En Libye, le chaos continue à profiter aux milices
18 août 2023Les milices libyennes sont étroitement liées aux groupes de combat nés après la révolution de 2011 et la chute de Mouammar Kadhafi.
Le pays est depuis plongé dans le chaos et se retrouve divisé en deux camps, avec deux gouvernements rivaux. L’un siège à Tripoli et est reconnu par l’Onu, l’autre se trouve à Tobrouk, dans l’est du pays.
Pour le moment, toutes les tentatives d'unifier le pays par des élections ont échoué.
Chacun de ces deux camps s'appuie sur des milices lourdement armées. Après des années de combats et d'instabilité, le pays avait retrouvé un semblant de calme cette année.
A l’Est, le général Khalifa Haftar a réussi à stabiliser son commandement de plusieurs milices.
A l’ouest, le nombre de milices a diminué, mais elles sont devenues d’autant plus puissantes et se disputent le pouvoir dans la capitale.
Sous couvert d'agir pour l’Etat
Parmi les groupes les plus influents : la Brigade 444 et la Force Al-Radaa, qui se sont donc affrontés cette semaine. (Les combats ont fait 55 morts et près de 150 blessés).
La plupart des milices sont liées à des institutions officielles et agissent sous couvert de la légitimité de l’Etat "que ce soit au sein d'institutions nouvellement créées ou simplement en tant qu'unités du ministère de l'Intérieur ou de la Défense", écrit Wolfram Lacher, spécialiste de la Libye à la Fondation Sciences et Politique (SWP) à Berlin.
"Mais en réalité, elles représentent en premier lieu les intérêts de leurs chefs, de leurs membres ou de leur base sociale et échappent en grande partie au contrôle de l'Etat".
La Brigade 444, basée au sud de Tripoli, est ainsi liée au ministère de la Défense. Un journaliste local, qui s’est confié sous couvert de l’anonymat à la DW, explique que cette milice bénéficierait, de par son niveau de professionnalisme et de discipline, d’un plus large soutien que d’autres au sein de la population.
Son intransigeance face à la criminalité serait particulièrement appréciée, précise Wolfram Lacher du SWP.
En face, les Forces Al-Radaa sont une milice religieuse. Elle agit comme une sorte de police dans la capitale et contrôle de nombreuses infrastructures, dont l'un des deux aéroports internationaux de Tripoli.
Le groupe est lié au ministère de l’Intérieur mais agit de façon indépendante. Il est connu pour ses arrestations arbitraires, y compris de politiques libyens et d'activistes de la société civile.
Profiter de l’instabilité
Les deux milices s’étaient déjà affrontées par le passé. Comme l’écrit le site d’information anglophone Libya Herald, "des tensions existent car les deux groupes sont en concurrence pour dominer la scène de la sécurité à Tripoli."
Et les experts n'ont aucun doute sur le fait que les milices continueront à jouer un rôle important dans l'avenir de la Libye, notamment dans le secteur de la sécurité. Leurs chefs sont arrivés au sommet des institutions étatiques, selon Wolfram Lacher.
Les milices "jouent habilement de l'insécurité, de l'illégitimité et de l'incapacité générale des politiciens pour s'enrichir et consolider leurs positions au sein des institutions libyennes", écrit Tarek Megerisi, spécialiste de la Libye au sein du groupe de réflexion du Conseil européen pour les relations internationales (ECFR).