Mozambique : le bras de fer continue
7 novembre 2024La journée de ce jeudi 7 novembre a été marquée par de nouveaux troubles. Des milliers de personnes ont envahi les rues de Maputo à l'appel du principal opposant, Venancio Mondlane, qui dénonce les résultats de la récente élection présidentielle.La situation est tendue dans le pays depuis l'élection du nouveau président, Daniel Chapo, en octobre.
Une journée "de libération du Mozambique" : c'est ainsi que l'opposant Venancio Mondlane a baptisé ce jeudi. Depuis plusieurs semaines maintenant, l'opposition est engagée dans un bras de fer avec le pouvoir et refuse de reconnaitre la victoire proclamée du Frelimo, le parti qui dirige le Mozambique depuis près de 50 ans.
Comme lors de précédentes manifestations, celle de ce jeudi a été marquée par des heurts.
L'analyste mozambicain Fredson Guilengue, qui travaille pour la fondation Rosa Luxemburg en Afrique du Sud, rappelle que le régime essaie d'utiliser la force pour empêcher les gens de manifester, mais, selon lui, cette stratégie ne semble pas fonctionner.
"L'un des problèmes est que les gens attendent du gouvernement qu'il leur parle des changements qu'ils espèrent", mais le gouvernement ne communique pas déplore l'expert qui craint que "le gouvernement accentuera la violence juste pour mettre fin aux manifestations".
Des élections contestées
Depuis les premières élections multipartites, organisées en 1994, chaque résultat électoral au Mozambique a été fortement contesté, non seulement par les figures de l'opposition, mais aussi par des analystes indépendants.
En 30 ans, aucun résultat n'a été jugé crédible, selon Fredson Guilengue, qui ajoute que les allégations récurrentes de fraude électorale, le contrôle permanent du parti au pouvoir sur les élections, et le système judiciaire, ne font qu'aggraver le manque de crédibilité du Frelimo.
Cette année, le mécontentement des Mozambicains est palpable partout à Maputo et au-delà. Des protestations ont éclaté juste après la publication des résultats des élections, le 24 octobre, l'opposition accusant le Frelimo de fraude électorale.
Les partisans du leader de l'opposition, Venancio Mondlane, ont déposé une plainte auprès de la Cour constitutionnelle et sont descendus dans la rue pour protester après l'annonce des résultats officiels par la commission électorale du pays.
Bien que Venancio Mondlane, âgé de 50 ans, se soit présenté en tant que candidat indépendant, il a bénéficié du soutien de Podemos, le Parti optimiste pour le développement du Mozambique, qui a officiellement remporté plus de 20 % des voix.
Le candidat du Frelimo, Daniel Chapo, a remporté l'élection présidentielle avec plus de 70% des voix, selon le décompte officiel. Le candidat du principal parti d'opposition traditionnel du Mozambique, la Renamo, a pour sa part terminé à une lointaine troisième place, avec moins de 6% des voix.
Selon le sociologue mozambicain Elisio Macamo, qui travaille à l'université de Bâle en Suisse, en dépit de la répression, les lignes ont bougé au Mozambique.
"Les manifestations changent la donne" assure-t-il d'autant plus que "les jeunes n'ont plus peur".
Pour le sociologue "l'accent est maintenant mis sur la fraude", mais il dit ne pas penser que "la victoire du Frelimo puisse être expliquée uniquement par la fraude".
Désinformation et contrôle numérique
" Il y a des fausses informations qui circulent ", explique Elisio Macamo, qui souligne que si toutes les tentatives de manipulation en ligne ne peuvent être attribuées au gouvernement, certaines sont en effet directement "liées au parti Frelimo” et qu'elles sont stratégiquement conçues pour contrecarrer les récits qui viennent de l'opposition”.
Le sociologue ajoute par ailleurs qu'une autre méthode utilisée par le gouvernement pour maintenir son influence après les élections consiste à imposer de sévères restrictions à l'accès à internet.