Entrée sans résistance du M23 à Bukavu dans l'est de la RDC
14 février 2025![Des rebelles du M23, hautement armés, dans le stade de l'Unité dans la ville de Goma (photo du 6 février)](https://static.dw.com/image/71613088_800.webp)
Le M23, soutenu par des troupes rwandaises, est entré vendredi dans Bukavu, capitale de la province du Sud-Kivu dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), selon des sources sécuritaire et humanitaire. Les combattants du groupe armé antigouvernemental seraient entrés dans la ville d'un million d'habitants par les quartiers périphériques du nord-ouest - quasiment sans résistance de la part des forces armées congolaises, selon des sources concordantes.
Cette absence de résistance a notamment déçu le député national du Sud-Kivu, Patrick Salumu qui appelle les populations à rester chez elles et ne pas s'exposer à la violence.
Plus tôt dans la journée, la milice M23 avait déclaré avoir pris le contrôle de l'aéroport de la ville de Kavumu dans l'est de la République démocratique du Congo. "Kavumu et ses environs, y compris l'aéroport, sont désormais sous le contrôle du M23", a écrit leur porte-parole Lawrence Kanyuka dans le réseau social X. Le gouvernement congolais n'a pas confirmé cette information dans l'immédiat.
Un représentant de l'organisation l'organisation humanitaire Médecins sans frontières (MSF) dans la province du Sud-Kivu a confirmé la prise de l'aéroport à l’agence de presse allemande (dpa).
"Nous nous attendons à ce que le M23 avance dans les prochaines heures, au plus tard demain, jusqu’à Bukavu", dit l’humanitaire qui coordonne le travail de MSF dans le région. Selon des sources sécuritaires, le M23 est entré presque sans résistance dans la localité de Kavumu.
La population en panique à Bukavu
Des sources sur place à Bukavu, la capitale de la province du Sud-Kivu située une trentaine de kilomètres plus loin, témoignent d'une population en proie à la panique : en milieu de journée, les magasins étaient en train de fermer, les rues bouchées par des voitures en partance. Selon nos informations, le gouvernorat a été déserté.
Hypocrate Marume, membre de la société civile locale, joint par la DW, confirme que les activités sont paralysées : "Une panique règne au niveau de la ville de Bukavu depuis l'annonce de la prise de l'aéroport de Kavumu par le M23. Nous observons que les marchés sont déjà fermés, il y a les magasins qui sont aussi fermés", dit-il, avant de poursuivre: "Il y a une très forte mobilisation de la population dans les avenues pour rentrer à la maison. Vraiment c'est un peu ça. Toutes les activités sont paralysées depuis l'après-midi, depuis que des informations sont en train de circuler comme quoi la ville de Bukavu est en proie d'être prise. Tout le monde est aux aguets, tout le monde attend ce qui va devoir arriver. Voilà généralement ce que nous sommes en train de vivre dans notre ville de Bukavu."
Le président cherche du renfort en Europe
Alors que la situation évolue à toute vitesse, le président congolais, Félix Tshisekedi assistait encore en début d'après-midi à un panel de la Conférence de Munich sur la sécurité (MSC), en Allemagne, où il cherche du renfort dans la lutte de son pays contre les rebelles du M23. A la cette occasion, il a appelé à mettre le Rwanda "à l'index" et a dénoncé les "velléités expansionnistes" du Rwanda: "Ce qui est nécessaire, c'est de mettre à l'index le véritable responsable de cette situation: le Rwanda", a dit le président congolais.
"Nous ne tolérons plus que nos ressources stratégiques soient pillées au profit d'intérêts étrangers sous le regard complice de ceux qui se nourrissent du chaos", a-t-il accusé, mettant en cause l'immobilisme de la communauté internationale. "Nous n'attendons plus de simple mots, nous exigeons des actions décisives. Le statu quo est une illusion", a-t-il plaidé à l'occasion de ce rassemblement de la diplomatie mondiale à Munich.
A l'issue d'une rencontre avec son homologue congolaise Thérèse Kayikwamba Wagner, la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock a pour sa part appelé Kigali à "stopper son avancée sur Bukavu". "Il n'y a pas de solution militaire dans l’est de la RDC", a-t-elle estimé sur X.
Le président congolais ne participera pas au sommet de l'Union africaine qui se tient ce week-end à Addis-Abeba et qui doit être consacré aux efforts pour mettre fin au conflit entre son pays et les forces armées rwandaise, a déclaré sa porte-parole, Tina Salama.
L'importance stratégique de Bukavu
Déjà début février, Erik Kennes, chercheur à l’Egmont Institut, expliquait au micro de la DW pourquoi le M23 avait des visées sur Bukavu et l’aéroport de Kavumu.
"L’enjeu stratégique de Kavumu est très important. L’armée gouvernementale a déjà perdu l’aéroport de Goma. La seule alternative, si on veut avoir un endroit pour approvisionner les troupes, apporter la logistique, c’est l’aéroport de Kavumu. Les autres solutions sont beaucoup plus difficiles [...] Donc, si le gouvernement perd Kavumu, je pense que l’armée gouvernementale sera presque anéantie dans cette région."
Un couloir humanitaire annoncé pour Goma
Au Nord-Kivu cette-fois, un couloir humanitaire doit être mis en place pour acheminer de l’aide vers Goma.
L’annonce a été faite jeudi (13.02) par le ministre congolais de la Santé, Samuel Kamba. Un accord a été trouvé entre les organisations humanitaires et le Rwanda pour permettre le passage de l’aide via Nairobi et Kigali, alors que l’aéroport de Goma reste impraticable depuis la prise de la ville par le M23 et l’armée rwandaise.
Jean Jonas, chargé de l’information publique au sein du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (Ocha), rappelle qu’un "couloir humanitaire suppose qu’il y a des cargos humanitaires. Pour le moment, l’aéroport n’a pas rouvert. Sinon, dans les zones où le M23 a le contrôle, les humanitaires circulent. On ne peut pas aller là où il y a des combats actifs. Les sites des déplacés qui ont été vandalisés, certains déplacés sont retournés chez eux, il y en a ceux qui sont retournés dans des centres collectifs atours de Goma, et ces zones sont accessibles".