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Opinion : le temps de l'apaisement en Côte d’Ivoire ?

15 juillet 2022

Georges Ibrahim Tounkara, journaliste à la DW, revient sur la rencontre entre Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié.

Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo posent pour une photo de groupe
Le vrai test pour la réconciliation, ce seront les élections, estime le journaliste Georges Ibrahim TounkaraImage : Julien Adayé/DW

La rencontre entre Alassane Ouattara et ses deux prédécesseurs, Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié, qui a eu lieu le jeudi 15 juillet au palais présidentiel, est une première depuis plus de 10 ans, depuis la période électorale de 2010.

La rencontre intervient dans un climat apaisé et suscite beaucoup d'espoirs. 

Assurément, que de nombreux Ivoiriens auraient aimé entendre à l’issue de la rencontre, que ces trois hommes, ne seront pas candidats à la présidentielle de 2025.

Trois hommes qui depuis plus de trois décennies, dominent la vie politique ivoirienne. Trois hommes que la plupart des Ivoiriens rendent responsables des crises successives qu’a connues le pays depuis le décès de son premier président, Félix Houphouët Boigny, en 1993.

Mais, comme le dit l'adage, "un tiens, vaut mieux que deux tu l'auras". Même s’ils n’ont pas fait de déclaration de retrait de la vie politique, ni conclu un accord sur la libération des détenus politiques ou des réformes électorales, le fait qu’ils se soient retrouvés vient consolider les espoirs pour l’avenir politique de la Côte d’Ivoire, un pays qui peine à tourner la page des violences électorales. Plus de 3 000 morts en 2010-2011, au moins 85 morts en 2020. 

Espoirs nés surtout du retour au pays de Laurent Gbagbo, le 17 juin 2021, après son acquittement définitif par la Cour pénale internationale, la CPI où il était jugé pour sa responsabilité présumée dans les crimes consécutifs à la crise postélectorale de 2010-2011.

Le retour de Laurent Gbagbo aura certainement permis d’apaiser les cœurs de nombreux partisans de celui que d’aucuns présentent comme le père de la démocratie ivoirienne.

Il a même reçu sans complications, en octobre 2021, la reconnaissance des autorités actuelles pour sa nouvelle formation politique, le PPA-CI, qui mène ses activités sans entraves. Plusieurs de ses proches, dont Justin Koné Katinan et Damana Pickass, sont rentrés d’exil. Son ancien allié, Charles Blé Goudé, a aussi désormais son passeport, un sésame qui devrait bientôt lui permettre de retourner en Côte d’Ivoire.

Henri Konan Bédié (à gauche), Alassane Ouattara (au centre) et Laurent Gbagbo (à droite), le 15 juillet au palais présidentielImage : Julien Adayé/DW

La rencontre des trois dinausores ne devrait pas surprendre ceux qui ont suivi l’élection, le 7 juin dernier, du nouveau président de l’Assemblée nationale, Adama Bictogo. Aussi bien le parti de Laurent Gbagbo que celui de Henri Konan Bédié, avaient appelé à voter pour ce candidat présenté par le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), le parti au pouvoir. "Nous voulons donner notre part de signal, à notre pays pour que le processus de réconciliation tant espéré par tous, devienne enfin une réalité pour tous", indiquaient d'ailleurs les deux formations politiques dans une déclaration publiée avant le vote. 

Mais, cette embellie ne saurait passer sous silence une interrogation. Que dis-je, une équation à résoudre et pas des moindres : le cas Guillaume Soro. L’ancien chef rebelle à qui Alassane Ouattara doit en partie sa victoire militaire sur Laurent Gbagbo il y a une dizaine d'années, est devenu son pire ennemi. En exil depuis plus de deux ans, il a été condamné en juillet 2021, par contumace, à la prison à perpétuité, pour "atteinte à la sûreté de l'Etat".

Pour certains observateurs de la scène politique ivoirienne, il représenterait la véritable menace qui plane sur le pouvoir et même sur le pays en raison de ses connections au sein de l'armée ivoirienne.

Quelques jours après la dernière présidentielle mouvementée d’octobre 2020, il était le seul homme politique à avoir ouvertement fait appel à l’armée en vue de faire barrage à Alassane Ouattara.

Guillaume Soro, ancien chef rebelle et ancien Premier ministre Image : Charles Platiau/Reuters

Aussi difficile que cela puisse paraître, une réconciliation avec Guillaume Soro devrait bénéficier au climat d'apaisement, quitte à convaincre l'ambitieux ex-leader des Forces nouvelles, à renoncer définitivement à la voie des armes.

En attendant, le premier test pour la réconciliation et pour confirmer l'apaisement du climat politique, sera les élections locales de l'an prochain. On saura alors si le climat politique a vraiment changé.