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La présidentielle reportée, le Sénégal plonge dans l'inconnu

Georges Ibrahim Tounkara
5 février 2024

Au Sénégal, la question de la légalité de la décision du président Macky Sall de reporter la présidentielle du 25 février est loin de faire l'unanimité.

Macky Sall lors de son adresse à la nation le samedi 3 février 2024
Macky Sall a invoqué le conflit entre le Conseil constitutionnel et l'Assemblée nationale pour expliquer le report de la présidentielleImage : RTS/Reuters

Selon le correspondant de la DW en Côte d'Ivoire, le trafic à Dakar était au ralenti ce lundi 5 février. Les forces de l'ordre sont présents en nombre pour dissuader d'éventuels manifestants. Les débats à l'Assemblée nationale sont très houleux entre les groupes parlementaires. Les députés sont réunis pour se prononcer sur le report du scrutin prévu le 25 févier prochain

Que dit la Constitution ?

Pour l’opposition sénégalaise, "aucun texte ne donne au président le pouvoir de reporter l'élection présidentielle, ni dans la Constitution, ni dans le code électoral".

Le Professeur de Sciences politiques à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, Moussa Diaw, indique cependant les conditions dans lesquelles le report de l’élection présidentielle est envisageable.

"Ce report là sur le plan constitutionnel n’est pas légal parce que la constitution sénégalaise prévoit des situations majeures c’est à dire une crise institutionnelle, un blocage des institutions ou des menaces de sécurité. Mais il n’y a pas de crise, il n’y a pas de blocage, les institutions fonctionnent très bien, le Conseil constitutionnel n’a pas de problème et les autres institutions fonctionnent normalement" explique l'expert.

Le report de la présidentielle est dénoncé par de nombreux SénégalaisImage : Zohra Bensemra/REUTERS

Pourquoi reporter ce scrutin ?

Le président Macky Sall a justifié le report du scrutin par le "différend entre l'Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel".

Ces  deux institutions selon le président, sont en conflit ouvert à propos d'une supposée affaire de corruption de certains membres du Conseil constitutionnel. Un alibi selon ses opposants pour qui, le président redoute simplement une défaite de son camp à la présidentielle du 25 février.

L’opposition va saisir le Conseil constitutionnel selon Paulin Maurice Toupane, chercheur principal, au bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest, de l'institut d'études de sécurité (ISS).

"Ce qui se passe à l’Assemblée nationale est en contradiction parfaite avec la Constitution. L’opposition a décidé de saisir le Conseil constitutionnel si cette loi venait á être adoptée."

D'ailleurs, le candidat Malick Gackou indique ce lundi soir qu'il a introduit un recours devant le Conseil constitutionnel pour protester contre ce report.

Une première au Sénégal

C'est la première fois depuis 1963 qu'une présidentielle au suffrage universel direct est reportée au Sénégal, un pays qui n'a jamais connu de coup d'Etat.

Mais avec ce nouveau  regain de tension politique, c’est une période d’incertitudes qui commence pour le pays selon Paulin Maurice Toupane, chercheur à  l’'institut d'études de sécurité (ISS).

"On est dans une période d’incertitudes, totale. Le Sénégal est entré dans une période de crise dont personne ne maitrise les tenants et les aboutissants. L’armée sénégalaise a toujours été une armée républicaine s’abstenant d’intervenir dans le jeu politique.  Nous espérons que l’armée continuera à garder cette posture ", estime Paulin Maurice Toupane.

Le Sénégal entre dans une période d'incertitudes avec le report de la présidentielle prévue le 25 février 2024Image : John Wessels/AFP

Réactions internationales

Le président de la Commission de l'Union Africaine, Moussa Faki Mahamat, a appelé ce lundi les Sénégalais à régler leur "différend politique par la concertation, l'entente et le dialogue".

De son côté , la Cédéao, la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, a exprimé "sa préoccupation quant aux circonstances qui ont conduit au report de l'élection" et appelé "les autorités compétentes à favoriser les procédures afin de fixer une nouvelle date", tout en donnant "la priorité au dialogue".

L'Union européenne abonde dans le même sens. Elle  appelle "tous les acteurs à œuvrer, dans un climat apaisé, à la tenue d’une élection, transparente, inclusive et crédible, dans les meilleurs délais et dans le respect de l’Etat de droit".

À Washington, le département d'État a déclaré que les États-Unis étaient "profondément préoccupés" par cette annonce. 
 

Georges Ibrahim Tounkara Journaliste au programme francophone de la Deutsche Welle