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GenZ, une génération qui veut faire bouger les lignes

19 décembre 2024

En Afrique, les moins de 30 ans sont attirés par les grandes villes. Quel rôle politique joue cette population jeune en pleine croissance ?

DW Egendreh | Entführungen und Morde in Kenia
Image : DW

Environ 70% de la population du continent africain a actuellement moins de 30 ans. Et à partir de 2035, la plupart des Africains vivront en milieu urbain. Cela va changer de manière radicale les équilibres politiques sur le continent. C'est pourquoi des chercheurs se penchent sur les défis démographiques et politiques qui vont se présenter, afin d'anticiper la façon de vivre ensemble dans les sociétés africaines de demain. 

Changement démographique et participation politique

GenZ. C'est le nom donné à ces jeunes qui sont descendus dans la rue, cette année, à Nairobi. Des jeunes nés entre 1995 et 2010. Leur mouvement a contraint le président kényan William Ruto à suspendre la hausse des taxes prévue sur le pain, l'huile et le carburant et à remanier son gouvernement.

Titus Kaloki est directeur du programme „Just Cities" et Politique pour la Fondation Friedrich Ebert au Kenya. Il s'intéresse aux mouvements de protestation récents organisés par la GenZ.

Il explique que ce que ces "GenZies ont réussi à faire, c'est de commencer à démystifier des choses complexes comme les lois fiscales, les documents légaux - de les rendre lisibles, compréhensibles, de les traduire dans différentes langues"  ils ont ensuite fait en sorte que "les jeunes des villes aillent discuter avec leurs homologues des campagnes pour leur expliquer ces choses."

Le mouvement des jeunes au Kenya a contraint le président kényan William Ruto à suspendre la hausse des taxesImage : Monicah Mwangi/REUTERS

Lena Gutheil participe au projet de recherche Megatrends Afrika, financé par l'Institut public allemand du développement durable (Idos). Elle constate que l'urbanisation des jeunes Africains oblige à penser ensemble, dorénavant, changement démographique et participation politique.

Selon elle on peut "certainement miser sur une hausse des mouvements de contestation dans les prochaines décennies". Mais il y a aussi le fait que les partis d'opposition ont selon elle "plus de succès dans les villes que dans les campagnes. Ou encore, que le populisme risque d'augmenter dans les quartiers pauvres où vivent beaucoup de jeunes."

La Fondation Friedrich Ebert a passé ces quartiers informels à la loupe en 2022. L'étude souligne que ces quartiers résultent de la partition de l'espace durant l'ère coloniale. Selon elle, près de 70% de ces cités informelles remplissent des fonctions économiques de base et sont de "véritables moteurs pour la croissance". Sauf que ce n'est pas l'image que le reste de la société en a. Alors beaucoup de leurs habitants, se sentant exclus, ne participent pas au processus politique officiel.

Or, pour Lena Gutheil, "une démocratie doit être performante, pour que les gens soient aussi à nouveau convaincus que le système fonctionne".

D'où l'urgence double, d'après elle, d‘améliorer les infrastructures et les services publics, tout en renforçant les structures démocratiques. La chercheuse observe en effet que les jeunes citadins vont de moins en moins voter et qu'ils rejoignent moins volontiers que leurs aînés les rangs des partis politiques traditionnels. La protestation est la forme privilégiée de leur expression démocratique.

Les jeunes n'hésitent pas à protester pour se faire entendreImage : TONY KARUMBA/AFP/Getty Images

Planifier et rester attentif

Titus Kaloki appelle l'Union européenne à revoir sa façon de promouvoir la démocratie. "Il ne suffit pas d'insister sur des principes, estime-t-il. Il faut aussi que ceux-là soient intégrés dans une planification stratégique et accompagnés d'un budget".

Par exemple, explique Titus Kaloki, une entreprise telle que Siemens pourrait, appuyée par des financements européens, construire des transports publics rapides à Nairobi. Cela profiterait à l'entreprise, à l'Union européenne et aux habitants de Nairobi, dont 40% doivent actuellement effectuer la plupart de leurs déplacements à pied.

Le chercheur se dit "optimiste mais inquiet" : si les revendications de la GenZ au Kenya ont déjà fait des émules, en Ouganda ou au Nigeria par exemple, Titus Kaloki rappelle que dans les pays sahéliens de l'AES, en revanche, de nombreux jeunes ont tendance à soutenir les régimes autoritaires.

C'est pourquoi Titus Kaloki recommande instamment d'être "très attentif à la manière dont les mouvements GenZ se mobilisent, communiquent entre eux et se protègent de la désinformation et des chambres d'écho".