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Cinq ans de pouvoir militaire au Mali : droits et quotidien

18 juin 2025

Cinq ans après le coup d'Etat militaire au Mali, l'heure est au bilan de l'évolution de la situation politique et sociale, sous la conduite du général Assimi Goïta.

Mali | Assimi Goita, en 2022
Passé général, Assimi Goïta se verrait bien diriger le Mali pendant encore au moins cinq ansImage : OUSMANE MAKAVELI/AFP/Getty Images

Cinq ans après le coup d'Etat militaire au Mali, l'heure est au bilan. Cette semaine, nous consacrons donc une série à ces cinq années au pouvoir des militaires, sous la conduite du général Assimi Goïta.

Aujourd'hui, la DW se penche sur l'évolution de la situation politique et sociale : les droits humains, la lutte contre la corruption, la liberté d'expression, l'éducation mais aussi sur ce qu'il faudrait faire pour que la vie des Maliens s'améliore au quotidien.

Le Mali a décidé de revoir ses alliances à l'international. L'AES est davantage tournée vers la Russie que vers l'OccidentImage : Makan Fofana/DW

Coupures de courant et retrait des bailleurs

La vie quotidienne des Maliens a changé, en cinq ans. Mais elle ne s'est pas forcément améliorée.

Par exemple, la crise énergétique se poursuit et les coupures de courant électrique se multiplient depuis deux ans.

Sur le plan diplomatique, le Mali est plus isolé qu'avant le coup d'Etat, malgré la création de l'AES avec le Niger et le Burkina Faso. Certes, une partie des Maliens se félicitent d'être plus indépendants de la France mais le retrait de l'aide américaine, de l'Onu et de nombreux bailleurs étrangers se fait sentir dans les projets de développement, l'éducation, les infrastructures.

Les prix ont fortement augmenté pour les consommateurs maliensImage : Baba Ahmed/AP Photo/picture alliance

Inégalités territoriales

Les grèves sont nombreuses dans la fonction publique – et notamment l'éducation – pour réclamer le paiement des arriérés de salaire. Plus de 1 500 écoles sont toujours fermées ou inopérationnelles selon l'Unicef, à cause de l'insécurité qui prévaut toujours dans plusieurs zones du nord et du centre du pays.

Le sociologue malien Mohamed Amara, auteur de l'ouvrage "Marchands d'angoisse, le Mali tel qu'il est, tel qu'il pourrait être", paru aux Editions Grandvaux, constate un creusement des inégalités territoriales : 

"Evidemment, dans les capitales urbaines, on a à peu près ce qu'il faut, à Bamako ou d'autres grandes villes, mais en milieu rural, notamment dans les territoires sous pression narcoterroriste, les conditions de vie des populations sont très dégradées."

"Nos partenaires doivent respecter la souveraineté du Mali"

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Plus d'inflation mais moins de corruption ?

Depuis le début de la guerre en Ukraine, l'inflation est spectaculaire, pour les denrées importées telles que les céréales ou le carburant notamment. Le prix du mouton a aussi quasiment doublé depuis 2017, les Maliens l'ont constaté lors de la fête de la tabaski, début juin.

Néanmoins, l'étude Malimètre 2025 de la Fondation Friedrich Ebert (FES) montre que de nombreux Maliens estiment qu'il y a eu des améliorations dans la lutte contre la corruption par exemple. Plusieurs procédures judiciaires ont été lancées contre d'anciens dignitaires du régime IBK. L'affaire dite de "l'avion présidentiel" est l'une des plus marquantes.

Svenja Bode, du bureau de la fondation à Bamako, explique ainsi qu'"en 2021, [la FES] avait encore 90% des sondés qui nous disaient qu'ils trouvaient le taux de corruption élevé voire très élevé. Ce chiffre a beaucoup diminué pour ne plus atteindre que 58% des personnes sondées."

Ulf Laessing, directeur du bureau bamakois de la fondation Konrad Adenauer (KAS), pense que cela participe de la popularité des autorités de transition auprès d'une frange de la population. "Je pense que les jeunes, surtout, soutiennent encore en partie le gouvernement de transition parce qu'ils ne veulent pas du retour des anciennes élites qui, certes, étaient élues, elles, mais qui passaient pour corrompues et très proches de la France", estime-t-il au micro DW.

Toutefois, les conditions de vie toujours difficiles ont contraint de nombreux jeunes à émigrer, principalement vers les pays côtiers (Sénégal, Côte d'Ivoire).

Certains Maliens osent encore protester en dépit de la répression grandissanteImage : AFP

Droits et libertés en berne

Tout comme la répression croissante des voix critiques, avec des arrestations en hausse, même si, d'après Ulf Laessing, la situation est moins alarmante qu'au Burkina Faso, où les opposants sont envoyés au front.

L'exécutif malien réclame cinq ans de plus au pouvoir pour le chef de la transition, Assimi Goïta, renouvelables. Les forces armées, qui coopèrent sur le terrain avec l'Afrika Corps russe (ex-Wagner) sont accusées de violations du droit international par des ONG de défense des droits humains.

Mohamed Amara estime que le retour à l'ordre constitutionnel démocratique est un enjeu majeur pour une amélioration des droits humains au Mali.

Le chercheur précise : "Il y a énormément de leaders d'opinion qui sont en prison, comme Ras Bath, le Pr. Clément Dembélé,  ou Tantie Rose et j'en passe. Cela tranche avec la constitution qui reconnaît la liberté d'expression. Donc les libertés publiques ne sont pas vraiment respectées au sens où le prétendait la Constitution."

Les partis et associations à caractère politique ont été interdits, mais il existe encore des lettres ouvertes, des manifestations, des syndicats.

Le Mali peut aller de l'avant s'il reste uni, pense Mohamed AmaraImage : imago images/Joerg Boethling

"Un peuple, un but, une foi"

Pour Mohamed Amara, les intellectuels maliens, à l'intérieur du pays comme à l'étranger,  doivent prendre leur place pour dénoncer les privations de liberté et rappeler l'urgence de la paix, de la sécurité, du développement.

Selon le sociologue, l'accès aux soins, à la liberté d'expression, à l'électricité, aux droits fondamentaux "à la vie" permettront un retour à l'unité. " Il faudra du collectif, déclare-t-il, pour faire avancer ce beau pays."