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L'OIF ou les intérêts bien compris de Paris et Kigali

9 octobre 2018

Le sommet de l'Organisation internationale de la Francophonie s'ouvre jeudi en Arménie. La candidate soutenue par la France pour prendre la tête de l'OIF est Louise Mushikiwabo, chef de la diplomatie rwandaise. Analyse.

Deutschland Louise Mushikiwabo bei Conflict Zone in Berlin
Image : DW

'Emmanuel Macron fait de la Realpolitik' (Laurent Monty Etoughe) - MP3-Stereo

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L'actuelle secrétaire générale de l'Organisation internationale de la Francophonie, Michaëlle Jean espère être réélue à la tête de l'OIF mais devant elle se dresse une candidate soutenue par la France : Louise Mushikiwabo.

Emmanuel Macron a donné son soutien à la candidature de la chef de la diplomatie rwandaise à ce poste :

"J'ai une conviction que je n'ai jamais cachée : s'il y a une candidature africaine au poste de secrétaire général de la Francophonie, elle aurait beaucoup de sens. Si cette candidature était africaine et féminine, elle aurait encore plus de sens. Donc à ce titre, je crois que la ministre des Affaires étrangères du Rwanda, Louise Mushikiwabo, a toutes les compétences et tous les titres pour exercer cette fonction."

Obtenir un tel appui de la bouche d'un président français, c'est quasiment un adoubement. Ces propos ont été tenus en mars dernier, lors de la visite à Paris de Paul Kagame.

Les deux présidents travaillent au rapprochement de leurs pays.Image : Getty Images/AFP/L. Marin

Une question d'influence

L'Organisation internationale de la francophonie, dont le siège est à Paris, reste un outil d'influence puissant pour la France.

Ancienne colonie belge, le Rwanda présente toutefois l'avantage de ne pas faire partie du « pré carré » français et d'ouvrir une porte vers l'Afrique de l'Est.

Le Rwanda présente aussi un grand intérêt pour les investisseurs français qui lorgnent sur un marché rwandais en plein boom.

Laurent Monty Etoughe, analyste indépendant d'origine gabonaise installé en France, estime que ce soutien à la candidate rwandaise ne peut être que bénéfique pour le chef de l'Etat français. Selon lui, "Emmanuel Macron, que ce soit pour le Rwanda ou pour l'Algérie, est dans une forme de Realpolitik et il essaie de dépasser les clivages de manière à aboutir à des relations apaisées et sans doute aussi de renforcer la coopération économique. Et il est vrai qu'en termes de politique interne, le choix de Louise Mushikiwabo n'aura pas tellement d'incidence négative car l'OIF, que ce soit en France ou sur la scène internationale, a encore à gagner en termes de visibilité." (écoutez l'interview intégrale en cliquant sur la photo de l'article)

Le Rwanda redécouvre la francophonie

Côté francophonie, depuis 2010, l'anglais est devenu la principale langue d'enseignement dans les écoles rwandaises. Louise Mushikiwabo y voit une richesse du multilinguisme. Mais la mesure a bien été prise par Paul Kagame au plus fort de la crise avec Paris depuis le génocide de 1994 : les Rwandais réclament toujours à la France l'ouverture des archives et qu'elle demande pardon pour son implication dans le génocide.

Par ailleurs, c'est la justice française qui enquête toujours sur l'attentat contre l'avion du président Juvénal Habiyarimana, qui a donné le coup d'envoi des tueries de 1994.

Hommage aux victimes du génocide dans l'église catholique de Ntarama en 2014Image : Getty Images/C. Somodevilla

Et les droits de l'Homme ?

Autre épine dans son dossier de candidature : l'OIF revendique la promotion de la paix, de la démocratie et des droits de l'Homme comme l'une de ses priorités. Or le régime de Paul Kagame est souvent accusé d'autoritarisme, de museler les voix critiques.

"Il est trop gentil ces derniers temps", s'étonnent d'ailleurs des Rwandais d'Allemagne au sujet des récentes grâces et libérations de prisonniers politiques par Paul Kagame.

L'opposante Victoire Ingabire en 2011. Elle a été libérée il y a peu mais reste menacée par le pouvoir.Image : Getty Images/AFP/S. Terril

Sur TV5 Monde, la ministre rétorque que ces décisions de la justice rwandaise n'ont rien à voir avec un quelconque agenda de l'OIF. Et quand on la confronte aux reproches à l'égard du régime Kagame, Louise Mushikiwabo répond : 

"C'est  vrai il y a eu des critiques pendant longtemps par rapport à tout ce qui est droits et libertés etc. la presse, également. Mais on est venu de loin, de très loin. Par rapport à la liberté de la presse, pendant très longtemps, jusqu'à très récemment, il y avait beaucoup de confusion entre la pratique courante des médias et la politisation des acteurs médiatiques au pays. Mais les choses s'améliorent. C'est un chemin qui est long mais sur lequel mon pays avance très sûrement."

Si l'élection de Louise Mushikiwabo à la tête de l'OIF doit servir au rapprochement du Rwanda et de la France, des esprits chagrins regrettent que lors de sa visite à Paris Paul Kagame ait remercié son homologue dans la langue de Shakespaeare par un "Thank you very much, President Macron… "

… au lieu de lui dire tout bonnement "merci”.
 

 

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