Niger : recrudescence des attaques terroristes à Tillabéry
18 septembre 2025
"Nous étions dans un désordre sécuritaire. Je dois dire qu'en 2024, c'est l'année de la prise en compte effective de notre défense nationale et de notre sécurité." Ces propos du ministre nigérien de la Défense ont été diffusés à la télévision nationale en janvier 2025. Salifou Mody assurait alors la "montée en puissance" de l’armée nigérienne après le coup d'État du 26 juillet 2023.
Une progression qui n’est pourtant pas perceptible sur le terrain.
"L’année 2024 a été particulièrement meurtrière, avec près de 1 900 morts, et en 2025 on a déjà dépassé ce chiffre, notamment pour les civils. Si l’on compare les deux années avant et après le coup d’État de juillet 2023, on observe environ 1 700 morts supplémentaires, ce qui illustre la dégradation de la situation sécuritaire", affirme Heni Nsaibia, chercheur spécialiste du Sahel pour l’Acled, une ONG qui recense les victimes de conflits dans le monde.
Le chercheur explique qu' "en réalité, le nombre d’attaques n’a pas forcément augmenté, mais elles sont devenues beaucoup plus meurtrières, en grande partie à cause de l’État islamique au Sahel, responsable de la majorité des victimes, notamment dans le nord de Tillabéry."
Tillabéry région meurtrie
En une semaine, la région de Tillabéry a subi deux attaques. D’abord, celle du 11 septembre, conduite par des éléments du groupe EIGS, la branche sahélienne de l'État islamique, et qui a provoqué la mort de 27 militaires.
Puis celle de lundi dernier qui a tué 22 villageois, de la localité de Takoubatt, qui assistaient à une cérémonie de baptême.
A Niamey, des acteurs de la société civile alertent désormais sur cette recrudescence des attaques terroristes. Le Cercle indépendant de réflexions et d’actions citoyennes (Cirac), dont Diatta Joachim est le président par intérim, demande aux autorités militaires d’établir un plan de riposte pour en finir avec les djihadistes.
"Ce que nous demandons aux autorités, c'est l'anticipation. Cette prévention, elle est d'abord militaire, c'est-à-dire que ces mercenaires, il faut aller les chercher, il faut les traquer jusque dans leurs derniers retranchements, par le renseignement, et la seconde option, c’est de développer ces régions" , insiste Diatta Joachim.
Recrudescence des attaques malgré l’AES
Pour Abdoulaye Sounaye, chercheur et spécialiste des groupes djihadistes dans le Sahel, "les djihadistes ont acquis une grande confiance", ce qui explique la facilité qu'ils ont a attaqué.
"Mais aussi du fait de la perte de vitesse des armées de la sous-région. Au Niger, au Mali et au Burkina, malheureusement, ce sont plutôt ces groupes armés qui montent en puissance. Ces trois pays sont confrontés à un problème de ressources financières" , ajoute le chercheur.
Mais pour Issoufou Yahaya, historien et politologue, il faut relativiser la thèse de l'incapacité des autorités militaires face aux attaques terroristes.
"Cette insécurité, il faut voir aussi son enracinement, dit-il. Toutes les forces dites occidentales qui étaient dans cet espace-là n'ont pas pu, en presque une décennie, venir à bout de ces groupes terroristes. Donc il serait un peu facile de mettre le doigt sur la persistance de l'insécurité au sein de l'AES, sachant que ces pays ne comptent que sur eux-mêmes aujourd'hui", analyse-t-il.
La recrudescence des attaques djihadistes au Niger peut également s’expliquer par le fait que beaucoup de militaires compétents ont abandonné le terrain de la lutte contre le terrorisme, au profit des "bureaux climatisés de Niamey", ajoute le chercheur et spécialiste des groupes djihadistes dans le Sahel, Abdoulaye Sounaye.