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Kinshasa étudie une réforme du système carcéral en RDC

10 septembre 2024

Après le drame de la prison de Makala, le président Félix Tshisekedi a décidé de mettre en place un service national des renseignements pénitentiaires.

DR Kongo I Inhaftierte im Makala Gefängnis, Kinshasa
Image : Jean Noel Ba Mweze/DW

Arrêté en 2016 pour son engagement politique, Patrick Mundeke a passé 104 jours dans différents lieux de détention des services de renseignements à Goma et à Kinshasa. Il n'a jamais été présenté devant un juge. Patrick Mundeke se souvient des conditions de sa détention.

"C'est l'enfer… les cachots des services de renseignements sont des mouroirs, vous êtes condamnés à mort, sortir vivant relève d'un miracle de Dieu. On vous enferme toute la journée, entre 50 et 60 personnes sont dans une pièce de quatre mètres sur six, c'est inimaginable", regrette Mundeke. 

"Il y a ce problème dans les autres prisons à travers la RDC"

Et depuis… la situation n'a pas changé, que ce soit à Kinshasa, à Goma ou à Mbandaka. La surpopulation carcérale observée à la prison de Makala est presque identique dans les autres établissements pénitentiaires du pays. Lewis Mudge est directeur pour l'Afrique centrale de l'ONG américaine des droits humains Human Rights Watch.

"Nous avons fait des recherches, il y a quelques années (lors de la pandémie de Covid-19), à Mbandaka par exemple, à Goma aussi, où il y a trop de prisonniers, trop de détenus, trop de gens qui sont présumés innocents, mais dont le procès n'a pas encore commencé. Donc, la prison de Makala c'était une tragédie, c'est clair, mais il y a ce problème dans les autres prisons à travers la RDC", déplore-t-il. 

Les organisations de droits humains et les activistes des mouvements citoyens ne cessent d'interpeller le gouvernement sur les conditions carcérales en RDC.

Nécessité de désengorgement 

Construite à l'époque coloniale pour une capacité de 1 500 détenus, la prison centrale de Makala à Kinshasa compte actuellement près de 15 000 détenusImage : Jean Noel Ba Mweze/DW

En janvier, la Fondation Bill Clinton pour la paix affirmait que les mauvaises conditions de détention avaient causé, dans la seule prison de Makala, le décès de plus de 500 détenus en 2023. 

Pour sa part, à la mi-août, soit avant le drame de Makala, le Bureau conjoint des Nations unies pour les droits de l'Homme a dénombré 238 décès en prison depuis le début de l'année, dus à la surpopulation carcérale, aux mauvaises conditions de détention, à l'insuffisance alimentaire et à l'accès inadéquat aux soins de santé. 

La province du Nord-Kivu, se trouvait en tête de ce rapport avec 88 décès en prison, suivie de la province du Kwilu avec 62 décès, du Tanganyika avec 40 décès et du Kasaï central avec 13 décès. 

Ecoutez le reportage sur les conditions carcérales en RDC

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Au mois de mai, Dieu-Merci Safari, coordonnateur du mouvement citoyen Non, la Nouvelle orientation de la nation, a adressé une lettre ouverte au ministre de la Justice pour dénoncer la mauvaise prise en charge des détenus dans la province du Nord-Kivu et dans l'ensemble du pays.

"Nous avons demandé au ministre de la Justice de penser à cette situation, de pouvoir désengorger ces prisons parce que la plupart des détenus y sont en violation de la Constitution. La plupart sont en détention préventive, pour une prison comme ici à Goma, construite pour une capacité de 350 personnes, il y a plus de 4.000 détenus. C'est inacceptable. Ce qui s'est passé à Kinshasa doit interpeller tout le monde", a dit Safari.

Vers la création d'un service national des renseignements pénitentiaires

Les circonstances de la tentative d'évasion de la prison de Makala, dans la capitale Kinshasa, restent flouesImage : DRC Presidency/Handout/Xinhua/picture alliance

Lundi (09.09.2024), lors de la réunion extraordinaire du Conseil des ministres, le président Félix Tshisekedi a demandé aux membres de son gouvernement de créer un Service national des renseignements pénitentiaires. 

Selon le compte rendu du Conseil des ministres, ce service aura pour mission de « coordonner efficacement la surveillance et la sécurité » au sein des établissements pénitentiaires.

Toutefois, pour Lewis Mudge, de Human Right Watch, l'amélioration des conditions carcérales en RDC passe d'abord par le désengorgement des prisons.

"Pour nous, à Human Rights Watch, les gens qui sont accusés de crimes qui ne sont pas sérieux, de crimes qui ne sont pas violents et qui sont en détention provisoire, devraient être relâchés, en attendant le début de leurs procès", a plaidé Mudge. 

Les ONG de droits de l'Homme en RDC ont aussi demandé au ministre de la Justice et au Conseil supérieur de la magistrature de mettre fin aux arrestations injustifiées et de réduire les délais d'instruction des dossiers, pour éviter la surpopulation carcérale.