A Beni, les cadavres affluent dans des morgues saturées
11 septembre 2025
Dans l'est de la République démocratique du Congo, les rebelles ougandais des Forces démocratiques alliées, les ADF, tuent de plus en plus de civils. Leurs violences se sont accentuées au cours de ces derniers mois. Rien que cette semaine, au moins 89 personnes ont été tuées à Beni et Lubero dans le Nord-Kivu, selon un bilan confirmé par le gouvernement congolais.
Dieudonné Kakule travaille à la morgue de l'hôpital d'Oicha depuis deux ans. Il est témoin de l'arrivée massive des corps de personnes tuées par les rebelles de l'ADF. Chaque jour désormais, Dieudonné est en alerte lorsque l'hôpital est envahi par des personnes qui viennent déposer les corps des victimes à la morgue avant l'inhumation.
Mais Dieudonné a souvent du mal à contenir les gens qui arrivent très affectés et se précipitent pour retirer le corps de leur proche.
Il explique que "les corps arrivent souvent en grand nombre et au même moment. Comme notre salle des morts est trop petite, les corps sont entassés, superposés. Et pour les sortir, on attend les membres de famille qui identifient le leur pour ensuite associer les parties amputées au reste du corps. Tout le monde veut entrer au même moment et malheureusement ils manipulent les corps qui ont encore du sang partout".
Absence de précautions sanitaires et risques de contamination
Le médecin directeur de l'hôpital d'Oicha craint des risques de contamination suite à la manipulation des corps à la morgue qui ne peut contenir que six corps. Mais cette semaine, elle en a accueilli jusqu'à 18. Des corps de civils tués dans la récente attaques des ADF près d'Oicha.
Docteur Esaïe Nzala s'inquiète des mauvaises conditions d'hygiène à la morgue. Selon lui "quand les corps sont dans cette salle de morts qui n'a pas de frigo et à ciel ouvert, avec la putréfaction, quand on manipule des corps comme ça, sans être protégé, il y a toujours un risque de contamination même une résurgence des maladies à potentiel épidémique. C'est vraiment un problème sérieux. Le respect des morts obligerait de les conserver au froid".
L'est de la RDC fait face aux violences des groupes armés depuis plus de dix ans. Dans son rapport publié en début d'année sur la situation en Ituri, l'ONG Médecin sans Frontières déplorait "des attaques perpétrées contre des civils, faisant plusieurs centaines de morts et de blessés". Ces blessés sont difficilement prise en charge par des hôpitaux locaux qui se sentent souvent débordés par l'afflux des rescapés.
Manque d'équipements spécialisés dans les hôpitaux
Charles Masereka est orthopédiste à l'hôpital d'Oicha. Depuis dix ans, il soigne des rescapés de massacres des ADF, mais il manque souvent de moyens et des matériels appropriés pour des soins d'urgence.
Il explique que "les matériels spécialisés nous n'en avons pas, on se débrouille d'une manière locale, nous avons souvent des difficultés pour la prise en charge. Il y a ceux qui n'accèdent pas vite aux soins de santé puisque souvent les gens sont dans la brousse, un peu loin. Lorsqu'il n'a pas eu un bon samaritain, il va se débrouiller lui-même, malgré les blessures, pour atteindre un petit chemin où il peut trouver un motard. La plupart viennent dans de mauvaises conditions".
Depuis 2022, le CICR a ouvert à Beni un pavillon médical pour la prise en charge gratuite des blessés par balle ou arme blanche. Des malades y arrivent après avoir reçu des soins d'urgence dans des hôpitaux périphériques.