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ConflitsIsraël

Que signifie exactement le terme "génocide" ?

3 novembre 2023

C'est un mot qui revient souvent pour désigner ce qui se déroule en ce moment dans la bande de Gaza. Pourtant, sa définition juridique est très stricte.

Le mémorial aux Juifs assassinés d'Europe à Berlin
Le mot génocide se compose du préfixe grec genos, qui signifie "race" ou "tribu" et du suffixe latin cide, qui renvoie à la notion de "tuer".Image : Tobias Schwarz/AFP/Getty Images

Alors qu'Israël impose un siège total à la bande de Gaza et que l'enclave palestinienne est soumise à des bombardements quotidiens de Tsahal, en représailles à l'attaque terroriste du Hamas du 7 octobre dernier, des experts indépendants, mandatés par l'Onu, ont publié en leur nom hier un communiqué. Dans ce dernier, ils estiment que le peuple palestinien "court un grave risque de génocide".

En 1948, trois ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'Onu adopte la Convention sur le génocideImage : AP

A l'origine du terme

C'est en 1944 que le terme "génocide" est utilisé pour la première fois. Raphaël Lemkin, un avocat juif polonais, qui adoptera par la suite la nationalité américaine, invente ce mot pour qualifier non seulement les politiques nazies d'extermination systématique du peuple juif pendant l'Holocauste, mais aussi d'autres actions ciblées menées par le passé dans le but de détruire des groupes particuliers d'individus.

Le terme est employé au procès des criminels nazis de Nuremberg, en 1945, où Raphaël Lemkin est le chef de la délégation américaine, et celui-ci plaide par la suite pour faire du génocide un crime international.

Cela aboutit, à l'adoption, en 1948, par l'Onu, de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

Qui peut être poursuivi pour génocide ? 

L'article II de cette convention définit le génocide comme tout acte "commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel." Toujours selon la définition des Nations unies, ces actes comprennent le meurtre, l'atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe, la dégradation de leurs conditions de vie au point de mettre leur existence en danger, des mesures visant à entraver les naissances ou encore l'enlèvement d'enfants.

La Convention sur le génocide indique également que toute personne - gouvernant, fonctionnaire ou particulier - peut être poursuivie et condamnée pour génocide et que tous les Etats, qu'ils aient ou non ratifié le texte, sont juridiquement liés par le principe selon lequel le génocide est un crime proscrit par le droit international.

La Cour pénale internationale et la Cour internationale de justice sont les deux institutions judiciaires compétentes en la matière. On le voit, le terme génocide est donc clairement encadré juridiquement parlant. 

Des soldats russes ont tué d'innombrables civils en Ukraine. En 2022, le président américain, Joe Biden, avait parlé de génocideImage : Carol Guzy/Zumapress/picture alliance

La complexité de prouver un génocide

Sauf que, au quotidien, beaucoup de gens utilisent ce mot "de manière très vague pour désigner les crimes les plus grands et les plus graves" estime Valérie Gabar, experte en droit international.

En effet, la portée symbolique de ce mot est énorme : "il sonne beaucoup plus dur encore que "crimes de guerre" ou "crimes contre l'humanité", explique celle qui est aussi cofondatrice de "UpRights", une plateforme de conseil juridique.

Pourtant, constater un génocide, "n'est pas qu'une question de chiffres. Le critère le plus important est l'intention d'exterminer physiquement un groupe".

Mais comment prouver une intention ? C'est là tout le problème, selon William Schabas, professeur canadien de droit international. Comme "les auteurs ne feront probablement pas d'aveux directs devant le tribunal", la justice est obligée de s'appuyer sur des textes, des ordres, des actes ou encore des pratiques qui peuvent servir à prouver l'intention.

Des procédures longues et complexes

La complexité des dossiers et le nombre de victimes font que les poursuites pénales pour génocide prennent souvent beaucoup de temps : "Nous ne devons pas seulement prouver l'intention de tuer, mais l'intention de tuer des gens parce qu'ils appartiennent à un groupe particulier", insiste Valérie Gabar qui a participé à des tribunaux internationaux pour le Cambodge, le Rwanda et l'ex-Yougoslavie.

Le génocide des Tutsis au Rwanda s'est déroulés du 7 avril au 17 juillet 1994Image : Ben Curtis/AP/picture alliance

Est-ce un génocide ou non ? 

Ces dernières années, le terme de génocide a souvent été employé par des dirigeants politiques pour qualifier des atteintes aux droits de l'Homme en Chine, au Myanmar, en Syrie ou, plus récemment, en Ukraine. Autant de tentatives d'utiliser le mot pour des événements qui ne correspondent pas à la définition juridique du génocide, selon le professeur William Schabas.

Pour l'heure, trois massacres de masse ont été reconnus comme génocide par l'Onu : l'extermination des juifs par les nazis pendant la période de la Seconde Guerre mondiale, le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994 et le massacre des musulmans à Srebrenica en Bosnie en 1995.

Le massacre des Arméniens par l'empire ottoman, entre 1915 et 1916, n'a été reconnu qu'indirectement comme un génocide par les Nations unies.

Mais d'autres crimes peuvent être reconnus comme tel par certains Etats. C'est le cas par exemple de l'Allemagne qui a reconnu le génocide des Héréros et des Namas perpétré par les autorités coloniales allemandes au début du XXe siècle.

Avec la collaboration de Sonia Phalnikar