Au Mali, des communautés stigmatisés
24 septembre 2024Une semaine après le double attentat qui a visé des cibles militaires à Bamako, la recherche d’éventuels suspects liés à cette attaque coordonnée se poursuit.
Plusieurs dizaines de personnes ont déjà été interpellées par les forces de défense et de sécurité après l’attaque, la semaine dernière, de l’école de gendarmerie et de la base 101 de l’armée de l’air. Des suspects qui ont été montrés à la télévision nationale.
Mais la suspicion s’est répandue au sein d’une partie de la population, notamment vis-à-vis de la communauté peule, alors que certains assaillants ont été entendus en train de parler cette langue.
Les personnes qui ne comprennent pas la langue locale bamanankan (ou bambara la grande langue de communication au Mali, elle est parlée par 70 à 80% de la population), où ont encore une apparence physique plus chétive, risquent ainsi d’être très vite suspectées.
"J’ai mon beau-frère qui est déficient mental et qui part régulièrement chez sa sœur à Niamakoro, un quartier de Bamako. Les forces de défense et de sécurité l’ont interpellé lors d’une patrouille, estimant que c’est un présumé djihadiste. Alors qu’il n’en est rien. C’est une de ses connaissances qui l’a vu au commissariat de police et qui l’a ramené à la maison. Nous devons faire la part des choses, tout le monde n’est pas djihadiste. Il ne jouit juste pas de toutes ses facultés mentales, sinon il est loin d’être un djihadiste" raconte Fatoumata.
Ce week-end, une autre personne suspectée d’appartenir à un groupe djihadiste a été prise à partie à Yirimadio Zerny par quelques habitants de ce quartier périphérique de Bamako.
Celui-ci a aussi été victime de ses traits physiques. Il a eu la vie sauve grâce aux agents de police.
Lorsque je suis arrivé au quartier Zerny, dès qu’une femme m’a vu, elle a aussitôt crié : c’est un peul, c’est donc un djihadiste. Je lui ai dit que je ne suis ni peul ni djihadiste et qu’elle peut vérifier tout cela sur ma carte d’identité. Je suis Tamasheq et je suis planton de profession. Elle a saisi ma carte d’identité. C’est ensuite qu’ils m’ont conduit au commissariat de police. J’ai par la suite recouvré la liberté", témoigne au micro de la DW cet habitant de Bamako.
Certains responsables culturels, mais aussi des influenceurs sur les réseaux sociaux, ont lancé des appels pour indiquer que, je cite : « tout peul n’est pas djihadiste et que tout djihadiste n’est pas peul.”