Conclave : le prochain pape ne sera sans doute pas africain
24 avril 2025
Depuis hier [23.04.25], des catholiques du monde entier défilent devant le cercueil du pape François exposé à la basilique St Pierre de Rome pour lui rendre un dernier hommage. Ailleurs, notamment en Afrique, l'émotion est toujours palpable, plusieurs jours après son décès.
Miranda Mosheshe, une catholique de Lagos, se dit toujours émue. "C'était un pape que j'aimais, si humble, et il aimait le Seigneur, déclare-t-elle à la DW. Je veux dire qu'il a fait beaucoup pour la foi catholique dans le monde entier. Mon cœur palpite. J'espère que, par la grâce de Dieu, nous aurons un autre pape qui imitera ses attributs - tout ce qui le concerne !"
Les obsèques du souverain pontife sont prévues ce samedi [26.04.2025] mais déjà, la question de sa succession se pose.
Le conclave des cardinaux se réunira dans un délai de 15 à 20 jours mais les discussions vont bon train sur l'identité du prochain pape potentiel.
L'Eglise catholique ne connaît nulle part au monde de croissance aussi forte qu'en Afrique et 20% des catholiques du monde vivraient actuellement sur le continent. Le prochain pape pourrait-il donc être africain ?
Dix-huit cardinaux africains participeront au conclave chargé de désigner le prochain pape, à partir de début mai. Les noms de deux d'entre eux figurent sur la liste de la vingtaine de "papabile" potentiels : Peter Turkson et Fridolin Ambongo Besungu.
Peter Turkson, cardinal ghanéen
Le premier est Ghanéen. Il a longtemps été archevêque de Cape Coast et est devenu en 2009 président du Conseil pontifical pour la justice et la paix, à Rome. Il passe pour avoir été proche de François. Comme lui, il est sensible aux injustices sociales, dénonce la pauvreté, les problèmes environnementaux.
Au Ghana, il a œuvré à pacifier la situation après les élections de 2008.
Il est le favori de Sœur Jacinta Tuoniba, religieuse de Tamale, dans le nord du Ghana. La nonne reconnaît "des similitudes entre la personnalité du pape et celle du cardinal Turkson. Les vertus d'humilité, de simplicité, de compassion et d'amour pour les pauvres et les nécessiteux."
Mais Peter Turkson est aussi critiqué pour son conservatisme, notamment vis-à-vis de l'homosexualité, qu'il ne veut pas criminaliser mais qu'il considère comme un péché.
Fridolin Ambongo Besungu de RDC
Le deuxième candidat africain vient de RDC, un pays qui compte environ 50 millions de catholiques, soit près d'un Congolais sur deux.
Le cardinal Fridolin Ambongo Besungu dirige le Symposium des Conférences épiscopales d'Afrique et Madagascar et est l'une des figures les plus emblématiques actuellement de l'Eglise catholique en Afrique. Il est aussi membre du C9, le conseil de cardinaux chargés de conseiller le pape sur la réforme de la Curie romaine.
Ses prises de position sont libérales concernant les femmes qu'il aimerait voir traitées de manière égale aux hommes au sein de l'Eglise, mais il a critiqué la décision du pape François de permettre la bénédiction de couples de même sexe.
A Kinshasa, Hugues Tamfumu aimerait voir le cardinal Ambongo succder au pape François. Selon lui, "ce sera une victoire pour les Africains, ce sera une victoire pour (...) tous les chrétiens catholiques, parce que ce sera une grande chose pour nous de montrer aussi que non, l'Afrique aussi est capable aussi de diriger."
Un pape noir ?
Au fil de l'histoire, l'Eglise catholique romaine a connu trois papes venus d'Afrique, tous des Berbères.
L'archevêque de Lagos veut croire en la possibilité d'un pape africain venu d'Afrique subsaharienne, au XXIè siècle : "Naturellement, l'Afrique représente l'avenir de l'Église à bien des égards, en raison de son nombre, et la diversité qui y règne est certainement remarquable, déclare ainsi Alfred Adewale Martins. Personne ne peut l'ignorer. Et je suis sûr que l'action de l'Esprit Saint et les pensées des cardinaux qui vont procéder au vote, tout cela sera dans leur esprit. C'est pourquoi je dis que nous devons nous attendre à tout".
Le choix d'un pape africain aurait donc une forte portée symbolique.
Cela dit, Mgr. Donatien Nshole, secrétaire général et porte-parole de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), a déclaré à la DW "Nous ne sommes pas en politique où on doit réfléchir en termes de quotas, de rotations, surtout pas par les races. Nous sommes dans l'Église universelle où tout le monde a sa place".
En coulisses, les experts restent toutefois sceptiques quant aux chances des cardinaux Turkson ou Ambongo d'être élus.
Notamment à cause du tabou qui persiste en Afrique, plus que sur d'autres continents, à traiter ouvertement des innombrables cas d'abus sexuels commis par des prêtres catholiques.
Olisa Chukwumah (DW Lagos) a contribué aussi à cet article