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Mali : Oumar Mariko critique une transition sans fin

26 mars 2024

Ce mardi 26 mars marque officiellement la fin de la période de transition au Mali qui s'est ouverte avec le coup d'État militaire d'août 2020. Mais les militaires semblent ne pas vouloir quitter le pouvoir.

Oumar Mariko, politicien malien
Oumar MarikoImage : Sadio Morel-Kanté

DW : Oumar Mariko, bonjour! Vous avez quitté le Mali depuis 2022 et depuis ce temps-lá, vous vous êtes fait très rare dans les médias. Pourquoi avez-vous accepté aujourd'hui de parler ?

 

Oumar Mariko : J'ai accepté de parler parce qu'il fallait laisser le temps que beaucoup de gens comprennent par eux-mêmes la situation, aussi ceux qui m'ont accusé et étalent au grand jour tous leurs propos. C'est ce qui a fait que je me suis tue. Je me suis dit que maintenant nous sommes à l'anniversaire du 26 mars 1991, jour pour jour, et j'étais un des acteurs majeurs de ces soulèvements. Je ne peux pas laisser ce mois passer sans absolument rien dire.

 

DW : Ce 26 mars marque officiellement, justement, la fin de la période de transition qui s'est ouverte aussi avec le coup d'État militaire d'août 2020. Mais les militaires maliens semblent déterminés à rester au pouvoir. Combien de temps faut-il encore aux militaires pour rendre le pouvoir aux civils ?

 

Oumar Mariko : Mais ces militaires ne sont pas dans l'optique de rendre le pouvoir qu'ils ont volé au peuple malien, aux civils maliens. Ils ne sont pas du tout dans cette optique. Et ça, c'était dès le départ. Bien myope, celui qui ne l'a pas vu et bien myope, celui qui n'a pas pu le dire en son temps.

Donc ces militaires n'ont eu comme art de diriger ce pays que par la roublardise, le mensonge, la diffamation pour faire perdurer la situation et puis la tenue de langage fondamentalement démagogique.

DW : Pourtant, Oumar Mariko, vous faites partie de ceux-là qui avaient applaudi le changement de régime au Mali.

 

Oumar Mariko : Absolument. J'ai applaudi au changement de régime au Mali parce que c'est aussi mon œuvre. Enfin, je n'ai pas seulement applaudi, je me suis battu. C'est beaucoup plus correct de dire que je me suis battu pour le changement de régime que de dire que j'ai applaudi au changement de régime. Je me suis battu pour ça et les militaires sont venus s'ajouter au lot.

D'ailleurs, j'ai tenu des propos du genre tout le monde ensemble, militaires et civils, venez ensemble, qu'on se mette ensemble, qu'on change le pays.

Ils sont venus dans ce contexte-là, mais au lieu qu'on change ensemble, ils ont pris la direction des choses en mettant par les armes tout le monde dehors.

Oumar Mariko, président du parti Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (Sadi), a fui le Mali après une tentative d'arrestation le visantImage : Sadio Morel

DW : Mais franchement, qu'est-ce qui n'a pas marché entre vous et les militaires ?

 

Ce n'est pas une histoire entre les militaires et moi qui n'a pas marché. C'est moi qui ai continué mon combat de protection du peuple malien, mon combat de dénonciation des injustices et des abus de toutes sortes.

Les militaires sont venus dire que ce combat est le sien et quand eux, par les armes, ont abrégé notre combat contre le régime de Ibrahim Boubacar Keïta, ils ont confisqué le pouvoir pour continuer dans la même trajectoire. Et moi, j'ai suivi la trajectoire contraire. Alors donc, ce n'est pas quelque chose qui a marché ou pas marché entre nous. C'est eux qui ont voulu poursuivre et qui poursuivent ceux contre lesquels nous nous sommes battus. Voilà pourquoi ça ne pouvait pas marcher entre nous.

DW : Mais parmi les militaires, il y en a qui vous accusent d'avoir voulu occuper des postes stratégiques qu'on ne vous a pas attribués.

 

Oumar Mariko : il n'y a aucun militaire parmi les cinq colonels qui puisse avoir le courage de dire publiquement que Oumar Mariko était à la recherche d'un seul poste. Il n'y en a pas un seul parmi eux. C'est des choses qu'on raconte beaucoup dans les coulisses. Mais quand j'ai rencontré les trois premiers responsables militaires, à savoir Assimi Goïta, Malick Diao, Sadio Camara, les trois en même temps, à leur demande et sur l'insistance d'un de leurs marabouts qui se trouve à Ségou, quand je les ai rencontrés, ils m'ont applaudi parce que je leur ai dit que je ne suis intéressé par aucun poste.

 

DW : Oumar Mariko, vous avez toujours été contre les missions militaires étrangères au Mali en particulier et en Afrique en général. Aujourd'hui, des supplétifs russes sont déployés au Mali pour aider les forces armées maliennes à combattre les groupes armés. Quel est votre regard sur cette présence militaire russe au Mali ?

Oumar Mariko : Si je suis en dehors du Mali, aujourd'hui, c'est parce que j'ai décrié l'activité de Wagner. C'est parce que Wagner est parti avec six avions militaires maliens bombarder les gens dans les marchés à Moura, fait une descente et tire sur tout ce qui bouge.

Si je suis aujourd'hui insulté, vilipendé au Mali, c'est parce que j'ai dit que les drones que les Turcs sont en train de vendre au Mali tuent principalement les populations civiles et qu'il faut qu'ils ajustent les tirs de leurs drones.

"Si je suis en déhors du Mali, c'est parce que j'ai décrié l'activité de Wagner"

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L'histoire vient de me donner raison encore une fois. Il y a quelques jours, des élèves d'une école coranique d'un petit village à côté du plateau Dogon ont été bombardés, tués par les drones parce que simplement les feux qu'ils ont allumés pour faire l'apprentissage du Coran ont attiré les drones. Ils ont tiré sur les gens, ils les ont tués.

 

DW : Oumar Mariko, comment vous êtes sorti du Mali ?

 

Oumar Mariko : Ecoutez, je crois que ce n'est pas le moment de le dire. Les Bambara disent que tant qu'il y a encore de la viande sur les peaux de partage, il ne faut jamais se dire qu'on est mal servi. L'essentiel était que je sorte du Mali. Et je suis sorti du Mali.

 

DW : Depuis que vous êtes sorti du Mali, vous êtes passé par plusieurs pays, dont la Russie. Où vivez-vous aujourd'hui ?

 

Oumar Mariko Je n'ai pas de site précis aujourd'hui et je vous accorde cette interview étant en République française. Je suis à Paris aujourd'hui et je suis rentré à Paris hier matin. Ma patrie est désormais là où on peut me permettre de me battre et je tourne, je n'ai pas de site précis.

 

DW : Oumar Mariko, merci.

 

Oumar Mariko : C'est moi qui vous remercie.

Bob Barry Journaliste, présentateur et reporter au programme francophone de la Deutsche Welle@papegent