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Le coût humain de "l'or du sang" en RDC

31 décembre 2022

Dans l'est de la RDC, les Maï-Maï Yakutumba contrôlent plusieurs mines d'or. Dans la mine de Mitondo, les mineurs sont contraints de payer une taxe au groupe armé.

Un mineur tient un gramme d'or dans sa main.
La grande majorité de l'or en provenance de la RDC passe illégalement à la frontière.Image : John Irungu/Mariel Müller

Selon un rapport de l'Onu, les Maï-Maï Yakutumba contrôleraient les mines de Makungu, Kuwa et Mitondo situées autour de la ville de Misisi. En decembre 2021, Ils ont forcé les autorités gouvernementales à quitter la mine de Mitondo et ont nommé une administration parallèle pour la gouverner.

C'est la première fois que des journalistes ont accès à cette mine d’or de Mitondo où la chaleur est étouffante et la température avoisine les 40 degrés Celsius. 

Dans des tunnels d'un mètre de large, des jeunes hommes grattent une roche aurifère. Les mineurs ont une technique de respiration spéciale pour supporter la chaleur. Des respirations plates et régulières pour éviter les évanouissements. Ces mineurs gagnent à peine de quoi vivre malgré les risques qu’ils prennent.  

Plusieurs mines en RDC sont contrôlées par les rebelles.Image : Arsène Mpiana

Il y a six ans, plus de 20 personnes ont été enterrées vivantes dans l’effondrement d’une mine voisine. "J'étais là avec mes trois frères et d'autres mineurs. Ils ont tous été piégés dans la mine. Même maintenant, leurs corps sont encore à l'intérieur. J'étais triste, vraiment triste. Mais je ne peux pas être triste longtemps. Je dois gagner ma vie", raconte Patrice, un mineur, à la DW. 

Selon un récent rapport de l'Onu, environ 150 mineurs se trouvent sur le site de Mitondo qui est sous le contrôle du groupe armé des Maï-Maï Yakutumba. La mine produit entre un et deux grammes d'or par semaine. 

Mineurs extorqués

Les rebelles exigent des taxes de chaque travailleur. Ce que confirme un des mineurs qui, par peur de représailles, veut rester anonyme. Nous l’appellerons Michael. 

"Ils m'ont battu avec une barre de fer parce que je ne pouvais pas payer leur taxe. Puis ils m'ont jeté dans un trou de boue pendant des jours, sans nourriture. J'ai été emprisonné là avec six autres personnes." 

Le nouveau code minier est entré en vigueur en 2018.

D'autres mineurs racontent des histoires similaires. Les Maï-Maï Yakutumba et les représentants du gouvernement local n’ont pas voulu répondre à nos questions concernant les taxes. Il semblerait que les rebelles travaillent avec les autorités locales et partagent même les bénéfices avec elles. 

Le traffic de l'or source de conflit

Cet argent financerait aussi des attaques contre les Banyamulenge, un groupe ethnique que les Maï-Maï considèrent comme leur principal ennemi. Ils brûlent donc leurs villages, violent et tuent les habitants.  

Esther Nanduhura a survécu à l'une de ces attaques.   

"Ils nous ont trouvés à l'endroit où nous avions cherché refuge et ils ont tué trois personnes. Puis ils ont assassiné mon beau-père et blessé ma belle-mère." 

Le contrôle des mines d’or par les rebelles est source de conflit; mais cela ne dissuade pas l’homme d'affaires Yasin Karim Somji. Le directeur général adjoint de Congo Gold Raffinerie prévoit bientôt d'ouvrir la première raffinerie d'or du pays et d'exporter le précieux métal de la RDC vers l'Europe et l'Amérique.  

"En ce moment, nous discutons beaucoup avec le gouvernement. Ils vont vérifier tous les artisans qui viennent travailler ici, ils vont essayer de retracer comment ça se passe et peut-être que ça va aider. J'espère que ça va aider", rassure Yasin Karim Somji.

Cliquez sur l'audio pour écouter le reportage

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Il sera néanmoins  difficile de s'assurer que l'or qui sort de la région n'est pas lié aux rebelles. Selon les négociants, les certificats de traçage sont falsifiés pour cacher l'origine réelle de l'or. Esther Nanduhura appelle à la fin du commerce de l'or du sang.  

"J'ai entendu dire que les Maï-Maï vendent de l'or aux blancs pour acheter des armes. Je veux dire à ces blancs d'arrêter de leur acheter de l'or. Pour qu'ils ne nous tuent pas avec ces armes."

Pour Esther, l'équation est simple : tant que les groupes armés pourront tirer des profits de l'exploitation de l'or, ils continueront à gagner de l'argent pour tuer.  
La publication de ce reportage, d'abord en anglais, par la DW a eu une conséquence très concrète. En effet, le 8 décembre dernier, l'Union européenne a décidé de mettre sur la liste de ses sanctions William Yakutumba, le chef des Maï-Maï Yakutumba.

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