L'or devient un filon pour les bandes criminelles du Sahel
13 novembre 2019Un nouveau filon d’or a été découvert en 2012. Il va du Soudan à la Mauritanie et représente une aubaine pour les organisations criminelles actives dans le Sahel. L’or devient objet de convoitise car il devient source de financement. L'International Crisis Group s'en inquiète dans un rapport.
Depuis 2016, des groupes armés s’emparent de sites d’orpaillage artisanaux là où l’Etat n’est pas présent pour contrôler.
Les zones citées dans le rapport de l’ICG sont notamment la région de Kidal au Mali, la région de Tillabéri au Niger et le nord du Burkina Faso. Dans ces régions, les groupes terroristes gagnent du terrain.
Pour faire face à cette situation, les Etats font appel à des acteurs privés pour contrôler les zones aurifères.
Des progrès dans la gestion au Mali ?
Tiemoko Souleymane Sangaré, de la Fondation pour le développement du Sahel basée au Mali, estime qu’il est bon que l’Etat a transféré le contrôle de l’orpaillage aux communautés locales.
Il souligne d’ailleurs que le nouveau code minier bientôt examiné à l’Assemblée permettra d’entériner une meilleure répartition des revenus. Là, il parle surtout des régions de Kidal dans l’ouest et Sikasso, dans le sud :
"Il y a certaines taxes qui reviennent directement aux collectivités, c’est-à-dire la patente : 60% à la région, 25 % au cercle et 15% à la région. Donc l’Etat fait en sorte que l’or puisse profiter aux communautés."
La sécurisation des sites est privatisée
L’ICG déplore surtout le contrôle physique des sites aurifères, la sécurisation des lieux qui est souvent externalisé par les Etats.
Soit à des entités traditionnelles, comme les chasseurs dozos au Mali, soit à des groupes formés plus récemment comme les milices d’autodéfense koglweogo au Burkina Faso.
Parfois, il s’agit même d’anciens bandits. Au Burkina Faso, des entreprises privées ont aussi reçu des agréments pour sécuriser l'orpaillage artisanal.
Le problème, comme le dit Mathieu Pellerin, spécialiste du Sahel au sein de l’ICG, est que "le rapport de ces groupes avec l’Etat évolue avec le temps", c’est-à-dire qu’ils peuvent changer d’alliés selon leurs intérêts.
Par ailleurs, ils ne sont ni formés ni équipés à remplir les missions de surveillance ou antiterroristes dont l’Etat les charge.
Des recommandations aux Etats pour remédier aux trafics
Les pistes de réflexion encouragées par l'ICG sont de deux ordres. D’abord en direction des Etats extracteurs concernés qui doivent mieux assumer la sécurisation des sites avec leurs armées et leurs polices, davantage formaliser l’orpaillage pour mieux contrôler la production, avec des comptoirs centralisés pour éviter les financements de réseaux criminels par des réseaux informels.
Et puis il y a les actions au niveau international. Mathieu Pellerin, auteur principal du rapport de l'ICG résume ainsi le problème:
"Si l’or ne pouvait être vendu via des filières d’export informel voire clandestines qui échappent à toute traçabilité, pour rejoindre Dubaï par exemple, il ne pourrait pas y avoir de financement des groupes armés. Donc la question des circuits transnationaux de commercialisation est essentielle."
Mais l'orpaillage industriel est compliqué aussi : la présence même de multinationales ou de l’armée sur certains sites miniers en font aussi des cibles potentielles.
En août, à Youga au Burkina Faso, des riverains s’en sont pris aux employés turcs d’une entreprise minière. Et ces quinze derniers mois, les attaques contre la société canadienne SEMAFO se sont multipliées au Burkina Faso, faisant dix morts parmi ses employés. L’entreprise a d'ailleurs suspendu ses activités dans la mine de Boungou.