite aussi les choses au quotidien en Allemagne, comme en témoigne Azeb, d'origine éthiopienne, et Allemande depuis 2006 : "En fait, je ne me suis pas posé la question de savoir si je devais prendre la nationalité allemande ou pas. Je l'ai fait pour me simplifier un peu les choses.” 

Zackaria, lui, est né au Burkina Faso. Depuis plus de vingt ans, il a un passeport allemand : "Le passeport allemand me permet, dans des institutions, quand j'ai des trucs à faire... on me considère comme un Allemand, on me traite selon la loi, en fait. En tant qu'étranger, il faudrait apporter d'autres documents, mais pas en tant qu'Allemand. Et on me traite comme les autres Allemands."

Davantage de droits

Détenir la nationalité allemande confère aussi des droits civiques supplémentaires dont se réjouit Galeh, originaire du Togo : "La nationalité allemande me permet de choisir la politique et le Parlement allemand, le Parlement régional en Allemagne et le Parlement au niveau de l'Union européenne.”

Clément Klutse est lui aussi natif du Togo. Actif au sein du parti CDU, il estime que la possibilité d'un plus grand engagement politique est aussi un avantage important que donne la nationalité : "Une fois qu'on vit ici, qu'on s'investit dans cette société, on a envie de participer, de se sentir à l'aise, même si on n'est pas né ici. C'est-à-dire d'avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs que tous les citoyens.”

Se sentir chez soi en Allemagne n'est pas toujours aisé quand on vient d'AfriqueImage : Patrick Pleul/dpa/picture alliance

Se sentir chez soi ?

Néanmoins, en dépit du temps passé en Allemagne et de leur passeport obtenu, presque toutes les personnes interrogées nous ont d'abord parlé des avantages concrets de cette nationalité nouvelle. Pour ce qui est de la société ou de la culture, c'est parfois plus difficile. 

La plus enthousiaste est Azeb, qui affirme que vivre en Allemagne a affûté son sens de la sincérité et du respect de la parole donnée. Elle dit se sentir allemande, même si elle reconnaît que tout ne lui plaît pas dans son pays d'accueil. Mais finalement, déclare-t-elle, "c'est humain. Je ne m'attends pas à ce que tout soit parfait et exactement comme je m'y attends." Ce qui caractérise la vie en Allemagne, selon elle, c'est "beaucoup de bonté, de vivre-ensemble, de compassion" qui lui permettent de se sentir ici "vraiment libre".

Parcours : Chiamaka Ikeanyi, jeune et pleine d'ambitions

03:43

This browser does not support the video element.

Racisme et ignorance

Zackaria raconte, en revanche, qu'il ne se sent "vraiment à l'aise" qu'en Afrique et surtout au Burkina Faso. En Allemagne, il partage le sentiment de plusieurs de nos interlocuteurs d'être quand même parfois considérés comme "différent” par certains de ses concitoyens allemands : 

"Pour eux, un Allemand doit être blanc,dit-il. Une personne doit avoir certaines caractéristiques pour être allemande, pour eux. Et on ressent ça tous les jours.”

Et la fameuse question sur leur supposée "origine réelle" horripile la plupart de nos interlocuteurs.

Clément Klutse confirme : "On te demande tout le temps d'où est-ce que tu viens. Une manière de dire : on sait que tu vis ici, en Allemagne, à Hambourg, mais tu n'es pas d'ici. Peut-être que pour moi, c'est justifié, mais j'ai mes enfants qui sont nés ici et qui ne sont jamais allés au Togo et qui sont eux aussi confrontés à cette problématique, d'où est-ce qu'ils viennent. Donc ce qui a changé, c'est que maintenant, je peux m'exprimer très clairement sur des sujets qui me tiennent à cœur, mais le combat reste le même, qui est de chercher à se sentir chez soi.” 

De nombreux Allemands se sont mobilisés ces derniers mois pour dire non aux discriminations et au racisme propagés par l'extrême-droiteImage : Rainer Weisflog/IMAGO

Une identité qui évolue

Dieter Gosewinkel est professeur d'histoire à l'Université libre de Berlin et chercheur à l'Institut de recherche sociale, à Hambourg.

Il rappelle que sous le nazisme, on ne pouvait être allemand que si on prouvait son ascendance et que l'on n'était pas juif. Mais la société et l'identité allemande ont énormément évolué depuis, vers plus d'ouverture, en dépit de la montée de l'extrême-droite aux dernières élections allemandes.

Depuis 1949, la Loi fondamentale est considérée non seulement comme la base juridique qui garantit la démocratie mais aussi – et peut-être surtout – comme le lien qui unit les citoyens allemands, c'est ce que proclame le site du Bundestag, la Chambre basse du Parlement.

"Certains disent qu'il faut beaucoup plus que cela, déclare l'historien, mais pour moi, être allemand, ça suffit d'être de nationalité allemande, parler allemand et suivre les lois, reconnaître les droits humains, la freiheitlich-demokratische Ordnung, c'est ce que dit notre loi fondamentale : un ordre démocratique et libéral. C'est une définition politique et oui, pour moi, ça c'est allemand.”

***

Si ce sujet vous intéresse, nous y reviendrons plus en profondeur la semaine prochaine dans Droits et Libertés, diffusé le mardi et le jeudi à 17h30 temps universel, une émission que vous pouvez aussi podcaster sur la plateforme de votre choix.

Passer la section Sur le même thème