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Tribune : du temps pour guérir les blessures en Namibie

Daniel Pelz
29 mai 2021

Berlin a reconnu avoir commis un génocide en Namibie pendant la période coloniale. Un grand pas sur le long chemin de la réconciliation, estime Daniel Pelz.

Image : Jürgen Bätz/dpa/picture alliance

L'Allemagne assume enfin la responsabilité du génocide des Hereros et des Namas. Enfin, un président allemand prononcera des paroles qui étaient attendues dans le sud-ouest de l'Afrique depuis plus de 100 ans. Enfin, l'Allemagne ne tentera plus d’occulter, de déprécier ou d’essayer d'ignorer un crime cruel, commis par des Allemands.
Enfin. Un grand pas…. du point de vue allemand. Les premières réactions de la Namibie semblent toutefois différentes : la reconnaissance est "un pas dans la bonne direction" selon le porte-parole du président namibien qui s’est exprimé avec prudence et diplomatie. Mais tous n’ont pas eu le même tact.

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Manifestation à Windhoek en NamibieImage : Sonja Smith/AP Photo/picture alliance

Des représentants Hereros en colère

Escroquer ! Insulter ! Manœuvres de relations publiques ! Certains chefs traditionnels des Hereros et des Namas, ainsi que des politiciens de l'opposition, se déchaînent. Ils souhaitaient négocier directement avec le gouvernement fédéral. 
Ils sont en effet sceptiques au sujet de la promesse faite que les Hereros et les Namas bénéficieront prioritairement du programme de développement qui est prévu. Ils prennent mal aussi le fait que le gouvernement fédéral a souligné à maintes reprises qu'il n'y a pas de fondement juridique pour une indemnisation – ils ont le sentiment que le gouvernement allemand considère cela comme une sorte de cadeau. 
Bien sûr, il y a aussi des Hereros et des Namas qui soutiennent l'accord. Mais personne ne sait qui représente la majorité.
Une grande partie de la responsabilité incombe désormais aux deux gouvernements. Car la réconciliation n’a de valeur que si la majorité des Namibiens l'accepte. Cela ne peut se faire que sur la base de la confiance.
Le président Steinmeier a l’opportunité de trouver les mots justes. La chance est là : le président allemand est un homme qui connaît le pouvoir des mots et qui peut trouver le bon ton au bon moment.

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Les gestes comptent

Mais les gestes comptent aussi. Des excuses au Parlement namibien seraient un geste fort. Mais il est tout aussi important d'exprimer cette demande de pardon là où le génocide a effectivement eu lieu : dans les territoires Hereros et Namas. Devant les monuments commémoratifs des victimes et devant leurs descendants.
Et ensuite ? Alors le travail commence vraiment. Les excuses ne doivent pas être une fin, elles doivent être un début. La réconciliation commence lorsque les rues et les monuments allemands ne rappellent plus les acteurs du colonialisme allemand en Namibie mais permettent plutôt de se souvenir des victimes.

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Heiko Maas le ministre allemand des affaires étrangère.Image : Tobias Schwarz/AFP/dpa/picture alliance

Deuil commun

La réconciliation commencera lorsque les manuels scolaires et les programmes scolaires allemands ne cachent plus le génocide mais l'abordent ouvertement. La réconciliation commencera lorsque les touristes allemands en Namibie ne se contentent plus de voir que les bâtiments pittoresques de l'époque coloniale mais la terrible histoire qui se cache derrière eux. 
La réconciliation commencera lorsque ce ne sont plus seulement le président fédéral et le gouvernement fédéral qui soutiennent l'histoire allemande en Namibie mais une majorité d'Allemands.
La réconciliation commencera lorsque le peuple namibien, en particulier les Hereros et les Namas, croient en la sincérité de l'Allemagne. Enfin, la réconciliation commencera lorsque les Allemands et les Namibiens pleurent ensemble les victimes. 
Mais il reste pour cela encore un très long chemin à parcourir.