Le poids économique des étudiants étrangers aux Etats-Unis
30 mai 2025
Aux Etats-Unis, le département d'État américain a suspendu le traitement des visas pour les étudiants étrangers sur ordre du secrétaire d'Etat Marco Rubio. Celui-ci a promis de révoquer "avec fermeté" les visas des étudiants en provenance de Chine.
Au-delà de son bras de fer avec les grandes universités américaines, notamment Harvard, accusées d'antisémitisme, d'être à gauche et de favoriser les élites et les étrangers, l'administration Trump enchaîne ainsi les mesures pour renforcer le contrôle de l'immigration.
Depuis l'investiture de Donald Trump en janvier, l'administration a mis en œuvre des mesures radicales pour détenir et expulser les migrants et pour refuser l'entrée sur le territoire à certains voyageurs, y compris les touristes. Plusieurs pays ont d'ailleurs mis à jour leurs avertissements aux voyageurs voulant se rendre aux Etats-Unis. Impensable encore il y a quelques mois.
Dans le même temps, le gouvernement cherche à identifier et potentiellement arrêter ou expulser les étudiants qui se sont notamment engagés dans les manifestations contre les opérations militaires israéliennes à Gaza. Les tentatives des universités de résister aux exigences de l'administration se sont soldées par des gels de subventions et des coupes budgétaires.
En mars, le gouvernement américain a ainsi révoqué plus de 300 visas, Marco Rubio affirmant que les étudiants s'étaient engagés dans "des activités qui vont à l'encontre de notre intérêt national, de notre politique étrangère".
Les étudiants internationaux, des acteurs économiques majeurs
Plus de 1,1 million d'étudiants internationaux sont arrivés aux États-Unis au cours de l'année universitaire 2023-24, dont 30 % en provenance d'Inde et 25 % en provenance de Chine.
Ces étudiants représentent une contribution financière majeure pour l'économie américaine.
Selon l'association d'enseignants et d'étudiants étrangers NAFSA, les étudiants internationaux ont injecté 43,8 milliards de dollars (42,8 milliards d'euros) dans l'économie américaine sur l'année scolaire 2023-24.
Michael Clemens, économiste de l'immigration à l'Université George Mason, dans l'État de Virginie, estime que même une suspension de courte durée de la délivrance de visas pourrait avoir des répercussions majeures dans tout le pays.
"Cette pause est extrêmement dommageable, explique Michael Clemens. Cela crée un climat d'incertitude extrême pour les étudiants qui envisagent de faire l'énorme investissement pour venir étudier aux États-Unis. Dans de nombreux États, le système universitaire est soit le plus grand employeur, comme dans l'État de l'Alabama, soit l'un des plus grands".
L'expert ajoute qu'une baisse du nombre d'étudiants internationaux pourrait réduire le potentiel de création de nouvelles entreprises et étouffer l'innovation américaine. Selon lui, "15 % des start-ups à forte croissance financées par du capital-risque en Amérique – avec toute la création d'emplois, les investissements et les changements technologiques qu'elles favorisent – dépendent des étudiants étrangers".
La réputation des Etats-Unis sévèrement écornée
La suspension des procédures de visas pourrait également frapper durement les économies locales, puisque de nombreuses petites entreprises dépendent de la main d'œuvre temporaire ou saisonnière que représentent les étudiants étrangers.
Plus largement, c'est l'image des Etats-Unis, qui est en train de subir des dommages colossaux. "Les effets durables de la perte du statut des Etats-Unis pour des générations en tant que première destination pour les talents du monde se feront sentir dans le monde rural et urbain partout dans le pays. Ces talents sont au cœur du dynamisme et de la croissance économique aux États-Unis, et personne n'échappera à ces conséquences".
La suspension des visas est en effet synonyme d'incertitudes et alimente de plus en plus la perte de confiance dans l'éducation aux États-Unis. Plus largement, avec la guerre aux subventions dans la recherche que mène l'administration Trump, ce sont les perspectives de carrière à long terme aux Etats-Unis qui sont remises en question pour nombre d'étudiants.
Pour l'économiste Michael Clemens "tant que le gouvernement américain ne commencera pas à essayer de rétablir cette confiance, il me sera difficile, en toute conscience, de conseiller aux étudiants de continuer à venir aux États-Unis. C'est d'une tristesse indescriptible".