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Mali : la vie des déplacés, cinq ans après le coup d’Etat

Mahamadou Kane
18 août 2025

Témoignages de personnes déplacées espérant retourner chez elles à la faveur de ce que les autorités de la transition appellent "la récupération de l’ensemble du territoire".

Image de camp de déplacés de Faladiè
En fin d’année 2024, le nombre de déplacés internes a ainsi atteint plus de 378 000 personnes. Image : Mahamadou Kane/DW

Au Mali, le régime d’Ibrahim Boubacar Keita a été renversé il y a cinq ans jour pour jour. Depuis, ce sont des militaires qui dirigent le pays. Ceux-ci ont décidé de se tourner vers des partenariats dits "gagnant – gagnant " avec des alliés russes ou turcs sur le plan sécuritaire, en lieu et place du compagnon historique français, chassé du pays en 2023.

Le renforcement des capacités militaires des FaMa, l’armée malienne est ainsi la priorité du régime de Bamako. Intéressons-nous à la situation humanitaire dans le pays avec les personnes déplacées qui espéraient retourner chez elles à la faveur de ce que les autorités de la transition appellent " la récupération de l’ensemble du territoire".

En 2025, 6,4 millions de maliennes et de maliens présentent des besoins humanitaires multisectoriels, selon OCHA.Image : Mahamadou Kane/DW

"La situation sécuritaire est toujours fragile sur place"

En 2018, Tenimba, mère de 5 enfants, a fui les violences à Bankass, dans la région de Mopti, dans le centre du pays, en compagnie de sa mère et de son mari. Ceux-ci vivent dans le camp des déplacés de Faladiè dans des abris précaires faits de bâches et d’autres matériaux recyclés qui ne peuvent pas résister au mauvais temps, notamment la pluie. Ici, les problèmes liés aux toilettes aux normes ou encore à l’alimentation sont bien visibles.

Tenimba combine entre tâches ménagères et ramassage des déchets, qu’elle revend ensuite, afin de subvenir aux besoins de sa famille.

Lorsqu’on lui parle du retour dans son Bankass natal, elle se veut franche : "Mais les conditions ne sont pas réunies pour que l’on retourne à Bankass. La situation sécuritaire est toujours fragile sur place. Si nos forces de défense et de sécurité ne partent pas sécuriser nos terres, nous ne pouvons pas faire le premier pas. S’il y a accalmie, nous y retournerons avec plaisir pour mener nos activités champêtres, l’élevage entre autres … ", ajoute Tenimba.

En 2025, 771,3 millions de dollars sont nécessaires pour répondre aux besoins de 4,7 millions de personnes, selon le Plan de Réponse Humanitaire.Image : Olympia de Maismont/AFP

Sadou, le mari de Tenimba, la quarantaine révolue, met pour sa part, l’accent sur les conditions de vie difficiles dans le camp. Celui-ci ne pensait pas rester sur place aussi longtemps.

"Nous manquons de tout ici. Lorsque nous ne pouvons pas cultiver, comment se procurer de la nourriture ? Nous avons donc un fort besoin en nourriture. La nourriture s’accompagne des frais de condiments, et si nous ne l’avons pas, c’est un autre problème. Un centre de santé serait le bienvenu. Par rapport à l’éducation de nos enfants, quelles salles de classes ont été construites, mais jusque-là, nous n’avons pas d’enseignants."

Insuffisance de l'aide

La croix rouge malienne et d’autres organisations humanitairessous la supervision de la direction nationale du développement social, mais aussi quelques personnes généreuses apportent parfois de l’aide composée essentiellement du riz ou encore de l’huile aux déplacés du camp.

Mais ces aides ne sont pas régulières et sont donc en rupture de stock au bout de quelques semaines.

Depuis 2012, le Mali fait face à une profonde crise sécuritaire nourrie notamment par les violences de groupes affiliés à Al-Qaïda et à l'organisation État islamique (EI).Image : Souleymane Ag Anara/AFP/Getty Images

Nous nous rendons chez Awa, en train de tamiser le mil pour faire de la bouillie. La mère de quatre enfants qui a fui les violences dans le centre du pays en 2019, dit vouloir retrouver les siens. Mais, elle doute : " On nous annonce souvent que c’est le retour au calme dans ma zone. Mais très honnêtement, je n’y crois pas. C’était le cas la dernière fois, lorsque nous sommes retournés. La situation était encore pire. "  

Allaye Guindo, maire de Bankass, que nous avons contacté, assure néanmoins que sa localité ne connaît plus d’attaques depuis trois voire quatre 4 mois. Un apparent retour au calme qui n’encourage cependant pas la majorité des quelque 56.000 personnes déplacées de Bankass (chiffre officiel à la date du 31 décembre 2024) à retourner chez elles.

Mais plus globalement dans le reste du pays, au-delà de l’aspect humanitaire, les attaques des groupes terroristes, après le nord et le centre, se dirigent désormais vers des régions comme Kayes, dans l’ouest du pays ou encore Koulikoro à une cinquantaine de kilomètres de Bamako. Une dégradation de la situation sécuritaire qui serait selon le Premier ministre, le général Abdoulaye Maiga, le principal motif de la non tenue des élections.

Même si, la montée en puissance de l’armée, est en même temps, l’argument mis en avant dans les discours officiels des autorités de la transition malienne.