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Aux origines du M23

12 février 2025

Dans l'interview de la semaine, l'historien congolais Isidore Ndaywel revient sur les origines du mouvement rebelle, actif dans l'est de la RDC.

DR Kongo | M23-Rebellen
Le mouvement du 23 mars a été créé le 6 mai 2012 par des officiers des forces armées de la république démocratique du Congo, entrés en rébellion contre le gouvernement congolais.Image : Jerome Delay/AP Photo/picture alliance

Nous recevons cette semaine l'historien congolais Isidore Ndaywel, de l'Institut congolais d'études avancées. Au micro de Jonas Gerding, celui qui est aussi le coordinateur national du puissant Comité laïc de coordination, revient sur les origines de la rébellion du M23 qui occupe désormais Goma depuis deux semaines.

Retranscription de l'interview 

L'alliance M23/AFC est une "alliance de circonstance" (Isidore Ndaywel)

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DW : La RDC se trouve dans une crise, surtout à l'Est. Il y a cette nouvelle rébellion des M23 et cette rébellion là dit toujours, ils sont là pour protéger les intérêts d'une communauté, la communauté tutsi. Il faut aller à quel point de l'histoire pour mieux comprendre ces conflits actuels ?

Isidore Ndaywel : Je pense qu'il faut partir non pas de l'histoire du Congo, mais de l'histoire du Rwanda parce que le public congolais ne connaît pas très bien cette catégorisation tutsi/hutu. Vous interrogez les Congolais, ils parlent globalement des Rwandais, "nous ne voulons pas des Rwandais".

Au demeurant, dans l'histoire, nous avons eu à recevoir plusieurs groupes de migrants rwandais, parmi lesquels des Tutsi et des Hutu. C'est le fait de toute la période coloniale, puisque la colonisation a eu à utiliser de la main d'œuvre rwandaise, burundaise au Congo. 

Donc s'ils l'ont fait, ce n'est pas parce qu'ils voulaient piéger l'avenir, non, c'est parce qu'il n'y avait pas de problème et que ces personnes étaient là.

À partir de 1959 jusqu'en 1994, le Congo a accueilli massivement des réfugiés tutsi puisqu'ils étaient discriminés au Rwanda par les présidents hutu qui étaient Grégoire Kayibanda et puis Habyarimana, Juvénal.

Donc on ne peut pas dire qu'on a quelque chose de particulier contre les Tutsi. Nous avons des décennies, ici, d'accueil des réfugiés rwandais, mais qui étaient des Tutsi.

DW : Mais pour bien comprendre, il y avait les Tutsi qui étaient déjà là bien avant ces vague de réfugiés qui sont venus après n'est-ce pas ? 

Isidore Ndaywel : Absolument. Au moment où il y a les grands événements malheureux de la décolonisation, en 1959, au moment où les Hutu font leur, je dirais, révolution en chassant le roi, les Tutsi qui jusque là étaient donc les dirigeants du pays, ont eu à fuir massivement. Nous savons que c'est à ce moment là que la famille du président Kagame actuel a fui vers l'Ouganda. Mais au même moment, plusieurs autres familles ont fui sur le Congo et ils sont restés ici jusqu'en 1994 sans qu'il y ait des problèmes du genre que nous avons actuellement. 

DW : Maintenant, à la tête de cette branche politique, de cette rébellion, il y a le M23 mais il y a l'AFC, l'Alliance fleuve Congo, la branche politique. Il y a Corneille Nanga, c'est l'ancien président de la CENI, de la Commission électorale nationale de la RDC qui est maintenant à la tête de cette rébellion. Et lui, il dit que son objectif, c'est de prendre Kinshasa. Quand vous vous entendez ça, est-ce qu'o peut comparer cette rébellion avec ce qu'on avait en 2012 ou est ce que ça nous rappelle beaucoup plus ce qui s'est passé dans les années nonante, nonante sept, l'année où une rébellion, soutenue par un voisin, avait comme objectif de mettre fin au pouvoir à Kinshasa et a finalement même réussi à le faire ?

Isidore Ndaywel : C'est une très bonne question. Au moins, ce qui est clair, c'est que l'agenda M23 est distinct en réalité de l'agenda de l'Alliance du fleuve Congo. C'est juste une alliance de circonstance. Le problème de l'Alliance F Congo, c'est qu'il a une dimension à la fois personnelle et collective. 

Personnelle parce que Monsieur Nangaa estime qu'il a été négligé depuis 2019 où il eu à gérer les élections de la façon dont il les a gérées. Il espérait ou il pensait que, après ce qu'il avait fait, il avait droit quand même à des privilèges ou des avantages qu'il n'a pas eu, qu'il n'a pas, qu'il n'a pas et on dit même qu'il a perdu ses carrés miniers. 

Mais il y a aussi un agenda collectif de l'opposition. Après toutes les élections, il y a toujours quelque part des contestations. Ce n'est pas un phénomène spécifique au Congo, mais ce qui est spécifique au Congo, c'est que cette contestation peut aller jusqu'à ce qu'on prenne des armes. Si vous voulez avoir un problème avec le Congo, avec les Congolais, mettez en cause l'unité de leur pays. Alors, à ce moment là, ils se lèvent tous et on emploie, comme vous l'entendez, le terme "non à la balkanisation".

DW : Merci beaucoup.

Isidore Ndaywel : Je vous en prie.