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Briser des tabous grace aux contes

Bangaly Condé
10 février 2022

Les Nuits du conte africain à Conakry sont une opportunité pour aborder des thématiques comme les violences contre les femmes.

La Kora est au coeur des contes et légendes
La Kora est au coeur des contes et légendes Image : Franz Perc/chromorange/picture alliance

C’est à travers une chanson historique du XIIIè siècle que la troisième édition des Nuits du conte africain a démarré au Palais du peuple de Conakry.

"La musique dans la charte de Kouroukanfouga dit dans un article : n’offensez jamais les femmes, nos mères. En plus de ses occupations quotidiennes, la femme doit être associée à tous nos gouvernements. Cet article ne vient pas de l’Occident. Il existe dans cette charte depuis 1236 après la bataille de Kirina", lance son initiateur, Moussa Doumbouya alias Petit Tonton Conteur, organisateur des festivités.

Moussa Doumbouya alis Petit Tonton conteurImage : Alpha Baldé

Durant cette édition consacrée aux contes et légendes en Afrique, l’accent est particulièrement mis sur les violences faites aux femmes et aux filles. Un phénomène qui prend une proportion inquiétante dans la sous-région.

Le conteur togolais Alassane Sidibé estime qu’il est urgent d’accroître la sensibilisation afin de freiner le phénomène :

"Nous avons beaucoup parlé de la femme et les violences faites aux femmes. Nous avons voulu sensibiliser et dire non aux violences parce que les femmes sont nos mères, nos sœurs. Et personne ne doit faire du mal à la femme. Bien que cela ne soit pas la thématique principale abordée, nous avons tout de même beaucoup parlé de la femme et de sa liberté."

La place de l'oral

Parmi les autres thèmes abordés par les conteurs, figure la place qu’occupe l’oralité dans les cultures africaines. Le conteur sénégalais, Massamba Gueye décrit ainsi la place de la parole en Afrique.

"Pour nous, la parole dans un espace de conte, ce n’est pas le dire seulement parce que ce que l’on dit n’est pas forcément une parole. Ce qu’on retient et qui fonde le caractère de l’homme et qui sauve la société, c’est cela la véritable parole. Elle doit être esthétique, mais elle doit avoir un sens. Comme le disait Amadou Hampâté Bâ : si la parole est un fruit dont l’écorce s’appelle bavardage, la chair éloquence, et le noyau bon sens. Donc nous travaillons sur le noyau de la parole pour rendre une ancienne parole moderne et esthétique dans un espace moderne pour que les hommes et les femmes comprennent qu’on peut tout dire dans un conte et que chaque conte contient plusieurs thématiques."

Le conteur burkinabè Kientega Pingdéwende Gérard Image : Arsène Loya

Venu du Burkina Faso, Kientega Pingdéwende Gérard  se décrit comme le défenseur des forgerons car pour lui, l’inamovible enclume a joué un rôle important dans les contes africains et dans le règlement des conflits.

"Les solutions aux problèm,es existent, c’est la raison pour laquelle nos ancêtres nous ont appris le savoir et le savoir-faire dans des éléments de la nature que nous devrons observer et écouter pour ressortir ces éléments là et résoudre les problèmes qui minent les sociétés face aux problèmes.  Je suis venu ici en tant que conteur pour partager cette parole qui vient de l’inamovible enclume car c’est très important."

Chants et musiques

La nuit des contes, c’est aussi un moment de chants et de joie pour les griots considérés comme les détenteurs de la tradition orale. Manamba Kanté, l’une des filles du célèbre griot électrique Mory Kanté en profite pour reprendre une partie de l’histoire du Fouta Djallon en chasson en présence de plusieurs personnalités culturelles présentes parmi les nombreux spectateurs venus vivre cet évènement culturel et hautement traditionnel.

Sansi Kaba Diakité dirige la Maison d’édition Harmattan Guinée apprécie l'initiative qui permet le retour aux sources.

"Dans le passé, nos mères se mettaient autour du feu avec les petits enfants pour leur raconter l’histoire, pour leur prodiguer des leçons de morales. Ces contes et légendes, je les trouve formidables. C’est comme ça qu’on va transmettre nos histoires aux enfants. Moi je suis avec mon garçon de trois ans, il a beaucoup de contes à la maison mais voir les vrais conteurs, les spécialistes du conte. C’est merveilleux et c’est magnifique."

Cliquez sur l'image pour écouter

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Plusieurs Guinéens commencent à s’intéresser à la nuit du conte. Son promoteur Moussa Doumbouya dit Petit Tonton est heureux d’avoir pu organiser la rencontre à Conakry :

"J’ai un devoir de transmission, comme je suis en quête de l’ancestral. Et le peu que je connais, j’ai le devoir de le transmettre aux jeunes africains. Il s’agit de faire en sorte que notre combat soit gagné par le retour aux sources, le retour véritable de notre identité culturelle. Pour moi, ce combat est très important."

Plusieurs observateurs estiment cependant qu’avec les nouvelles technologies et l’émergence des réseaux sociaux comme Facebook, les contes et légendes ont tendance à disparaitre dans les sociétés africaines.

Même dans village ou les contes étaient orginsés au clair de de lune se raréfient ou n’existent plus. Ainsi, la nuit des contes africains est une belle opportunité pour valoriser les récits et légendes en zones urbaines.