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L'annonce de Macky Sall de ne pas se représenter décryptée

Etienne Gatanazi | Jean-Fernand Koena
4 juillet 2023

La décision de Macky Sall de ne pas se présenter au scrutin de 2024 a surpris et suscite de nombreuses questions.

 Macky Sall lors d'un sommet en janvier en train de prononcer un discours
Le président sénégalais Macky SallImage : Presidency of Senegal / Handout/AA/picture alliance

Jusqu’à lundi soir (03.07), le président sénégalais Macky Sall jouissait d'un soutien à sa candidature au sein de son parti, l'Alliance pour la République (APR). Plus de 300 maires de communes avaient exprimés leur soutien, mais la pression à l'intérieur du pays après la condamnation d'Ousmane Sonko, le leader du parti Pastef, semble avoir joué un rôle dans la décision du président Macky Sall.

Diallo Diop, vice-président du Pastef, le parti d'Ousmane Sonko estime que "c'est une excellente nouvelle, parce que c'était inacceptable dans le principe, comme dans les modalités".

Un silence suspect 

Macky Sall, dans son allocution de ce lundi, dit avoir répété, en 2019, qu'il n'a jamais eu d'intention de se présenter à la présidentielle de 2024

Mais son silence au sujet de cette échéance électorale a fait monter la tension au sein de l'opposition et du point de vue d'Ibrahima Kane, spécialiste en justice internationale, la décision du président n’est pas vraiment une démarche démocratique.

La pression de la rue aurait contraint Macky Sall à renoncerImage : John Wessels/AFP

 "Si les Sénégalais eux-mêmes ont mis le président sous pression, la communauté internationale a aussi joué son rôle", selon Antoine Glaser, journaliste et spécialiste de l'Afrique.

"Je pense que même s'il a décidé de ne pas se présenter, il y a eu aussi de fortes pressions internationales. Mes amis d'Africa Intelligent avaient sorti l'information vérifiée qui disait que Barack Obama l'avait même appelé au nom de Joe Biden pour qu'il ne se présente pas", précise-t-il.

La décision a été bien accueillie par la population sénégalaise mais au sein de l'opposition, la tension reste palpable, notamment sur le sort d'Ousmane Sonko, qui n’a toujours pas été emprisonné à la suite de sa condamnation à deux ans de prison ferme  , et reste pour l’instant assigné à résidence.

La situation au Sénégal est scrutée de près ailleurs sur le continent comme en Centrafrique.

Une "leçon de démocratie"

En Centrafrique, l'annonce du président Macky Sall, qui ne sera pas candidat à un troisième mandat, a été bien accueillie par l’opposition politique et la société civile centrafricaine. En effet, cette décision a été perçue comme une leçon de démocratie dans un contexte où le président centrafricain,Faustin Archange Touadéra, souhaite réformer la Constitution afin de pouvoir briguer probablement un troisième mandat. 

La décision du président Macky Sall est " sage" et représente une " leçon de démocratie " en Afrique, peut-on lire dans les commentaires des internautes centrafricains. 
Pour la plateforme d’opposition G16, qui s’oppose à la modification de la Constitution du 30 mars 2016, le président Touadéra doit lui aussi renoncer à son ambition de rester au pouvoir.

"Le renoncement du président Macky Sall à une troisième candidature est une excellente nouvelle, d’abord pour le Sénégal et ensuite pour toute l’Afrique. Car lorsqu’on voit les réalisations faites par le président sénégalais, l’on ne peut que se réjouir d’une telle décision. Maintenant, reste à voir les autres chefs d’Etat qui sont tentés par un troisième mandat, notamment Ali Bongo du Gabon et Faustin-Archange Touadéra. Le vœu le plus ardent de la jeunesse des Africains, c’est de rompre avec ce cycle infernal de mandats illimités. Il y a une vie après le pouvoir et j’appelle le président centrafricain à se détourner des pressions intérieures et extérieures en renonçant à son projet de troisième mandat’", estime Ben Wilson Ngassan le porte-parole du G16.

Les défenseurs du troisième mandat, les proches du président Touadéra, ne se sont pas prononcés sur le sujet. Thimoleon Mbaïkoa, député et membre du comité de rédaction de la nouvelle Constitution, affirme toutefois que "ce n’est pas la même chose". 
Selon lui, " le président Macky Sall a renoncé à un troisième mandat mais nous, nous écrivons une nouvelle Constitution".

Pour Charles Armel Doubane, ancien ministre des Affaires étrangères tombé en disgrâce, le président sénégalais montre le bon exemple en Afrique. "Le président Macky Sall vient de démontrer que la démocratie a encore sa place sur le continent. Sa décision de ne pas se présenter aux prochaines élections apaise le Sénégal, rassure le peuple et offre la possibilité à la démocratie de continuer à s’enraciner au Sénégal. Cette situation doit interpeller les Etats qui veulent modifier la Constitution pour permettre à leur chef de s’éterniser au pouvoir. Je crois que ce bel exemple qui vient du Sénégal leur enseignera que le peuple doit être placé au-dessus de toute considération égoïste ou catégorielle", précise-t-il.

Ecoutez les précisions de Jean-Fernand Koena

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Des contextes différents

L’enseignant chercheur Paul Crescent Beninga attribue quant à lui la décision de Macky Sall à la pression du peuple sénégalais et de la classe politique. Un succès qu’il serait difficile d’espérer en Centrafrique.
"Les moments de tergiversations peuvent amener à considérer que c’est le peuple qui est sorti vainqueur de tous ces moments. Il y a une pression dans la rue et une opposition qui s’est montrée unie, forte, avec des initiatives qui ont mis la pression sur le président Macky Sall et du moment où il a le souci de préserver la paix et les acquis démocratie, cette décision, de mon point de vue, s’imposait, et il ne peut pas aller à l’encontre de cette décision. Contrairement à la République centrafricaine ou l’opposition et les organisations de la société civile n’ont pas pu exercer une pression sur le président Touadéra qui, effectivement, est en train de cheminer tranquillement vers l’élaboration d’une loi constitutionnelle qui lui donnera droit à un troisième mandat et qui sait, peut-être un quatrième. Donc je pense que c’est le peuple sénégalais qui a gagné et en ce qui concerne la situation de la République centrafricaine, c’est le peuple centrafricain qui a failli", précise Paul Crescent Beninga.

Si le président Macky Sall semble avoir aussi suivi les conseils des confréries musulmanes, les Mourides, la situation en Centrafrique est encore une fois inverse. Alors que l’Eglise a pris ses distances vis-à-vis du projet de modification de la Constitution, celle-ci fait désormais l’objet d’un acharnement politique et d’injures de la part des partisans du maintien de Faustin-Archange Touadéra au pouvoir.