Bradley Manning, le jeune soldat américain stationné en Irak, qui a transmis à Wikileaks des documents secrets, a été reconnu coupable de violation de la loi sur l'espionnage, mais pas de collusion avec l'ennemi.
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À 25 ans, chaussé de petites lunettes et l'air frêle, on a du mal à croire que le soldat Manning a mis en danger la plus puissante armée du monde, celle des États-Unis.
Pourtant entre novembre 2009 et mai 2010, le soldat Manning stationné en Irak, a transmis quelque 700.000 documents secrets à la plate-forme Wikileaks. Et parmi ces documents, une vidéo devenue célèbre : elle montrait l'attaque mortelle menée par un hélicoptère américain contre des civils sans armes.
Pas de soutien à Al-Qaïda
Pour Larry Korb, ancien conseiller de l'administration Reagan pour les questions de sécurité, il est évident que Manning a transmis des documents secrets. Il a donc bien violé la loi sur l'espionnage. Mais Larry Korb, aujourd'hui chercheur au Centre pour le progrès américain, met une autre question en avant :
«La vraie question est de savoir si ces publications ont aidé nos ennemis et miné les efforts américains dans la guerre contre la terreur.Je ne l'ai jamais cru. Dire qu'Al-Qaïda ne savait pas que nous les pourchassions est ridicule. Bien sûr qu'ils le savaient. »
Sur les quelque 22 charges dont il était accusé, la Cour en a retenu 20, en particulier sept condamnations pour violations de la loi sur l'espionnage. Mais la juge militaire l'a déclaré non coupable de l'accusation numéro un, la plus grave : celle de collusion avec l'ennemi. La peine sera prononcée dans les jours à venir. Le jeune soldat risque plus de 100 ans de prison.
Opinion publique divisée
Certains soulignent que ce verdict est un message clair envoyé à tous ceux qui divulguent des documents confidentiels et mettent en danger les États-unis, leurs alliés et ceux qui les servent. D'autres au contraire, comme le journaliste James Bamford, constatent qu'effectivement Manning a transmis un nombre impressionant de documents. Mais d'après lui, la majorité d'entre eux n'auraient même pas dû être classés "secret" car ils ne concernaient pas la sécurité des États-Unis. L'Union américaine pour la défense des libertés, une association des droits de l'Homme, estime que les « fuites à la presse dans l'intérêt du public ne doivent pas être poursuivies pour espionnage ».
Retrouvez dans cette galerie quelques exemples célèbres ou moins célèbres de lanceurs d'alerte, qui ont provoqué la colère de gouvernements ou de grandes entreprises :
Pourchassés et admirés
Rien n'effraie autant les gouvernements ou les grandes entreprises qu'un employé qui révèle leurs secrets. Pour dissuader les candidats, ils se montrent très durs avec les lanceurs d'alerte comme Edward Snowden.
Image : Reuters
Traîtres ou héros ?
Beaucoup considèrent Edward Snowden comme un héros. Pour le gouvernement américain, il est un traître car il a dévoilé au grand public l'ampleur de la surveillance du réseau internet par l'agence de renseignement NSA. L'histoire a montré que les lanceurs d'alerte ("whistleblowers" en anglais) sont rarement traités avec indulgence. Les gouvernements craignent que d'autres ne suivent ces exemples.
Image : Getty Images
Des courriers gênants
Le soldat Bradley Manning a été arrêté en mai 2010. Il était accusé d'avoir fourni à la plateforme Wikileaks des vidéos secrètes ainsi que des courriers diplomatiques. C'est surtout la publication de ces courriers qui a mis les autorités américaines mal à l'aise, car des gouvernements amis y sont critiqués, voire même tournés en ridicule. Le 21 août 2013, Manning a été condamné à 35 ans de prison.
Image : Reuters
Le père de tous les lanceurs d'alerte
Pendant des mois, Mark Felt, qui était à l'époque en 1974 vice-président du FBI, a raconté dans le détail à deux reporters du Washington Post comment l'équipe de campagne de Richard Nixon avait espionné le bureau de ses concurrents démocrates. Richard Nixon fut contraint à la démission mais le nom de l'informateur demeura secret pendant 33 ans.
Image : AP
Protégé par le silence des journalistes
La révélation de l'affaire dite du "Watergate" fut mise au crédit des deux journalistes du Washington Post, Bob Woodward et Carl Bernstein. Mais leur principal mérite est d'avoir protégé leur informateur et d'avoir réussi à vérifier ses informations grâce à d'autres sources. L'ancien agent du FBI a ainsi pu échapper à des poursuites. Il n'a révélé les faits qu'en 2005, trois ans avant sa mort.
Image : AP
Procès sans accusé
Les avocats du lanceur d'alerte russe Sergueï Leonidovitch Magnitski ont plaidé devant une cellule vide en mars 2013. Leur client était décédé quatre ans plus tôt, en 2009 dans des circonstances inexpliquées dans une prison de Moscou. Il avait dévoilé à la presse des cas de corruption dans des entreprises d'État. Il a été poursuivi pour fraude fiscale.
Image : Reuters
Des motivations très diverses
L'ancien employé de banque Rudolf Elmer transmet en 2011 des informations sur 2.000 évadés fiscaux présumés au fondateur de Wikileaks, Julian Assange. Le cas de ce Suisse illustre la diversité des motivations derrière ces actes : sens de la justice pour certains, mais aussi vengeance dans d'autres cas. Les autorités suisses ont lancé une enquête contre Elmer pour violation du secret bancaire.
Image : AFP/Getty Images
Une directive pour protéger les lanceurs d'alerte
Paul van Buitenen s'est heurté en 1996 à l'indifférence de ses supérieurs lorsqu'il a signalé des irrégularités dans la gestion de la Commission européenne. Il s'est alors tourné vers les députés européens. Finalement, les 17 membres de la Commission ont été poussés à la démission. Depuis 2000, il existe une directive européenne sur la protection des lanceurs d'alerte.
Image : Getty Images
Un étrange accident
Karen Silkwood travaillait dans une usine de retraitement du plutonium, dans l'Oklahoma, aux Etats-Unis. S'étant rendu compte que les mesures de sécurité étaient insuffisantes, elle a élaboré un dossier sur ces carences pour la presse. Alors qu'elle était en route pour apporter ce dossier, Silkwood est décédée dans un accident de voiture. Cause officielle de l'accident : fatigue excessive.
Image : picture-alliance/UPI
Inflexible
L'article du Sunday Times dans lequel Mordechai Vanunu révélait l'existence du programme nucléaire israélien n'était pas encore imprimé que déjà Vanunu avait été enlevé par le Mossad, les services secrets. C'était en 1986. Il fut condamné à 18 ans de prison pour trahison. Lors de sa libération en 2004, il affirmait qu'il continuerait à lutter pour la paix et contre les armes nucléaires.
Image : AFP/Getty Images
Vengeance contre l'industrie du tabac
Pour Jeffrey Wigand, que l'on aperçoit ici lors d'une manifestation contre le tabac au côté du maire de New York Michael Bloomberg, la soif de vengeance contre son ancien employeur a probablement joué un rôle. British-American Tobacco l'a renvoyé en 1993. Quatre ans plus tard, il révèle à la télévision que des additifs sont ajoutés aux cigarettes pour rendre les fumeurs encore plus dépendants.
Image : Getty Images
Quelle destination pour Snowden ?
L'ancien consultant de la NSA Edward Snowden est bloqué depuis le 23 juin dans la zone de transit de l'aéroport de Moscou-Cheremetievo. Alors qu'un asile sud-américain avait été évoqué, il a demandé un asile provisoire à la Russie.