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Recrudescence des violences contre les civils au Mali

13 juillet 2023

Human Rights Watch pointe une hausse des violences des groupes armés présents dans le nord du Mali, qui aggravent la crise humanitaire en cours.

Des enfants dans un camp de réfugiés maliens au Burkina Faso (illustation)
Les populations civiles qui fuient les violences vivent dans le plus grand dénuementImage : imago images/Joerg Boethling

Human Rights Watch pointe une recrudescence des violences commises dans le nord-est du Mali depuis le début de l'année 2023.

L'ONG a recueilli de nombreux témoignages qui font état de combats entre deux groupes djihadistes rivaux principalement : le groupe Etat islamique dans le Grand Sahara (EIGS) et le Groupe de soutien de l'islam et des musulmans (JNIM), lié à Al-Qaïda. Ces violences, perpétrées aussi à l'encontre de civils maliens, aggravent la crise humanitaire qui sévit dans les régions de Ménaka et Gao.

Stratégie de terreur

Des meurtres, des exécutions sommaires, des viols, des pillages… Illaria Allegrozzi, chercheuse senior Sahel chez Human Rights Watch, évoque des "attaques terrifiantes" qui ont poussé des dizaines de milliers de personnes à fuir vers les agglomérations de Ménaka, Gao ou Ansango :

"Nous avons également recensé des cas de violences sexuelles et des mariages forcés dont se sont rendu coupables les combattants des groupes armés, parfois dans le cadre d'une vraie tactique de terreur qui détruit la vie des filles et des femmes dans ces deux régions ainsi que toute perspective de paix et de développement." 

Explications d'Illaria Allegrozzi (HRW)

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JNIM et EIGS

Le JNIM est en fait une coalition de groupes armés affiliés à al-Qaïda mais avec des chefs et des objectifs différents. Le JNIM s'appuie sur deux piliers principaux.

Dans le nord du Mali, ce sont surtout les combattants d'Iyad Ag Ghali, le fondateur d'Ansar Dine, qui sèment la désolation. Ils taxent les réseaux de contrebande, profitent de l'extraction artisanale, recourent aux barrages routiers, et parfois aux prises d'otages contre rançon.

Le centre du Mali est plutôt sous la coupe d'Amadou Koufa qui a pris son essor à la tête du Font de libération du Macina, le FLM, après la dispersion d'Ansar Dine par l'opération Serval, il y a dix ans, jusque dans le nord du Burkina Faso. Ce mouvement tente d'accentuer les conflits intercommunautaires et il impose une charia stricte aux localités qu'il domine.

Les civils fuient par dizaines de milliers les zones de violencesImage : imago images/Joerg Boethling

Rival du JNIM, le groupe Etat islamique dans le Grand Sahara oblige lui aussi les civils à payer la zakat, un impôt religieux, il vole le bétail, pille les villages, viole des femmes et contraint de nombreuses jeunes filles au mariage.

"Ces deux groupes visent tous les deux à asseoir leur contrôle, leur autorité sur les voies d'approvisionnement et à étendre leur zone d'influence", estime Illaria Allegrozzi.

Illustration de cette rivalité, HRW a documenté des attaques dans la région de Ménaka qui ont particulièrement ciblé la communauté touareg des Daoussahak : "les combattants de l'Etat islamique [les] accusent de collaborer avec le GSIM".

Les deux groupes islamistes radicaux se sont affrontés encore fin juin près de Gao, dans la commune de Gabéro.

Un habitant de Gao que nous avons joint cet après-midi nous a raconté que des jeunes de Gabéro ont "achevé un djihadiste" du groupe Etat islamique dans le Grand Sahara qui avait été blessé : "Quand les combattants de l'Etat islamique sont venus chercher leur combattant, ils ont appris que des jeunes l'avaient tué et enterré. Alors, ils ont promis de semer le désordre dans le village", explique le jeune homme. Un euphémisme quand on sait que le dernier bilan qui circule de ces représailles fait état de 24 à 30 exécutions sommaires de civils.

Exode massif vers les agglomérations

Oui car ce sont des endroits considérés comme plus sûrs, où l'Etat est représenté, où il y a l'armée.

Interview Nouhoum Maïga (Croix-Rouge malienne)

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Mais les déplacés vivent dans des conditions d'urgence absolue, comme le raconte Nouhoum Maïga, secrétaire général national de la Croix-Rouge du Mali. A Ansango, par exemple, les familles ont trouvé refuge dans un lycée ou dans le local des services météo, qui sont clôturés :

"Les ménages sont en plein air, avec des abris de fortune. Il y a des besoins énormes : des abris, de l'eau, l'hygiène, l'assainissement. Il n'y a pas suffisamment d'eau. A la météo, par exemple, les latrines sont exiguës, alors imaginez comme c'est compliqué quand 80 nouveaux ménages viennent s'y ajouter. Il y a aussi des besoins en nourriture. Souvent, les populations qui se sont déplacées sont des nomades ou des agriculteurs qui ont tout abandonné derrière eux. Il y a aussi des besoins de protection, de santé, de prise en charge psychosociale. Et le besoin aussi de rétablissement des liens familiaux."

Quant aux habitants des villes où se réfugient ces déplacés, vivant eux-mêmes dans le dénuement, ils "n'ont pas les moyens", selon Nouhoum Maïga, de porter assistance aux nouveaux venus. D'ailleurs ils bénéficient eux aussi d'un soutien humanitaire.

L'impact du départ de la Minusma

L'habitant de Gao que nous avons joint estime que "si l'Etat a pris cette décision, c'est qu'il sait ce qu'il fait", mais il reconnaît que les habitants ont peur. Hier encore, des travailleurs humanitaires auraient été enlevés alors qu'ils venaient se rendre compte de la situation humanitaire dans un village.

Avec le retrait de la Minusma, l'Etat malien devra renforcer son dispositif sécuritaire pour assurer la protection des civilsImage : Florian Gaertner/photothek/picture alliance

La Croix-Rouge mise sur des relais (des membres et des volontaires) dans les localités, pour continuer ses activités. Nouhoum Maïga espère que les autorités maliennes vont renforcer leur dispositif sécuritaire pour mieux protéger les civils :

"Ce que nous souhaitons, déclare Nouhoum Maïga, c'est la sécurité des populations que nous assistons. Pas la nôtre comme travailleurs humanitaires. Mais si vous assistez des populations et que quand vous partez, elles se font attaquer, ça ne sert pas à grand-chose."

Human Rights Watch craint que le retrait de la Minusma ne renforce l'impunité, comme le détaille Illaria Allegrozzi : 

"Notre inquiétude concerne le suivi des violations des droits de l'Homme. La Minusma devait assurer ce monitoring et son départ va laisser un vide. Certes, la Minusma présentait des défauts et faiblesses, mais elle était en mesure de mener à bien certaines activités clefs très importantes pour le Mali, un minimum de sécurité dans les centres urbains du Centre et du Nord et elle permettait aux autorités de se déployer dans certaines zones. Sans oublier qu'elle contribuait de manière significative à l'économie locale, par exemple dans le nord du pays."

Sur ce dernier aspect, le départ de Barkhane l'année dernière et celui, en cours, des Casques bleus, se fait déjà sentir sur le marché de Gao.

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